Harry avait attendu que le soir tombe pour approcher Draco. Il avait attendu que le froid et la neige immobilise Belfort pour se rendre dans la chambre où il s'était terré. Leur chambre.
Harry avait attendu de rassembler son courage. Encore maintenant, il n'était pas certain d'être suffisamment fort pour se heurter au mépris de son amant. Lui-même ne pourrait s'empêcher de reluquer l'absence, le vide, créée par son bras gauche. Lui-même ne saurait prédire sa réaction et l'ampleur de ses mots lorsqu'il se confronterait à Draco.
Narcissa s'en était allée, sans dire si elle quittait Belfort ce soir ou si elle attendait le lendemain pour offrir à son fils une échappatoire. Elle avait décrit Draco comme traumatisé, terrifié de se voir ainsi réduit d'une part de son corps. C'était en réalité plus qu'un pan de son être qui avait été arraché sur le Front Est loin, si loin de chez lui.
Harry toqua trois coups sur la porte et patienta une poignée de secondes avant de comprendre que personne ne lui répondrait. Hermione lui avait indiqué cette chambre et Harry en avait compris tout le symbole. Avant de retourner à ses occupations, la jeune femme lui avait souhaité bonne chance, un petit sourire au coin des lèvres. Elle aussi avait changé, elle n'était plus la fille qui exposait son savoir à tour de bras et qui se révélait un brin impertinente, peut-être aussi un peu insupportable. Ce n'était qu'avec le recul qu'Harry comprendrait à quel point elle avait mûri, à quel point elle avait souffert. La perte de Ron avait failli la détruire elle aussi et elle n'avait tenu bon que grâce au soutien de Blaise. Blaise qui avait laissé Harry esquisser le premier pas avec Draco alors que son rôle de meilleur ami lui aurait permis de s'imposer. Il lui avait souri lui aussi, avant de lui dispenser un dernier conseil :
— Draco est quelqu'un de fier, il déteste être dépendant de qui que ce soit. Imagine son état maintenant qu'il se sait réduit. Ce n'est pas juste son corps, c'est tout le reste qui a été atteint. Ne le laisse pas croire qu'il n'a pas besoin de toi, ça n'a jamais été aussi faux.
Harry voulait s'en persuader et c'était cette pensée qui résonnait en lui lorsqu'il ouvrit la porte. Il découvrit la silhouette de Draco, debout devant la fenêtre, le regard rivé sur l'extérieur. Harry pouvait presque imaginer l'expression refrognée de sa figure.
— Sors de cette chambre.
— Non, Draco.
— Je ne veux pas te voir.
Harry grimaça, mais plutôt qu'obéir, il avança de plusieurs pas. Draco se tenait là, à quelques mètres, et le juif luttait contre une envie déchirante de l'enlacer. Depuis combien de mois était-il orphelin de sa chaleur, de son contact ? Harry approcha sa main et, très lentement, il la posa sur l'épaule de Draco. Il n'eut pas le temps de lui intimer de se retourner, la chair de l'Allemand se déroba sous ses doigts et il se retourna, étonnamment vif. Il était méconnaissable, défiguré par la colère, par la peur. Son visage n'était plus capable de faire rempart et d'enfuir les émotions, de les faire taire, il s'offrait dans toute sa souffrance.
— Ne me touche pas !
Harry ne s'était pas attendu à une telle réaction. Il recula d'un pas, puis d'un deuxième. Draco tenait son bras, ou ce qu'il en restait, un moignon tel que son amant pouvait l'imaginer sous la manche vide de son manteau. Un animal blessé. Un animal traqué. Comment apprivoiser un animal qui était comme revenu à l'état sauvage, plus craintif, plus agressif que jamais ?
— Désolé.
— Sors d'ici, Harry.
— Non.
— Laisse-moi seul, je ne veux pas te voir !
Il ne souhaitait voir personne et même le visage de sa mère lui était insupportable. Toute cette pitié, cette compassion alors qu'il se sentait déjà anéanti. Il n'était plus capable de soutenir son regard dans le miroir et lire le chagrin sur les traits de Narcissa, c'était presque pire encore. Il ne parviendrait pas à accepter qu'Harry le considère de la même manière. Il était devenu moins qu'un homme et pour quelqu'un d'aussi assuré que lui, il n'y avait pas plus grand déshonneur, plus grande humiliation.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...