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Harry soigna ainsi tous les rescapés du train, à peine cinq personnes, les autres de la seconde classe ayant été laissés sur place. Cela lui prit de longues heures et, inconsciemment, il prolongea la manœuvre jusqu'à ce que la nuit soit tombée. Il dîna alors aux côtés des autres résistants, une soupe consistante et une épaisse tranche de pain. De quoi satisfaire son estomac vide bien que son appétit ait été compromis par les événements de la journée.

Il participa très peu aux conversations qui, pourtant, allaient bon train. On discutait de la guerre, des récoltes de l'année qui suivrait, des Allemands, de la chaleur excessive de ce mois d'août. Harry ne se prêta pas au jeu, il réfléchissait. Il réfléchissait à une solution rapide, efficace et, surtout, qui ne lui coûterait pas sa vie ou celle de Draco. Son cerveau fonctionnait à toute allure, mais ce fut sur un coup de tête qu'il demanda à surveiller les prisonniers pendant la nuit. Cette initiative fut bien accueillie et acceptée, tous étant satisfaits du travail de ce nouveau venu sur les blessés quelques heures plus tôt.

La nuit était tombée depuis longtemps lorsque les résistants rejoignirent leurs draps et qu'Harry monta les marches menant au grenier. La fatigue tutoyait l'insupportable, mais il ne faiblit pas, certain que cette occasion serait la seule qu'il n'obtiendrait jamais. Il ne pensait pas à la trahison qu'il était sur le point de commettre, du moins il essayait. Il tournait le dos à tout ce en quoi il avait toujours cru et cela lui coûtait énormément.

Il ouvrit la porte qui émit une plainte avant de s'engouffrer à l'intérieur et de la refermer soigneusement derrière lui. Draco se tenait toujours assis sur sa chaise, comme s'il n'avait pas bougé d'un cheveu depuis le départ du médecin. L'épuisement le gagnait pourtant, comme pour dévorer ce qu'il restait d'une enveloppe charnelle bien abimée.

—Tu es revenu... constata-t-il, très bas.

—Et vous n'avez pas bougé.

—Impossible de désobéir, Potter.

L'estomac du blond émit une plainte bruyante qui alerta Harry. Celui-ci balaya la pièce d'un coup d'œil circulaire. Les récoltes de toute l'année y étaient stockées et il trouva des biscuits secs sous un linge blanc. Draco l'avala sans rien ajouter, bien heureux de cette initiative. L'autre en enfourna d'autres dans sa sacoche, par simple prévision, l'estomac pourtant noué par la terreur et par cette prise de risque inconsidéré.

Il se pencha pour trancher les liens qui entravaient les mouvements de l'aristocrate. Cette corde épaisse qui brûlait l'épiderme sensible avait été ajoutée par le fermier comme précaution supplémentaire. L'Allemand frémit avant de bouger lentement les muscles de ses bras qui protestèrent virulemment. Il frotta la peau fine de ses poignets avec une lenteur douloureuse, un peu hébété par ce geste. Il finit par demander, interdit :

—Pourquoi, Potter ?

—Ne posez pas de questions.

—Qu'est-ce que tu fous ? répliqua Draco, sans maîtriser cet excès de langage.

Harry interrompit son geste, courroucé. Pourquoi ne lui facilitait-il pas la tâche ? Il ravala un commentaire sur son foutu caractère, redessinant les traits blessés de son vis-à-vis comme pour calmer cette rage sourde.

—Pourquoi tu me libères ?

—Parce que c'est le seul moyen de vous sauver ! Vous n'êtes pas idiot, vous savez très bien qu'ils ne vous laisseront jamais la vie sauve.

—C'est de la folie... murmura Draco, sa résistance se muant en un mouvement de recul effaré.

—Je me serais contenté de remerciements, maugréa Harry. Levez-vous, il n'y a pas de temps à perdre.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant