Oh, Draco savait pour les camps, il savait l'horreur qu'on y vivait et comment on y mourait. Par-dessus tout, il savait qu'on y mourait, qu'importait comment, les camps n'étaient pas prévus pour laisser s'en aller les prisonniers. Les camps de concentration qui étaient légions en Allemagne les épuisaient jusqu'à la mort si les détenus ne mouraient pas à cause des privations, des brimades, des exécutions sommaires. Les camps d'extermination étaient pires encore, un enfer singulier, pire que tout ce que l'Homme avait pu construire jusqu'alors. Une redoutable machine qui voyait s'éteindre, chaque jour, à une cadence folle, des centaines, des milliers d'hommes, de femmes, d'enfants. Les nazis, ces ingénieurs déments, avaient créé une industrie, la mort à la chaîne, si rapide et efficace, si organisée, qu'elle ne souffrait aucune limite. Draco, à l'assemblement de toutes ces pensées, des chiffres affolants de la mortalité de ce qu'on nommait, et nommerait, système concentrationnaire, failli rendre le maigre contenu de son estomac.
Pitié, faites qu'il mente, faites que ce soit faux, implora Draco.
Mais la satisfaction de Nott ne mentait pas.
Le blond prit une inspiration dans un hoquet. Il ne pouvait y croire. Pas Harry, pas alors qu'il avait échappé à la vigilance de la Gestapo toutes ces années au cœur d'une région annexée. Il s'en était tiré par miracle et avait réussi à résister de toutes ses forces. L'idée qu'il put être dénoncé d'une pareille manière, aussi lâchement, lui était insupportable.
— Tu... Tu avais promis de ne rien le faire tant que j'obéissais ! Tu...
Draco s'étrangla, fou de douleur. Il tremblait tant qu'il failli s'effondrer sur le corps de Nott. Nott qui se moquait ouvertement de lui alors qu'il rétorquait :
— J't'ai pas menti, Blaise est bien en vie. Tes acolytes, la jolie brune, sûrement, doivent déjà lui avoir mis la... main dessus. Seul, dommage !
Le poing de Draco s'abattit sur la mâchoire du mourant si fort que la peau éclata et qu'une douleur aiguë traversa sa main jusqu'à irradier son avant-bras. Il avait perdu ses repères, le cours de ses pensées, tout. Mais le rire de Nott le tira de cet égarement, mais pas de sa folie meurtrière. Il retrouva la lucidité qu'il avait égarée un bref instant, hagard dans sa fureur.
— T'arrives trop tard, Malfoy...
— Dis-moi où il est ! Dans quel camp ?
Il serait bientôt trop tard et Draco ne pouvait pas se permettre de perdre Nott avant qu'il ne lui ait confié cette précieuse information. Alors, il appuya sur la blessure de sa poitrine dans un geste non destiné à ralentir l'hémorragie, mais dans le but de provoquer une douleur plus vive. Nott hurla à s'en déchirer les cordes vocales. Une main aveugle tenta de repousser Draco, mais les maigres forces du mourant ne le lui permirent pas. La poigne de l'héritier Malfoy se renforcit encore avant que Nott n'articule dans un long cri :
— Dachau !
Dachau, bien sûr... Le camp était situé à dix-sept kilomètres de la ville, très précisément, un lieu stratégique, emblématique même pour la première structure construite par les nazis en mars 1933, deux mois à peine après l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Le sang de Draco se glaça. Si Dachau ne possédait pas la sinistre réputation d'Auschwitz pour tous ceux qui avaient une connaissance minutieuse du génocide entrepris par les nazis, on y mourait. On y mourait comme partout et dans des conditions épouvantables.
Un rire éteint retentit. Les dernières forces de Nott s'épuisaient et son agonie prenait fin. Bientôt, Draco n'aurait plus rien à tirer de son corps inerte et son supplice finirait par céder sa place à la mort. Des êtres abjects tels que celui-ci méritaient pourtant de souffrir éternellement, de se trouver damnés dans les flammes de l'enfer. Cette mort parut trop douce aux yeux de Draco. Les hommes qui profitaient de la guerre, qui profitaient de la moindre faiblesse, qui ne possédaient aucun scrupule à voir mourir, dans ce qui était déjà le conflit le plus meurtrier de l'Humanité, des innocents que l'horreur aurait pu épargner. Ils méritaient une fin aussi affreuse que celles qu'ils avaient réservées à leurs victimes, Draco en fut intimement convaincu.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...