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Munich, 15 août 1940.

Lorsque Draco posa le pied sur le sol de son enfance, sa respiration se bloqua dans sa poitrine. Il suffoqua une seconde avant d'inspirer profondément, soulageant la brûlure de ses poumons. Ses sens pris d'assaut hurlaient leur mécontentement et il demeurait immobile à la sortie du train qui quittait déjà le quai.

Il marcha longuement dans les rues animées de Munich. Des drapeaux flottaient dans la légère brise, la croix gammée y trônait fièrement, comme l'emblème de la ville. Le symbole se dessinait à chaque coin de rue, comme si l'empreinte d'Hitler ne se faisait pas suffisamment concrète dans la ville où il avait exercé ses idéaux avant même les années 30. Il ne pressa en aucun cas le pas, flânant pensivement entre les corps anonymes et bruyants. Cette fois, le cœur n'y était pas. Même les bâtisses de son enfance ne parvenaient pas à égayer cette sombre journée. Les rires innocents des enfants et les paroles graves des adultes laissaient une saveur amère dans sa bouche.

Finalement et puisque fuir n'était plus envisageable, Draco abdiqua et se dirigea vers le lieu indiqué par son père. La raison de cette visite forcée. La seule chose qui le poussait à ne pas rebrousser chemin se résumait en l'espoir de passer quelques jours en compagnie de sa mère.

Bientôt, il se retrouva assis sur une chaise au milieu de plusieurs autres personnalités. Des amis proches de son père qu'il avait eu l'habitude de recevoir à dîner dès sa plus tendre enfance. Des meurtriers se cachant derrière de belles excuses, comme l'avait souvent murmuré Blaise, à peine plus haut qu'un silence de mort. Aujourd'hui, ces paroles spontanées lui revenaient à l'esprit, narguant les portes de sa conscience.

—Draco, le morigéna durement son père, alors que l'attention de son fils laissait visiblement à désirer.

—Veuillez m'excuser, père.

Le Führer avait quitté la pièce depuis une bonne heure et les généraux se chargeaient d'obéir aux ordres laissés à leur égard. Les sujets divergeaient et Draco y prêtait une oreille distraite. Hitler rechignait encore à attaquer l'Angleterre, envisageant la paix avec Churchill. L'idée ne manquait pas de faire débat, ennuyant profondément le jeune aristocrate qui persistait à croire que sa présence n'avait rien d'utile.

Il fut brièvement question de l'Alsace, ce qui amena le blond à se redresser sur son siège. Un homme grand et massif avança que les Alsaciens n'étaient pas suffisamment enthousiastes à devenir de bons Allemands. La formulation, pourtant révoltante, ne choqua personne. Des mesures seraient prises en plus de celles déjà en place pour expulser de la région ceux qui n'adhéreraient pas entièrement au régime. Des sanctions dures ajoutées à celles qui chassaient déjà les juifs de leur terre natale.

Draco se tendit bien malgré lui, muré dans un solide silence. Lorsqu'une voix le tira de sa léthargie, il manqua de sursauter :

—Des objections, Monsieur Malfoy ?

—Pas la moindre, répliqua Lucius, d'une voix traînante et soyeuse.

—Je n'en doute pas pour ce qui est de votre point de vue, reprit l'homme à l'autre bout de la pièce. Je m'adressais à votre fils.

L'intéressé s'humecta rapidement les lèvres, réfléchissant à toute allure sous près d'une vingtaine de regards scrutateurs. Il ne perdit cependant pas la face, articulant avec une aisance certaine :

—Aucune objection. Vous pouvez compter sur moi pour vérifier que les mesures seront bien prises. Un tel comportement de la part des Alsaciens n'est pas tolérable.

—Bien, tout rapport de votre part sera le bienvenu.

Et, enfin, la réunion prit fin. Draco se leva sans plus attendre, étirant discrètement ses membres endormis avant de quitter la pièce. Lucius le héla alors que le plus jeune sortait déjà de l'imposante bâtisse :

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant