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Strasbourg, 30 août 1940.

Draco ne prit même pas la peine de feindre la surprise. Non, il savoura la flagrance de ce baiser comme une offrande que l'on venait de lui faire. Comme un bien inestimable qu'il avait si longtemps convoité.

Harry, surpris par sa propre audace, refermait ses doigts sur les mèches soyeuses du blond. Il le plaqua davantage contre son corps, conscient que ce contact ne lui serait jamais suffisant. Altéré, affamé, il ne saurait se contenter d'un petit morceau ce soir-là. D'un petit morceau de délice, d'interdit.

Ils finirent par se séparer, s'observant toujours très proches comme à travers un voile. L'œil hagard, perdus dans les méandres d'émotions que nul ne saurait démêler. Tremblant, fébrile, Draco vola un baiser à peine esquissé, comme pour se rassurer, comme pour éviter les paroles de s'écouler. Il les craignait plus que tout, davantage presque que l'idée de son départ prématuré.

—Draco, souffla malgré tout Harry, la voix mal assurée.

—Réfléchis-y, Harry.

Il s'apprêtait à s'écarter, à contre cœur, optant pour le bon sens plutôt que sur un instinct primaire qui s'apprêtait à prendre possession de son être et de ses chairs. Il venait de reculer d'un pas, signalant une intention absurde, celle de laisser son interlocuteur quitter la pièce alors qu'il n'en ressentait pas la moindre envie.

Harry obtempéra. Il hocha gravement la tête, l'éclat de désir qui dansait dans ses yeux vainement contenu par cette expression sage. Il recula à son tour, pour finalement tourner les talons. Draco pouvait se féliciter d'avoir pris la décision la moins chaotique, celle qui s'avérerait la moins douloureuse à l'avenir.

Mais le Français s'immobilisa à quelques pas de la porte, incapable d'en passer le seuil. Il se maudit pour cela, pour cette déraisonnable faiblesse que cet homme lui inspirait. Il se mordit la lèvre inférieure presque jusqu'au sang, avant de murmurer, davantage pour lui que pour nul autre :

—Je ne peux pas.

Il se retourna comme de juste, plantant un regard franc dans celui de Draco. Celui-ci faillit protester, l'interroger sur cette phrase abandonnée sans explications, mais Harry ne lui en laissa pas l'occasion. L'instant d'après, il fut contre ses lèvres, glissant dans cette étreinte toute une volonté. Tout ce que les paroles ne sauraient exprimer et que le corps transmettait sans mal. La frénésie des sens et la libération de l'âme.

L'Allemand ne sut feindre la surprise, glissant sa main la plus valide dans le dos de son vis-à-vis. Emporté par l'ivresse de l'instant, il plaqua le corps masculin contre le sien, devinant sans mal les courbes sèches sous le tissu. Cet excès de brutalité dicté par la passion mena les deux hommes à des gestes dont ni l'un ni l'autre ne se serait cru capable. Harry s'aventura sous le vêtement de Draco, sans pour autant délaisser le baiser qui enflammait leurs sens. Le blond se tendit à ce contact contre son épiderme nu, étonné de l'initiative et de la requête presque inquisitrice qu'elle supposait. Le médecin retira ses doigts audacieux, comme pris en faute. L'autre articulait déjà, sans pour autant se détacher de l'étreinte moins impérieuse :

—Harry, je...

—Tu ne peux pas, c'est ça ? le coupa le Français, la gorge nouée.

L'air prétendument détaché qu'il arbora ne dupa personne. Il avait préféré prendre les devants pour la simple raison qu'il ne supporterait pas entendre de tels propos. Il ressentait cependant le besoin d'être mis face à une réponse aussi crue, comme pour se persuader de faire demi-tour. L'esprit et les pensées dirigés par un désir impérieux, la volonté d'y mettre un terme ne reposait que sur Draco.

Le jeune aristocrate se fourvoyait. Déchiré entre des idées catégoriques inscrites dans son être au fer rouge, et une réalité tout juste expérimentée qui lui prouvait le contraire, la décision ne pouvait être que chaotique. Il ferma les yeux un court instant, conscient de mettre Harry au supplice et désireux de trancher net au plus vite.

—Dis-le, le pressa l'autre, les yeux brillants.

—Je suis dans ma chambre, Potter. Je ne peux pas juste sortir et claquer la porte, rétorqua-t-il, dans une tentative d'humour peu convaincante.

—Je peux sortir à ta place, Malfoy.

—Non.

Harry ne put ravaler le sourire idiot qui ourla ses lèvres. Son interlocuteur venait de se pourvoir de cet air sérieux, presque grave, le dominant de toute sa taille. Ils ne se quittaient pas des yeux, paralysés par un contact visuel intense et équivalent presque le touché. Draco ajouta, pour la forme :

—Je ne t'en ai pas donné l'ordre.

Il ravit les lèvres entrouvertes du médecin comme pour appuyer ses dires et assouvir sa prétendue domination. Au diable les convenances et la normalité qu'elles comprenaient ! Ils auraient tout le loisir de regretter plus tard, comme les faux coupables qu'ils étaient. Comme de vrais innocents !

Draco chercha rapidement à prendre le dessus dans l'étreinte enflammée qu'ils partageaient. Un combat auquel son homologue se livrait avec autant d'abandon. Le grand blond le surplombait de toute sa taille et, avant qu'il n'ait eu le temps de protester, toute réflexion envolée, il l'envoya s'affaler mollement sur le lit. Un lit assez vaste pour les accueillir tous deux.

—Malfoy... l'avertit Harry, sans y songer.

—Un problème, Potter ?

Une ébauche de conversation incapable de les satisfaire tous deux. Draco offrit un regard presque méprisant au corps de son interlocuteur allongé entre les draps défaits. Offert dans une bravade propre, dans cet accès de courage déplacé. L'aristocrate se surprit à adorer cette sorte d'insolence singulière.

—Je t'interdis de me donner des ordres, protesta le médecin, toute ardeur ravivée par l'attente.

L'Allemand le rejoignit sans se presser, son envie trop évidente pour être domptée. Derrière cette façade pleine de sûreté se cachait une peur viscérale qui s'efforçait d'oublier. Tout ce qui se trouvait derrière les faux-semblants et le masque construit par une éducation douloureuse. La triste réalité d'un jeune homme terriblement humain qui rappliquait, s'agenouillant aux côtés de son cadet :

—C'est trop tard pour y penser, Harry Potter.

—Je peux toujours quitter la pièce et rejoindre les autres. Tu ne me retiendrais pas.

—Qu'en sais-tu ?

Il n'en savait rien mais, pourtant, avait bel et bien raison. La fierté de Draco était trop importante pour qu'il s'abaisse à quérir quoi que ce soit de la sorte. Non. Un Malfoy ne réclamait pas comme un chien son os. Un Malfoy prenait, voilà tout.

Les deux hommes s'observaient. Longuement. Comme pour s'assurer de la vérité de l'instant. Comme pour en être parfaitement sûrs. Comme pour ne rien mettre sur le dos de la culpabilité demain. Comme pour s'affranchir du crime qu'ils étaient sur le point de commettre. Quelques secondes furent suffisantes pour que tout cela se transmette par l'intensité d'un regard.

Des baisers, encore. Le souffle court, Draco abandonnait petit à petit la lutte jusqu'à obtenir le luxe de l'entière sincérité. L'exaltation des sens l'y aidait grandement, le laissant savourer tout ce dont il s'était toujours privé. Harry, à moitié allongé sur le lit, cueillant les lèvres de celui qui aurait dû être son ennemi sans rien lui refuser de son être. Un acte d'abandon bien avant un acte dépravé et pervers. La communion des chairs, ultime offrande au sort qui les avait depuis longtemps abandonné. Un morceau de paradis qu'ils s'apprêtaient à goûter. 


Un petit avant-goût  que j'espère prometteur avant que l'on entre dans le vif du sujet. Pas besoin de dessins, j'imagine que vous voyez tous de quoi je veux parler :p

Je sors de mon bac blanc d'Histoire et devinez sur quel sujet je suis tombée ? Les mémoires de la Seconde guerre mondiale ! Un coup de chance énoooooorme !

Allez, des bisous !

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant