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Belfort, 5 octobre 1940.

Draco Malfoy s'ennuyait ferme. La nuit venait tout juste de tomber et les rues désertes sonnaient comme l'écho redoutable à ce sentiment des plus désagréables.

Une cigarette brûlait entre son index et son majeur et il jetait un regard agacé à la fumée qui s'en échappait. En ce jour, un rien suffisait à attiser sa rage. Et personne n'espérait croiser la route à un Malfoy hors de lui !

Même la nuit étoilée ne parvenait pas à apaiser l'émotion qui lui collait à la peau depuis des jours. Harry et lui ne s'étaient plus véritablement adressés la parole depuis qu'ils avaient quitté Strasbourg plus d'un mois plus tôt. Une relation bancale qui avait creusé un fossé entre eux, une frontière que ni l'un ni l'autre ne trouvait la force de franchir.

—Fais chier ! cracha-t-il, dans l'air frais et un silence total.

Draco s'inquiétait également pour Blaise. Les dernières nouvelles avaient beau être rassurantes, la peur avait la peau solide et refusait de s'en aller bien sagement. Il pensait sans cesse à sa mère, qui avait été forcée de mentir à deux reprises pour sauver sa réputation. Si son père apprenait les mensonges de ces derniers mois, il n'existerait aucun salut pour son fils unique. Qu'importe où il se cacherait par la suite, son géniteur le retrouverait et lui ferait payer cet affront !

S'ajoutait à cela le problème de Pansy. Lors de son dernier appel, enregistré dans le plus grand des secrets, Narcissa avait lourdement insisté sur l'impatience de sa fiancée. Cette dernière projetait de se rendre à Strasbourg rejoindre son futur époux. Si sa belle-mère parvenait à calmer ses ardeurs pour l'heure, il était évident que cela ne durerait pas.

Ici comme ailleurs, Draco avait le sentiment d'être en perpétuel sursis. Un sentiment qu'il exécrait et qui lui imposait la froideur vis-à-vis d'Harry. Vis-à-vis de tous ceux qu'ils pourraient blesser si le vent venait un jour à tourner. En temps de guerre, il savait mieux que quiconque à quel point cela pouvait se produire vite. Un coup de pouce au destin, et vous voilà entraîné dans les bras de la Mort. Pas même le temps d'un soupir, pas même le temps d'un aveu.

Mais pour l'heure, Draco s'ennuyait. Il ne parvenait pas à accepter cette paresse de tous les jours, cette inactivité et cette absence d'objectif concret. Il marchait à l'aveugle sans discerner le mur qui se présentait face à lui. La fatalité l'entraînait dans son sillage dans un bal où il n'était plus bien certain du contrôle qu'il était supposé exercer sur sa propre existence.

Lorsque la silhouette d'Harry se dessina derrière la grille du portail, quelques mètres plus loin, Draco se crispa. Les pas énergiques sur les graviers semblaient le pousser face à ses responsabilités. Il exhala une bouffée de nicotine comme pour s'insuffler le courage manquant, puis lança, inconscient du danger de parler aussi fort à pareille heure :

—Eh bien, Potter, on fait passer le temps ? J'espère que ta soirée a été agréable.

—Je ne te dois rien, Malfoy, répondit le juif, ralentissant à peine.

—Hé ! Attends un peu quoi !

—Fais moins de bruit, on va t'entendre ! pesta Harry, entre ses dents.

Draco eut bien du mal à ne pas perdre la face, à conserver la contenance dont il pouvait se targuer. Il leva un sourcil, accusant le coup sans frémir. Voilà donc jusqu'où le déni les avait menés, n'était-ce pas pitoyable ? Écrasant son mégot fumant sous son talon, l'aristocrate allemand fut tenté de laisser fuir le médecin une nouvelle fois. Sa fierté mise à mal, il rechignait à prendre les devants, à s'abaisser à courir après cet homme, bien qu'il en valait la peine.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant