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Strasbourg, 4 juillet 1940.

Harry se tendit sans parvenir à lutter contre la réaction naturelle de son corps. Les muscles de son visage se crispèrent sous l'effet de l'appréhension et il ne put fuir le regard acéré de son interlocuteur.

Ce dernier ne le quittait pas des yeux, observant la contenance du jeune juif se défaire avant de disparaître complètement. Il avait le sentiment d'avoir arrêté un enfant en flagrant délit, dévisageant un minois à la fois désolé, effrayé et provocateur. Un cocktail explosif dont Draco ne savait quoi penser.

Il attendait une réponse, prêt à patienter autant que nécessaire. Voir les résistances s'effondrer les unes après les autres chez l'autre l'amusait énormément. Un sourire de requin hérissa ses lèvres, contredisant par automatisme la froideur de ses prunelles. Tel un prédateur face à sa proie, il se leva et se dressa de sa grande taille dans le simple but d'impressionner encore davantage son vis-à-vis.

Harry tentait de résister, d'être à l'écoute d'un instinct qui lui hurlait une révolte toute naturelle. Mais derrière la voix insistante de sa conscience, il ressentait une peur vivace et bien réelle. Cet homme, cet inconnu, était dangereux et pouvait facilement faire de sa vie un enfer, voire y mettre un terme de manière aussi brutale qu'inopinée.

Un regard suffit au juif pour connaître l'identité de celui qui pourrait devenir son tortionnaire, cet être que tous imaginaient comme violent et sans compassion. Peut-être était-ce la réalité ? La profonde foi du plus jeune envers l'humanité l'empêchait d'y croire sans preuve malgré une haine grandissante envers les soldats allemands. Celui-ci en particulier se nommait Draco Malfoy, une appellation particulière qui sembla se graver dans la chair du Français.

—Lorsque je pose une question, j'attends une réponse de ta part. Ce n'est ni une proposition ni une invitation, mais un ordre !

Encore une fois, le blond perdait patience. Pourtant, en dehors des mots durs, son visage demeurait parfaitement inexpressif, étranger à la moindre once de colère. Il maîtrisait une langue qui lui était étrangère à la perfection bien que son fort accent ne rende l'ensemble encore plus agressif. Les paroles, davantage crachées que prononcées, ébranlèrent profondément Harry. Ce dernier, pris dans un accès de témérité incontrôlée, rétorqua :

—Je n'ai pas d'ordres à recevoir de quelqu'un comme vous !

Draco s'accorda un rire. Un rire volontairement désagréable, moqueur et sardonique. Cela ne dura qu'un instant et il ne tarda plus à cracher son venin :

—C'est ainsi que ça fonctionne désormais. Tu n'as donc rien compris ?

Harry avait toutes les capacités requises pour comprendre cette idée, mais se le refusait tout simplement. Accepter l'envahisseur ne revenait-il pas quelque part à adhérer à ses opinions ? La question méritait de se poser en cette période de troubles et le jeune adulte s'interrogeait sérieusement. Alors valait-il mieux se taire ? Pourquoi cela ?

Un soupir, méprisant à défaut de se révéler tel qu'il aurait dû se présenter, las, échappa à Draco qui se rassit. Il tapa quelques mots sur sa machine à écrire qui grinça sourdement avant d'asséner à nouveau, insistant sur chaque syllabe prononcée :

—Qu'est-ce que tu foutais dehors après le couvre-feu ?

Cette fois, l'Allemand ne patienta pas bien longtemps avant de reprendre, se sachant des plus persuasifs :

—Tu savais qu'il y avait un couvre-feu, tout le monde le sait. Ne joue pas les innocents maintenant. Tu as voulu jouer au plus fort ou tu t'es égaré en retournant te cacher sous les jupes de ta mère ?

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant