Strasbourg, 15 juillet 1943.
Une chaleur accablante s'était éprise des rues de Strasbourg. L'état venait tout juste de s'abattre et, déjà, la ville tournait au ralenti, au rythme de ses habitants que la fatigue vidait de toute énergie.
Harry dormait à poing fermé, apaisé par l'air plus frais que la fenêtre à moitié ouverte diffusait. Draco le couvait d'un regard attendri, chose qu'il n'assumerait jamais vraiment. Ainsi, le médecin ressemblait à un enfant égaré. Une créature faible, déroutée et vulnérable. Il aimait l'image que lui renvoyait son amant lorsque le sommeil le gagnait. Morphée révélait de lui une expression qui lui ferait honte si seulement il en réalisait l'ampleur. Pour rien au monde l'aristocrate allemand lui avouerait ce secret. Il l'abandonnait aux étoiles, elles seules sauraient le garder pour elle, emporté par le lever du jour.
Sous le drap fin, le corps d'Harry se pressait sans pudeur contre celui de Draco. Ce dernier aimait le contact de sa peau tout contre la sienne, il adulait la friction de leurs épidermes lorsque l'un d'eux bougeait sans s'en rendre compte. Voilà un mois que le blond s'invitait presque tous les soirs dans la couche du juif et il n'échangerait sa place pour rien au monde.
Au creux de ses bras, Harry était en proie aux rêves. Jamais il ne pourrait redessiner les arcanes de l'inconscience ou même ceux de ses songes, mais il rêvait. Bientôt, la conscience viendrait faucher le monde que Morphée révélait et le jeune homme ne garderait qu'un vague souvenir de ce qu'il avait traversé. Un sentiment étrange, indiscernable, comme de quelque chose de puissant, mais qu'il n'atteindrait jamais vraiment. Quelque chose de lointain, quelque chose qui appartenait à un autre temps. Dès qu'il se tirerait des bras tentateurs du sommeil, l'immédiate et certaine réalité qui l'entourait disparaîtrait aussitôt. Comme une goutte d'encre tombée par mégarde dans l'eau et qui se déploierait jusqu'à s'effacer tout à fait. Il n'en resterait rien d'autre qu'un pâle souvenir, vague sensation vide de sens.
Draco sentit tout nettement le corps de son amant s'agiter. Ce fut d'abord imperceptible. Un mouvement vif, mais quasi indiscernable. Puis, les membres du brun furent secoués de tremblements nerveux, incontrôlables, fous. L'Allemand ne sut pas comment agir. Il comprit bien vite ce qu'il se produisait, le visage d'Harry était tordu par l'angoisse et ne laissait pas de doute sur le coupable de ses maux.
— Hé ! Harry, réveille-toi.
Il posa ses mains plus fermement sur ses bras, l'invitant à se tirer des bras titanesques de Morphée. Cela ne dura qu'une poignée de secondes, mais lorsque le Français s'extirpa enfin des limbes du sommeil, une fine pellicule de sueur recouvrait son front. Il avala un gémissement, encore habité par les monstres qui peuplaient ses nuits. Des visages, des noms, des lieux et, surtout, des morts. La respiration difficile, la transition vers la conscience ne se fit pas sans peine et il ne put se raccrocher qu'au regard pâle de Draco.
— Ce n'était qu'un cauchemar, Harry, tu n'es plus à Schirmeck. C'est fini, je t'en fais la promesse, murmura l'homme, d'une voix qu'il espérait rassurante.
Le plus jeune lui avait raconté l'enfer du camp. L'imagination nazie était sans limite lorsqu'il était question de souffrance, véritable machine à broyer les corps et les esprits. On ne ressortait pas indemne d'un tel lieu et Harry en portait les stigmates. Rares étaient les nuits où les chimères ne le tiraient pas de son sommeil. Draco assistait à ce triste spectacle destiné à renforcer sa culpabilité. Il avait prêté une oreille attentive au récit que lui avait tenu son amant. Alors, lorsque les lèvres de son cadet articulaient le nom de Cédric Diggory, il ne pouvait mimer la surprise. L'héritier Malfoy aurait sans doute été animé d'une jalousie viscérale si l'homme auquel le juif s'était attaché n'avait pas connu une fin aussi tragique.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...