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Strasbourg, 21 mai 1943.

Les beaux jours revenaient et, avec eux, le moral qui avait déserté l'ensemble des Strasbourgeois. Si aucune bonne nouvelle ne leur parvenait, chacun tâchait de survivre malgré le malheur quotidien. Les enfants, désormais inscrits à l'école allemande, continuaient de jouer dans les rues de la ville, de fouler le sol avec une insouciance volée, éphémère. Car même les enfants en temps de guerre vivaient avec la gravité des plus grands.

Blaise flânait dans les rues en ce milieu d'après-midi. Il évitait soigneusement les patrouilles et, malgré les températures clémentes, portait une écharpe pour camoufler autant que possible sa peau métissée. Il ne sortait que très peu, ne courant qu'un risque mesuré afin de ne pas mettre en danger ceux qui avaient sauvé sa vie. Il portait désormais un mépris renouvelé à ceux qui avaient attenté à la sienne, d'une manière ou d'une autre. Tel un fardeau, il portait aux côtés le souvenir du jour où des hommes avaient failli le tuer. Il refusait désormais de soutenir un pareil acharnement, une haine aussi profonde, une violence aussi destructrice. Alors qu'il traversait les places, jetant un œil aux étalages quasi vides des marchants en pénurie de vivres, il s'élançait en direction d'une détermination toute neuve.

Loin du centre-ville, Blaise tomba nez-à-nez avec une maison à l'architecture particulière. Les fondations défiaient les lois de la gravité et l'habitation paraissait aussi excentrique que leurs propriétaires. L'endroit était tel qu'Harry le lui avait décrit, totalement décalé et indescriptible. Quelque peu décontenancé par cette apparence peu commune, le métis hésita avant d'asséner plusieurs coups à la porte. Les secondes s'égrenèrent sans réponse et, après deux minutes de patience, le jeune homme se rendit à l'évidence : il n'y avait personne. Masquant sa déception, il s'apprêtait à s'en aller avec la même discrétion lorsqu'il aperçut, derrière la silhouette bancale de la maison, une agitation tranquille.

Affairée dans son jardin, entre jeunes pousses et mauvaises herbes, Luna sifflotait doucement. Le retour des beaux jours détenait sur elle d'une plaisante humeur, et elle ne remarqua pas la présence de ce visiteur d'infortune. Celui-ci l'observa quelques instants, un léger sourire aux lèvres alors que la jeune femme mettait du cœur à l'ouvrage. Son apparence se trouvait à la hauteur de l'imagination de Blaise. Son corps frêle et vulnérable possédait un charme tout trouvé, celui de sa crinière blonde et emmêlée. Enfin, elle releva la tête et vit l'inconnu, prostré devant la maison, un air intrigué fiché sur son visage brun. Contrairement à bien d'autres, elle n'eut pas le moindre mouvement de recul, ses traits ne portèrent pas la marque d'un quelconque dégoût, et elle ne songea même pas à l'ignorer. Elle vint à la rencontre de ce visiteur avant de le remettre, de sa voix aiguë :

— Tu dois certainement être Blaise, dit-elle, un léger sourire rêveur flottant à ses lèvres.

— Et toi, Luna.

Cette ébauche de conversation amusa grandement Blaise. Il ne côtoyait que peu de monde, personne si l'on excluait Hermione et Harry, et cette jeune femme portait en elle un vent agréable de fraîcheur. Comme un bout d'innocence étonnamment intact par les temps qui courraient.

La jeune femme l'entraîna à l'intérieur sans lui laisser le choix. Elle lui imposa, plutôt qu'elle lui proposa, une tasse de thé brûlante. Une boisson au goût amer que le métis ne sut qualifier, mais qu'il but à petites gorgées, poliment. Finalement, Blaise consentit à aborder le sens de la visite de cet inconnu. Ils ne se connaissaient que par l'intermédiaire d'Hermione et d'Harry, et ni l'un ni l'autre ne s'était rencontrés auparavant. Ce premier contact avait des allures d'incohérence, de drôles futilités et d'importance à peine voilée.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant