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Munich, 18 août 1940.

Draco patientait presque sagement dans un wagon de première classe. Le train s'apprêtait à partir, les adieux accomplis, arrachant les amoureux à leurs étreintes enflammées. Cette idée manqua de voler un sourire au jeune aristocrate.

L'habitacle ne comptait pas plus d'une demi-douzaine de privilégiés, certainement partis rendre visite à des proches dans la lointaine Alsace. Un silence religieux régnait, entrecoupé par le grondement sourd de la puissante machine. Draco détestait l'engin censé le ramener sain et sauf à Strasbourg, il haïssait ses gémissements bruyants et la fumée étouffante qui s'échappait de son armure de ferraille.

Le départ de son fils unique avait été retardé par Lucius d'une journée, si bien que la journée était déjà bien avancée et que le concerné avait eu bien du mal à masquer son mécontentement. On l'attendait, là-bas, à quelques centaines de kilomètres de là.

Son voisin, plongé dans sa lecture, relevait un regard cerné de lunettes rondes sur lui. Des lunettes qui lui rappelaient étrangement quelqu'un, un homme dont il ne savait que penser et qu'il s'apprêtait à retrouver. La ressemblance s'arrêtait là. Bien que cachée derrière l'imposant journal, la silhouette rebondie de l'homme s'imposait, tout comme la petite moustache ourlant des lèvres trop fines. Draco mit fin à sa contemplation, résigné à se complaire dans son ennui.

Le paysage défilait sous les yeux de l'Allemand alors qu'une heure venait de s'écouler. Il quittait une nouvelle fois le berceau de son enfance et tout ce qui pouvait s'y apparenter, de près ou de loin. Malgré cela, il ne ressentait pas le chagrin de son premier exil forcé, seulement un trouble indescriptible. Un mélange de peine légère et de soulagement certain. Alors que le blond se plongeait corps et âme dans ces misérables réflexions, une voix faussement enjouée le héla :

—Vous êtes en route pour rendre visite à votre fiancée ?

Draco haussa sensiblement le sourcil, offrant un regard hautain à la créature osant s'adresser à lui de la sorte. Il faillit ne lui apporter aucune réponse, mais se ravisa. Ses vêtements impeccables et sa manière d'observer par la fenêtre du train avaient dû trahir l'attitude d'un amoureux impatient et transi d'amour. C'en était risible !

—Non, je viens de la quitter, le corrigea-t-il, de son éternel voix traînante.

—Les adieux sont toujours une chose difficile... compatit l'autre, un sourire jovial dévorant son visage joufflu.

Cela n'avait pas été le cas. Sa mère lui avait donné une brève étreinte, rien de plus que les convenances l'exigeaient. Ses yeux humides trahissaient sa tristesse maternelle, contredisant subtilement ses traits froids et presque sévères.

Pansy, quant à elle, avait laissé éclater son déchirement au grand jour. Pendue au cou de son fiancé, elle lui avait fait promettre de revenir à la première occasion et la prévenir dès lors. La gorge nouée par l'émotion, elle avait serré contre elle un homme rendu mal à l'aise par cette exposition publique d'affection. Il avait répondu poliment à toutes ses requêtes, cherchant à s'échapper des bras inquisiteurs de la jeune femme. Sa montée dans le train, après un baiser fiévreux, l'avait soulagé d'un lourd poids. Alors que l'on agitait son mouchoir à son départ, il fermait les yeux et s'imaginait loin. Très loin.

—Vous travaillez pour le Reich ? s'enquit encore le plus âgé, instamment.

—Nous travaillons tous pour le Reich, rectifia Draco, sans égard pour l'uniforme qui le trahissait.

Surpris par une émotion sourde, celle de retirer ces vêtements qui auraient dû faire sa fierté. Les événements qui avaient failli coûté la vie à son meilleur ami ne parvenaient pas à sortir de sa mémoire. Tout comme les paroles enflammées d'un certain Harry Potter, écrasantes de vérités imprononçables. Quelle était la nature du trouble qui l'envahissait si vivement ?

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant