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Belfort, 12 octobre 1940.

Draco avait raccroché peu après, l'âme en peine et l'esprit sans dessus-dessous. En quelques mots, sa mère était parvenue, bien malgré elle, à détruire tout ce qu'il avait cru acquis. Le semblant d'harmonie de son existence venait de subir une destruction totale et affreusement douloureuse.

Le blond aurait pu en pleurer comme un enfant tant la nouvelle lui fut pénible et déraisonnable. Il avait tenté de négocier l'irréparable, de délier les arguments et les paroles de Narcissa. Sa génitrice se révélait tout aussi peinée par le désarroi de son fils, navrée de ne pouvoir rien y changer. Une impuissance terrible, aussi bien pour elle que pour lui. Il n'y avait pourtant qu'à obéir et à se taire.

Heureusement, Severus avait pris la situation en main et avait illustré, comme pour faire taire les doutes à ce sujet, sa capacité hors norme à gérer une situation d'urgence. Il s'était informé rapidement sur les moyens les plus rapides de quitter la région pour se rendre à Munich. Un pari complexe qu'il avait relevé haut la main et sans que Draco n'ait le loisir de s'occuper de quoi que ce soit. Son parrain le somma même de ne pas se mêler de cette affaire. De son côté, il lui fallait préparer ce départ précipité aussi vite que possible afin de ne pas encourager son filleul à commettre l'irréparable.

Quelques heures venaient de s'écouler et, pourtant, le destin du jeune aristocrate venait de prendre une toute autre allure. Rien que d'y songer, il en frémissait. Il préférait taire la peur qui le rongeait et ne pas trop réfléchir aux conséquences désastreuses de ses actes. En obéissant aussi aveuglément aux ordres de son père, il venait de tirer une croix définitive sur sa relation avec Harry. Cela lui donnait la nausée.

Il n'avait pas eu le courage d'affronter son amant, de lui tenir ces quelques paroles. La gorge nouée, il avait entrevu la possibilité de se livrer au médecin, de lui avouer ses tracas et le supplier d'accepter ses excuses. Il n'avait pas d'autre choix que de se plier aux volontés de son père, et peut-être qu'Harry aurait pu le comprendre. Si seulement le blond lui en avait donné la chance ! Quelle exécrable lâcheté !

— Tout est-il prêt ? s'enquit Draco, alors que son parrain, vers la fin d'après-midi, l'avait convié dans son bureau.

— Oui, une voiture t'attend dehors. Elle te mènera à la gare où tu prendras un train pour Munich. Personne ne devrait te poser de problème et, si d'aventure on vient à te refuser le passage, voici le lettre qui devrait te garantir un trajet sans encombres jusqu'à chez tes parents.

La mine grave, Severus tendit une enveloppe fermée par un cachet à son cadet. Draco la rangea dans la poche de sa veste avant de remercier son bienfaiteur :

— Merci, parrain.

— Ne me remercie pas, j'agis à contre cœur et toi aussi.

— Tu m'épargnes des ennuis.

—Je t'évite de trop souffrir, n'est-ce pas là mon rôle ?

— C'aurait dû être le rôle de mon père avant tout, rétorqua le blond.

Le directeur de l'établissement laissait entrevoir un visage d'une rare humanité. Comme il comprenait le mal qui submergeait celui qu'il considérait presque comme son fils. Il aurait pu nourrir la même affection pour Harry si seulement il l'avait connu plus tôt.

— Tu n'as pas à me cacher ta peine, Draco, grinça Severus, d'une voix étonnamment douce. Je sais qu'Harry n'est pas un simple ami.

À ces mots, le garçon se tendit. Il était assis sur le siège devant le bureau et ressemblait à s'en méprendre à un enfant pris en faute, la main dans le bocal à bonbons. Il pinça les lèvres quelques secondes avant qu'un sanglot ne déchire sa gorge. Il gémit, pathétique. Sous le regard de son parrain, des larmes envahirent ses yeux avant d'inonder ses joues. Geste encore plus fou, le plus âgé se leva, traversa l'espace, puis enroula ses bras autour des épaules de son filleul. Une étreinte à laquelle ni l'un ni l'autre n'était habitué et qui décupla la tristesse de Draco.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant