Munich, 15 août 1943.
Les pas de Weiss les menèrent vers le bureau qu'il occupait depuis qu'il dirigeait ce camp. Draco marchait à sa hauteur, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine. Il aurait aimé devancer ce gêneur, tracer lui-même le chemin jusqu'à Harry et s'enfermer à double tours pour ne laisser personne leur voler l'instant. La douleur enflait, la peur avec elle. Quel homme s'apprêtait-il à retrouver ? La vision des squelettes humains entassés dans les dortoirs, ni tout à fait morts, ni vraiment vivants, lui imposait une réflexion qu'il n'était pas bien certain de supporter. Il imaginait un corps dénaturé, vide, déshumanisé, une enveloppe charnelle qui ne répondrait plus au nom d'Harry Potter.
— Je m'interroge, Monsieur Malfoy, pourquoi un tel intérêt pour ce prisonnier ?
La question prit Draco de court. Prisonnier de ses pensées, il peina à assembler des mots et ne sut qu'articuler une réponse peu convaincante :
— Je connais ce prisonnier.
— Je suis navré, mais malgré l'influence de votre père, nous ne pouvons pas simplement le libérer.
— Je ne compte pas lui rendre sa liberté, simplement m'assurer qu'il disparaisse dans les plus brefs délais.
La respiration heurtée par le rythme de leurs pas, jamais suffisamment rapide aux yeux de l'aristocrate allemand, ce dernier se surprit par l'aisance de ce mensonge. Se débarrasser d'Harry ? Si autrefois sa mort ne l'aurait pas fait sourciller, elle lui était désormais inconcevable. La fatigue creusait les traits de Draco qui, malgré le cataclysme émotionnel dont il était la victime misérable, gardait la tête haute. Lucius lui avait au moins permis cela, cette dignité à toute épreuve, cette fierté familiale qu'il portait comme un étendard, une cruelle obligation.
Weiss n'eut pas le loisir de reprendre la conversation là où elle s'était arrêtée puisqu'ils parvinrent tous deux face à une porte close. Un regard entendu, un visage impassible et un maelstrom d'émotions qui faisait rage, enfin la porte s'ouvrit sur une pièce plus vaste et baignée d'une lumière moins timorée. L'agencement des meubles, les détails du bureau imposant, Draco n'y prêta aucune attention. Sa concentration se cristallisa sur l'unique détenteur de ses pensées.
Harry.
Il fallut au blond toute la force de sa conviction pour ne pas trahir son soulagement. Harry était bien là, vivant, debout. Pourtant, il ne se trahit à aucun moment. Ses lèvres exprimaient cette moue condescendante, un jugement savamment étudié et qu'il avait toujours réservé à ceux que son père désignait comme inférieurs. Son regard qui détaillait le jeune homme était pourtant tout sauf railleur, au contraire, il exploitait chaque indice, chaque élément qui pourrait le renseigner sur l'état de santé de son amant.
Harry flottait dans des vêtements visiblement loin d'être à sa taille. Il ne portait pas le tristement célèbre habit rayé, mais des loques qui pendaient misérablement sur son corps amaigri. Combien de kilos avait-il perdu depuis qu'il avait été entraîné entre les murs de Dachau ? La faim le tenaillait, cela sonnait comme une évidence, mais le gouffre béant de ses yeux parut plus horribles encore. Malgré cet état second, cette peur que l'homme transpirait par tous les pores de sa peau, il ne put retenir la surprise qui s'inscrivit sur ses traits creusés par les nuits sans sommeil autant que par les privations. Soudain, Draco craignit qu'un mot ne lui échappe et que son amant finisse par les trahir tous deux, sans le vouloir.
— C'est bien lui.
— Puis-je vous demander ce que vous comptez faire de lui ?
— Je vous l'ai dit, m'en débarrasser, mon père en a fait la demande express dès qu'il a appris qu'il se trouvait ici. D'où mon arrivée pour le moins inattendue, mon père n'est pas de ceux qu'on fait attendre.
VOUS LISEZ
Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...