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Belfort, 10 octobre 1940.

Harry avait dormi toute la journée qui avait suivi son agression. L'ordre du médecin avait été clair, son confrère devait garder le lit afin de se rétablir dans les meilleures conditions possibles. Il avait insisté sur le repos qui manquait tant au jeune homme, le mettant en garde au sujet du surmenage.

Les blessures du juif se limitaient à d'importantes contusions au niveau du visage, l'arcade éclatée, un léger traumatisme crânien, des hématomes au niveau du ventre et une côte fêlée. Draco avait insisté pour que son amant suive les instructions du docteur sous le ricanement de Ron qui ne concevait pas un seul instant la relation qui liait les deux hommes.

Finalement, Harry dormait déjà lorsque le blond était rentré. Il avait accepté d'aider son parrain dans le tri des dossiers et y avait passé la journée. S'il avait d'abord refusé la moindre paie de la part du directeur, l'insistance de ce dernier avait fini par venir à bout de ses résistances. Il n'avait pas souhaité tirer son cadet de son sommeil lorsqu'il était arrivé dans la chambre qu'il occupait provisoirement. Il avait embrassé le front du médecin avant de rejoindre son propre lit, la mort dans l'âme. La vue d'Harry dans un tel état lui était très pénible et il dut attendre le lendemain pour croiser le regard du juif bel et bien éveillé.

Draco ouvrit la porte après avoir avalé un solide petit-déjeuner dans la cuisine, fuyant l'affluence de jeunes écoliers. Il avait longuement hésité avant de préparer un plateau où il disposait des victuailles. Il avait beurré méthodiquement, bien qu'impatiemment, des toasts avant de les recouvrir de confiture. Il avait versé du lait chaud qui avait à moitié brûlé au fond de la casserole avant qu'il n'ait pu éteindre le gaz. Il avait fini par admirer son œuvre avec une sorte de fierté décalée, bêtement heureux de ce geste qui lui était peu coutumier.

Harry se redressa péniblement dans son lit lorsque l'on toqua à la porte. Une migraine affreuse ne le quittait plus et ce, malgré les heures de sommeil accumulées. Il articula, après s'être frotté les yeux :

—Entrez !

Et la silhouette familière de Draco s'invita sur le seuil de la porte. Le Français ravala le sourire qui lui vint à la vue de ce qu'avait apporté le blond avec lui. Un plateau où trônait un copieux petit déjeuner. La cuisine n'était manifestement pas un talent pour le jeune aristocrate puisque, une fois son homologue plus proche, Harry put discerner l'allure peu appétissante de son repas. La confiture dégoulinait et recouvrait entièrement les toasts mollasses.

—Tu as... cuisiné, releva le médecin, étouffant un fou rire.

—Pourquoi es-tu aussi étonné ? sourcilla l'Allemand, sans comprendre la raison de cette hilarité difficilement contenue.

—Je ne le suis pas, c'est une belle attention de ta part.

Draco déposa le plateau sur les genoux de son amant qui contempla le triste spectacle. Il finit par se saisir d'une de ces tranches de pain, priant pour l'aspect misérable de la nourriture ne lui ôte pas ses propriétés gustatives.

Pourvu que je ne finisse pas malade...

—Je vais bien, ajouta Harry, qui avait intercepté le regard insistant de son vis-à-vis.

—Je vois que tu n'as pas croisé de miroir, railla celui-ci, avec un sourire crispé, mais entendu.

—Qu'est-ce que tu prétends ?

—Ne te vexe pas, le rabroua légèrement Draco. Tu as simplement eu de meilleurs jours.

Si le juif pinça les lèvres, ce n'était pas uniquement à cause de la saveur de son lait. Le goût de brûlé, il aurait pu s'en accommoder, mais la manière dont son aîné abordait les dégâts de son imprudence l'agaçait prodigieusement. La douleur ne l'aida pas à contenir ses émotions et ses pensées.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant