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Munich, 25 juin 1940.

La France avait capitulé trois jours plus tôt et la nouvelle avait fait le tour de l'Allemagne en à peine quelques heures. La fierté gonflait le cœur de tous et on la criait à pleins poumons afin que personne ne puisse ignorer la cuisante défaite de leur ennemi juré.

Malfoy, lui, faisait partie de ceux qui n'avaient jamais douté de la puissance armée de sa nation. Il haïssait l'ennemi de toute son âme d'ancien combattant et ne se privait pas pour l'affirmer. Partisan d'Hitler dès son arrivée au pouvoir, nazi de la première heure et même bien avant, il rêvait d'une revanche. Il souhaitait que l'humiliation ressentie soit la même pour la France et qu'elle paye le prix de la honte.

Draco Malfoy n'avait, sans aucun doute, rien souhaité de tout cela. Pantin des ambitions démesurées et meurtries de son père, il obéissait, purement et simplement. Dans l'ombre de cette figure paternelle omniprésente, il s'était forgé une opinion dure et sans appel. Il avait même oublié si sa pensée était véritablement la sienne ou seulement l'écho de ce que l'on lui avait maintes fois répété. Son entourage ne voyait en lui qu'un pâle reflet au regard hypnotique et glacial.

Pourtant, et à l'instant où le jeune aristocrate apprit la défaite française, son monde entier s'écroula. Il avait longuement appréhendé ce moment tout en sachant qu'il n'y échapperait pas éternellement. Le destin se présentait à lui comme pour lui réclamer une monnaie d'échange et n'accepterait plus de délais supplémentaires.

Draco était seul, enfermé dans la cuisine, lieu où il ne serait dérangé qu'en dernier recours. Son père le cherchait déjà certainement partout et cela suffit à instaurer l'urgence qui lui manquait. Sa gorge nouée le faisait souffrir et il cherchait en lui le courage et la force de quitter la maison de son enfance, de tourner le dos aux souvenirs comme au confort qui, ici, ne manquait pas. L'idée de mettre les pieds sur un territoire méconnu l'effrayait et il aurait donné n'importe quoi pour manquer à cette obligation.

D'un geste précipité, il se passa de l'eau fraîche sur le visage et accorda un regard au miroir qui lui faisait face. Qu'y voyait-il ? Un jeune homme terrassé par la lâcheté ? Non, Draco refusait d'y croire. Il inspira profondément avant d'expirer lentement, les muscles tremblants. Que dirait son père s'il le voyait ainsi ? Lui ferait fi de l'incroyable beauté de son fils pour le blâmer, irrévocablement, pour cette faiblesse.

Soudain, quelqu'un toqua fermement à la porte. Deux coups portés sur le bois massif et l'angoisse étouffa littéralement l'Allemand. Il passa frénétiquement sa main sur son visage encore humide comme pour effacer les sillons que la peur liquide avait jadis creusés. Personne ne devait être témoin des larmes de Draco Malfoy, elles devaient rester secrètes. Un bien terrible secret pour un soldat du Reich qui prônait l'insensibilité face à bien des horreurs humaines.

—Ouvre, Draco, ordonna Lucius, d'une voix ne laissant supposer aucune protestation.

—Oui, père, lâcha l'intéressé.

Et la porte s'ouvrit sur la silhouette longiligne et pâle du jeune homme. Celui-ci avait revêtu son masque de plâtre et ne laissait apercevoir aucune forme d'émotions. L'impassibilité même avait pris place sur ses traits fins et il ne cilla pas lorsque son géniteur le détailla avec minutie.

—Cela va faire dix minutes que j'arpente la maison à ta recherche. Tes affaires son prêtes, j'ose espérer que tu l'es tout autant.

—Elles sont déjà dans la voiture, père.

—Bien. Ton ami, Zabini, t'attend dehors. Ne tarde pas.

Draco opina rapidement alors que son père tournait déjà les talons. Il avait d'ores et déjà dit au revoir à Narcissa, sachant qu'elle pourrait très bien le dissuader de mettre un pied en dehors de la ville. Sa mère représentait sa plus grande faiblesse et l'attachement qu'il lui témoignait n'avait aucune limite. Ainsi, lorsque le jeune aristocrate passa le seuil de la porte, son absence lui tordit déjà l'estomac, telle une douleur vivace. Cela allait être pénible, très pénible.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant