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Strasbourg, 18 juillet 1943.

Le soleil se levait et la nuit cédait sa place aux premières lueurs du jour. La fraîcheur nocturne finirait par s'évader et les températures caniculaires de ce mois de juillet s'imposeraient. Pour l'heure, Draco frissonnait de tout son soûl sur les marches de sa demeure. Il n'avait pas rejoint Hermione et s'était égaré jusqu'à ce que ses membres l'amènent vers le domicile qu'on lui avait attribué. Pourquoi ? Sûrement par honte de la défaite.

L'aristocrate allemand avait perdu de sa superbe et si ses collègues l'avaient vu ainsi, prostré dans son désarroi, ils auraient certainement cru voir un autre homme. Où avait bien pu passer le fier héritier Malfoy ? Il était un des joyaux du Reich, ce qu'Hitler qualifiait de race aryenne, un spécimen parfait pour cette race de surhomme que le Führer entendait créer. Draco en était l'exemple même, la perfection de cette idéologie perverse qui sévissait déjà, en Allemagne et en Pologne. Le programme était lancé et on tâchait de produire les futurs soldats, des têtes blondes fidèles à l'engouement nazi.

Draco ne l'ignorait pas, l'horreur de ce qu'Hitler avait imaginée, des femmes violées au nom de la pureté de la race, et son attention était focalisée sur toute autre chose. Ses pensées, envinées par l'alcool ingurgitée, ne parvenaient guère à se concentrer, elles se dissipaient, se dispersaient avec morosité. Le jeune homme avait mal au cœur et pas uniquement parce qu'il était saoul.

Il était fait comme un rat, voilà sa seule et unique certitude. Nott, en à peine quelques heures, venait de dresser un piège redoutable et il avait honte, honte à en mourir, de s'être fait avoir ainsi. Il avait le sentiment d'être un enfant en faute, prisonnier d'une erreur aux conséquences désastreuses. Son horizon se limitait aux dégâts que son inconscience causerait sur sa vie et sur celle d'Harry, d'Hermione et de Blaise. Il avait cru à une blague, à une plaisanterie du sort, mais le jour était venu et l'ivresse avait fait place à une sorte de grave éclat de conscience. L'alcool abrutissait toujours ses sens, mais il savait désormais que rien ne le sauverait, pas même son père et les relations qu'il entretenait. Il était seul et cela avait été bien pénible à admettre pour un être aussi fier que Draco Malfoy.

Il ruminait un mélange de colère et de désespoir. Un cocktail tout aussi corsé que l'alcool qu'il avait bu la veille et qui embrumait encore ses réflexions. Misérable, assis sur les marches qui menaient à son domicile, il fuyait la réalité avec un talent qu'il ne se soupçonnait pas. La peur le rattrapait et laissait resurgir un de ses pires fléaux. La couardise.

Lâche !

Harry n'aurait pas manqué de le lui cracher au visage. Draco se rappelait parfaitement de leurs éternelles disputes, des instants où son amant faisait preuve d'une sévérité hors du commun. Pourquoi tout cela lui manquait-il maintenant qu'il était hors de portée ? Le blond avait l'horripilante impression d'avoir échoué. L'échec de son existence que le levant entraînait, exhibant comme une plaie sanguinolente son erreur. Le bonheur s'effaçait aussi vite qu'il s'était profilé.

— Draco, gronda une voix féminine qui le ramena immédiatement à la réalité.

Le regard fixé sur les dalles devant lui, l'interpellé ne daigna même pas lever la tête. Le déni se lisait jusque dans son attitude. Un déni qui en disait long et dont il n'avait même pas conscience.

— Draco Malfoy !

Cette fois, il sursauta légèrement. La voix était assurée, gorgée de fureur, presque impériale. Hermione se dressait face à lui et il n'avait pas besoin de se redresser pour en avoir la certitude. Il imaginait sans peine les remontrances qu'elle avait soigneusement préparées et le sermon infernal qui lui était réservé.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant