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Strasbourg, 10 août 1940.

Draco se laissa glisser contre le mur dans un profond soupir. Ses membres tremblaient nerveusement tandis que ses forces l'abandonnaient lentement. Le regard fixé devant lui sans rien y distinguer, il ne remarqua même pas qu'Harry avait disparu. Il se redressa légèrement lorsqu'il réapparut, un morceau de chocolat entre les doigts.

L'Allemand ferma les paupières un court instant, reprenant péniblement le contrôle de son corps. De cette enveloppe corporelle traîtresse qui avait soudain décidé de lui faire défaut. Son visage exprimait son malaise par une pâleur effrayante, presque morbide. Il déglutit péniblement, observant l'autre homme comme une bête curieuse, sans comprendre le fondement de son geste. Le Français se sentit forcé de se justifier, la main ouverte toujours tendue devant lui :

—J'ai trouvé ça dans la cuisine.

Devant le silence dubitatif de Draco, l'autre reprit doucement, comme s'il s'adressait à un enfant :

—C'est du chocolat, ça devrait vous faire du bien.

Un ton professionnel en toutes circonstances. Le blond cessa de lutter contre sa fierté qui lui hurlait à pleins poumons de refuser l'offre pourtant alléchante. Il se saisit d'un morceau de chocolat avant de savourer la saveur sucrée et réconfortante. Une seconde à peine s'écoula avant qu'un profond soulagement s'éprit de lui. Il ferma les yeux de plaisir.

Harry ne fit aucune manière, s'asseyant par terre aux côtés de son vis-à-vis. Il tenait toujours dans le creux de sa main quelques carreaux de la précieuse sucrerie. Presque timidement et après une longue minute, il s'enquit :

—Est-ce que je peux en prendre un morceau ?

L'intéressé opina gravement, fidèle au mutisme alarmant qu'il affichait depuis qu'ils étaient sortis de la pièce principale, abandonnant son meilleur ami aux mains du médecin.

Harry tâcha de ne pas trop angoisser. Il mordit dans la friandise avec joie, dégustant lentement ce petit plaisir simple devenu rare. Depuis combien de temps n'avait-il pas mangé de chocolat ? De longs mois. Son enfance n'avait d'ailleurs pas été propice à ce type de petits bonheurs. Il en gardait un souvenir amer, une pensée fugace qu'il s'efforçait d'obscurcir sitôt l'avait-elle atteint.

Un dur silence les pesait et, à la surprise générale, ce fut Draco qui le brisa, articulant ce simple mot comme une complainte :

—Merci.

—Pourquoi ? Pour le chocolat ? demanda Harry, le regard concentré sur ses doigts.

—Certainement pas pour m'avoir traîné dehors, grommela le plus âgé, de son éternelle voix traînante, un poil méprisante.

—Je n'avais pas le choix. Mione avait raison, ça ne servait à rien de ...

—C'est mon meilleur ami.

Ces quelques mots avaient jailli, coupant court au récit du juif qui lui octroya un regard légèrement étonné. La sécheresse de ses mots n'aurait pourtant pas dû le surprendre après tout, ne devrait-il pas s'y sentir habitué ? Il s'était maintes et maintes fois interrogé sur son choix. Au fond, il se trompait peut-être et cet acte de générosité pourrait bien lui coûter la vie sitôt celle du métis sauvée. La peur ne s'était pas éteinte. Ses braises ardentes reposaient dans les méandres de son esprit, prêtes à s'enflammer dès lors qu'une brise viendrait les raviver.

Il se surprit à fuir à nouveau le regard de l'Allemand, avant de déclarer fermement :

—Et il est entre de bonnes mains.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant