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Strasbourg, 10 juin 1943.

Harry se détendait après une longue journée de labeur.

Il reprenait lentement un meilleur rythme de vie, à l'image de celui qu'il nourrissait avant son arrestation. Il soignait les miséreux, les plus vulnérables, ceux que le système allemand sans défauts refusait de prendre en compte et qui se voyaient, de ce fait, rejeter en dernière ligne.

Depuis peu, il organisait à nouveau des passages en France de l'intérieur. Il avait le sentiment de retrouver un morceau de ce qu'on lui avait volé, cette indépendance propre à son caractère et qui s'exprimait par sa farouche volonté de porter secours. Cependant, Harry agissait avec une conscience ravivée par son emprisonnement. Il n'était plus question de risquer sa vie les yeux fermés, sans égards pour le danger qui, dans un coin reculé, guettait et surveillait. Le jeune médecin savait désormais les conséquences qu'une telle insouciance, proche de la bêtise, pouvaient engendrer. Son nom trônait désormais sur un registre et si la police allemande ignorait encore qu'il était juif, l'erreur ne lui était plus permise.

La matinée était déjà bien entamée lorsqu'il retrouva les rues animées de Strasbourg. Il en respira l'essence même, comme pour s'en gorger et libérer son âme des souvenirs douloureux. Cette mémoire traîtresse qui se jouait de lui et qui, au moindre signe de faiblesse, menait une offensive sans crier gare.

Mais Harry gardait la tête haute : il avait secouru une famille persécutée par la SS allemande. Une famille pourtant banale, mais qui avait le malheur de refuser l'enrôlement forcé ordonné par les nazis. Un père brave, une mère courageuse et trois enfants tremblants d'une peur naturelle. La femme, avant de tourner les talons et de courir aux devants de cette nouvelle vie, avait pris les mains de leur sauveur entre les siennes et avait murmuré :

— Vous êtes un homme bon. C'est grâce à vous que nous savons que cette guerre prendra fin un jour. Merci de porter sur vos épaules nos espoirs à tous. Merci, merci mille fois !

Et elle avait disparu, suivant cette famille déchirée par la guerre et qui avait survécu à ces années de privation et de terreur pour finalement préserver une vie si précieuse. Ils s'étaient éteints dans l'ombre de la forêt vosgienne que l'aube colorait de lueurs dansantes.

Harry regagna son domicile, ou plutôt celui qu'ils occupaient désormais comme leur, avec cette note quasi festive en tête. Entre ses doigts, le trousseau émit un cliquetis caractéristique avant que la clé ne déverrouilla la porte. Il s'y engouffra, y voyant une perspective plaisante, celle d'un repos bien mérité. Le héro venait d'accomplir sa tâche, il remettait le destin du monde entre d'autres mains que les siennes.

Un écho de conversation, assourdi par le couloir et l'escalier qui menaient aux chambres, l'accueillit. Il sourcilla, n'y reconnaissant pas la voix féminine d'Hermione. Poussé par sa curiosité, et une pointe de méfiance, il gravit les marches pour bifurquer dans le long couloir. L'animation provenait de la chambre qu'occupait Harry avant son départ pour Belfort, cette même pièce qu'il avait refusé de retrouver à son retour en Alsace, pour les souvenirs qu'elle lui rappelait. Un frisson d'appréhension parcourut l'épiderme d'Harry alors qu'il ouvrait lentement la porte, l'ultime rempart.

La vision qui se présenta à lui le glaça d'effroi. Blaise, installé sur le bord du lit, était en pleine conversation avec... Draco, lui-même pourvu d'une expression froide et grave. Ils discutaient en Allemand jusqu'alors et se retournèrent d'un seul mouvement en direction du médecin. Ce dernier faillit tourner les talons et courir s'enfermer à double tours dans une chambre au hasard.

— Harry, le retint le métis, deux mains présentées à son homologue, symbole d'une intervention pacifique. Draco vient seulement s'excu...

— Je viens simplement discuter, le coupa le blond. Bien que je comprenne que tu sois surpris de ma venue.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant