Belfort, 13 octobre 1940.
Harry s'était réveillé avec le sentiment que quelque chose ne tournait pas rond. Une sensation qui lui colla à la peau alors qu'il profitait de derniers instants de repos, tôt dans la matinée. Ron devait passer un peu plus tard, le médecin lui avait donné l'autorisation de sortir et aucun nuage plus sombre qu'un autre ne pointait à l'horizon. Il ne parvenait pourtant pas à se défaire de cet affreux pressentiment.
Il avait tenté d'effacer de son esprit la petite voix insistante qui lui souffla un malaise. La gorge étrangement nouée, il avait néanmoins salué son ami à son arrivée. Ce dernier agissait avec un naturel époustouflant jusqu'à ce que son cadet ne saisisse ce qui le gênait depuis le début de la journée :
— Draco.
— Quoi ?
Assis sur le bord du lit, Harry sourcilla, pris d'un doute affreux. Voilà une journée complète qu'il ne l'avait pas vu alors qu'il savait son amant dans un état peu commode. Un comportement étrange de la part de Draco qui l'amenait à imaginer le pire.
— Nom de dieu, mais qu'est-ce qu'il t'arrive, Harry ?
— Je...
Il perdit le cours de sa pensée, décontenancé au-delà des mots. Peut-être s'inquiétait-il sans raison, peut-être son affolement ne possédait pas le moindre fondement solide. Pourtant, il avait le sentiment que quelque chose de terrible venait de se produire. Sur le point de sauter sur ses pieds, Harry apostropha son camarade :
— As-tu vu Draco ?
— Draco ? Mais pourquoi je...
— Réponds-moi ! Est-ce que tu as croisé Draco en venant ? Dans les couloirs, ou dehors, est-ce que tu l'as vu quelque part ?
Le rouquin dévisageait son ami comme si celui était pris d'une crise démence particulièrement sévère. Il saisit le bras du plus jeune, visiblement inquiet de l'état dans lequel il se mettait. Le Français respirait fort, le teint encore pâle de ses mésaventures, et les yeux fous.
— Écoute Harry, tu devrais te coucher. J'vais chercher le médecin.
— Je ne suis pas souffrant ! beugla l'intéressé. Réponds-moi maintenant !
— J'l'ai pas vu ton putain de nazi ! Il doit lécher les bottes à Hitler à l'heure qu'il est ! Couche-toi et arrête de m'emmerder avec cette... fouine !
Harry l'aurait giflé si le choc n'avait pas handicapé ses mouvements. Une telle absence de verve et de tact le cloua au lit, avant qu'il ne réalise l'ampleur de ces injures. Il ne chercha même pas à y répondre, se débattant comme un beau diable pour échapper à la poigne de son ami. Sa force dépassait de loin celle du juif qui ne réfléchissait plus un seul instant à la bêtise de ce qui se déroulait. Les réflexes le guidèrent durant cette lutte incrédule jusqu'à ce qu'il n'assène un coup de coude en pleine à son opposant. Sans vérifier l'état de Ron qui titubait son l'impact, le plus petit se jeta sur l'occasion et fila de la chambre.
Il courut dans les couloirs à perdre haleine, croisant même sur sa route un écolier qui ouvrit de grands yeux ronds à la vue de cet homme échevelé et essoufflé. Il songea qu'il avait eu le sentiment que le rouquin ne souhaitait pas qu'il quitte la chambre. Il apprendrait sans doute que Severus lui avait donné l'ordre de garder le patient confiné dans sa chambre aussi longtemps que possible. Ron n'avait fait qu'obéir sans poser de question. Il serait le premier heureux du départ précipité et inexpliqué de Draco.
C'est pas faute de t'avoir prévenu ! Ces boches, faut pas leur faire confiance, ils te la mettent à l'envers un jour ou l'autre ! Tu verras que cette fouine va nous retomber dessus avec la Gestapo !
Sans ralentir, Harry finit par atteindre la porte de la chambre. Il s'arrêta net, comme stoppé dans son élan. Un accès de peur brut le submergea. Et si, après tout, Ron avait raison ? Et si... Draco l'avait abandonné ? Conscient que son esprit lui jouait des tours et que son amant se trouvait peut-être derrière cette porte, encore endormi malgré l'heure de la matinée, le Français abaissa la clenche pour esquisser un premier pas hésitant dans l'antre.
La pièce était déserte. Pas l'ombre d'une âme qui vive dans les parages. Rien du tout.
Le lit était fait avec une rigueur quasi militaire et, de toute évidence, personne n'y avait dormi. La fenêtre ouverte laissait pénétrer un rayon de soleil et un air frais qui tira un frisson sur l'épiderme découvert d'Harry.
— Draco...
Peut-être avait-il quitté sa chambre tôt pour se rendre à un rendez-vous ? Non, il aurait prévenu son amant, même si ces confidences n'étaient pas monnaie courante. Peut-être avait-il une course urgente à faire pour le compte de Severus ? C'était plus probable, mais encore, la coïncidence était grande. Non, non, non. Rien de tout cela se tenait, cela n'avait pas le moindre sens et derrière la paranoïa d'Harry se cachait une peur plus grande. Celle de solitude de l'orphelin, celle de l'abandon du garçon qui n'avait connu que cela de sa courte vie. Celle des espoirs avortés.
Je te l'avais dit ! Un sale boche tout juste bon à sucer Hitler ! Fallait t'en douter, ça te pendait au nez !
Harry sentit ses genoux ployés sous le poids de son propre corps. Sous la puissance du coup qui lui était asséné. Sagement déposé sur l'oreiller, une missive trônait. Sur le haut, le nom du destinataire rédigé d'une calligraphie élégante : Harry.
L'auteur de cette lettre ne faisait plus le moindre doute dans l'esprit du juif. Draco lui avait volontairement adressé ce pli, et les espoirs de le retrouver dans les prochaines minutes s'amoindrissaient avec ce constat. Ses doigts tremblants se saisirent du morceau de papier avant qu'il n'en rompe le pli, le cœur battant furieusement dans sa cage thoracique. Là encore, une écriture soignée s'illustrait sur la page. Quelques mots abandonnés là par générosité, mais qui brisèrent définitivement le cœur du concerné :
Adieu, Harry.
La respiration d'Harry mourut et il encaissa la dureté de ces lettres à côté desquels deux mots avaient été écrits, puis raturés. Ne subsistait que la sincérité du contenu, cette froideur impersonnelle et fatale.
La missive tomba au sol et le Français s'effondra sur le lit encore intact. Il ne put ravaler les larmes qui l'incendiaient, maudissant Draco de lui imposer une telle méchanceté. Il ignorait que celui-ci n'avait fait cela que pour l'épargner, pour attirer sur lui la haine plutôt que le regret. Il avait préféré abandonner derrière lui un souvenir à vif plutôt qu'un souvenir amer. Peut-être disparaîtrait plus vite de la vie de son amant ? Peut-être le blond avait-il vu, par cette idée, le moyen d'apaiser ses tords ?
Draco ne reviendrait pas, c'était là la seule idée qu'Harry eut la force de formuler. Il s'agissait bien du véritable sens de cette missive, non ? Il n'y avait rien de plus à comprendre.
Ceci n'avait rien de plus qu'un adieu amer. Un adieu.
Une partie plus courte pour clore cette première grande partie. Courage, on vient de passer la moitié de l'histoire. Pour ceux qui auraient envie de m'enterrer vivante (ce que je peux comprendre (je précise que je vous demande de rester corrects dans vos propos)), gardez à l'esprit que je n'en ai pas fini avec eux. Ils ont encore des épreuves à traverser, des retrouvailles et... tout un tas d'autres choses. Un joyaux programme dont je ne dirais rien de plus.
Je ne sais pas encore quand je posterai la suite. Dans deux semaines, peut-être, exceptionnellement, ou dans une semaine. Restez à l'affût, la suite ne saurait tarder et j'espère de tout coeur qu'elle vous plaira. N'hésitez pas à me laisser votre avis sur cette première partie, à me faire part de votre ressenti sur ce trentième chapitre et sur l'ensemble de l'histoire. Votre avis a beaucoup d'importance à mes yeux et maintenant que ce premier grand palier est passé, j'aimerais connaître votre point de vue. Dites-moi tout !
Je vous souhaite, sur ces belles paroles, une excellente semaine <3
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...