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Strasbourg, 21 août 1940.

Draco n'ouvrit les yeux pour la première fois qu'un long moment après. La douleur ne se fit pas ressentir immédiatement, comme si Morphée détenait encore ses sens en otage. Le jeune aristocrate profita ainsi d'une minute de répit, ne discernant rien que la lumière qui l'enveloppait.

Puis, ses membres crurent bon de rappeler leur existence. Une souffrance crue traversa l'Allemand qui articula une plainte muette. Les courbatures de ses muscles accompagnaient le tiraillement de ses plaies et de ses hématomes. Vestiges de la torture subie qui heurta son esprit avec violence. Il tenta de se redresser, comme pour échapper aux souvenirs et au mal qu'ils comprenaient, mais échoua. Son corps meurtri s'affala sur le matelas dans un bruit étouffé.

—Vous devriez rester coucher encore un moment, affirma une voix, à la fois suave et ferme.

Draco tourna lentement la tête, grimaçant sous la douleur que ce simple geste éveilla. Potter se tenait juste là, à quelques centimètres à peine. Une expression sérieuse et inquiète sur le visage, il était tout simplement fidèle à lui-même. Il ne manquait plus que la lueur farouche dans son regard et tout y était. L'autre se racla la gorge pour énoncer, avec un brin de sarcasme :

—Et combien de temps le médecin exige-t-il que je reste alité ? Un mois, deux peut-être ?

—Cela dépendra de vous, répondit Harry, depuis son siège. Vous auriez pu mourir, face à cet homme dans la rue.

—Dois-je saluer mon sauveur et lui baiser les pieds ? Tu aurais pu me laisser dans un coin d'une rue, on aurait retrouvé mon cadavre froid le lendemain, qu'importe ! Ou me laisser mourir chez ses résistants ! J'aurais pu mourir de bien des choses. Ces paysans auraient pu décider de régler mon compte et aucune action héroïque de ta part ne m'aurait sauvée ! Nous aurions pu faire une mauvaise rencontre et là, nous serions morts tous les deux. Quelle importance ?

Le plus jeune se tendit. Comment son patient pouvait-il se montrer aussi désinvolte à l'évocation de sa mort ? Celui qui s'était évertué à le maintenir en vie y voyait comme une offense, un mépris des plus vulgaires.

Draco se redressa lentement, prenant appui sur les coussins qui rendaient sa position plus agréable. Il pouvait maintenant se souvenir nettement des événements de la veille. De l'interminable torture, de l'apparition inespérée de son sauveur et de leur fuite jusqu'ici. Les images défilaient sous ses yeux ouverts et il se contentait de feindre l'insensibilité.

—Vous auriez pu ruiner mes efforts.

—Tu devrais me tutoyer, Potter. Tu as sauvé ma peau, la raison me paraît suffisante.

Toujours cette voix traînante, flegmatique. Celle qui irritait Harry plus que tout, encore davantage que ce visage foutrement parfait qui ne laissait échapper aucun traître sentiment. Le Français eut encore la force de le haïr, rien qu'un petit instant. Il dévisagea ce vis-à-vis particulièrement insolent, maudissant cette perfection humaine qui mettait à mal ses intentions. Qui repoussait les certitudes d'un revers de la main.

—Justement, j'ai sauvé ta peau. Et j'ai risqué la mienne avec ça ! J'ai trahi ce en quoi je crois depuis le début de cette foutue guerre pour toi, pour sauver ta précieuse vie. Et tu oses mettre te mettre en danger après ça ? Pourquoi ? Pour une affaire de fierté ? M'avouer que tes jambes n'étaient pas intactes aurait mis en péril ta fierté d'aristo ? C'est pathétique !

Draco sourcilla face à ce discours enflammé. Il retrouvait la lueur farouche dans le regard de son médecin, mais il aurait préféré s'en abstenir. Il avait pourtant intimé l'ordre à Hermione de cacher ce détail gênant. La jeune femme s'était contentée de minimiser la réalité, car ses blessures en haut des cuisses ne se résumaient pas à de simples égratignures. Bien qu'une part de lui comprenait ce courroux, une autre, bien plus forte, lui dicta une toute autre réaction :

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant