Cette fois, le jeune juif fut complètement retourné vers le blond. Il se demanda si ses oreilles lui jouaient des tours, s'il n'avait pas mal entendu. Pourtant, l'autre paraissait très sérieux et ne semblait pas prêt à revenir sur ses paroles. Une surprise de taille qu'Harry ne sut comment interpréter. Ils se jaugèrent un court instant, quelques mètres les séparant tandis que le temps défilait à une vitesse vertigineuse.
—Tu te trompes, Potter.
—Évidemment, je ne peux pas non plus avoir raison, ironisa l'intéressé, retrouvant toute sa hargne.
—Je ne te méprise pas. Je n'ai aucun mépris pour toi, que ce soit pour ce que tu es ou pour ce que tu as fait. Peut-être même que je respecte tes actes et que dans une autre situation, j'aurais aimé être comme toi.
—Malfoy, tu... tu te payes ma tête, c'est bien ça ? Ce ne peut pas être vrai.
En réalité, Harry se voyait incapable de comprendre l'étendu de cet aveu. Draco y avait manifestement longuement réfléchi et ce seul constat suffit à le désorienter. L'Allemand l'observait bien en face et s'il s'approchait encore un peu, son médecin pourrait apercevoir la sincérité dans ses prunelles anthracite.
Le jeune aristocrate luttait contre une envie d'hurler sa pensée au visage de ce garçon. Ces jours d'ignorance, ces visages volontairement fermés voire dédaigneux, cette absence de dialogue qui aurait pu mener au pire. Il se devait de mettre un terme à cela, quitte à tirer un trait sur sa fierté et à se mettre à nu. La gorge nouée malgré son indifférence presque nonchalante, il reprit :
—J'ai été idiot. Ce que je t'ai dit la fois dernière, tout ce que j'ai pu dire depuis que nous nous sommes rencontrés... je n'ai fait que répéter ce que l'on m'avait inculqué. Ce que mon père me répétait enfant, jour après jour, d'heure en heure, jusqu'à ce que l'idée soit mienne. Je ne le réalisais pas, à l'époque. Il n'y avait que Blaise pour s'en insurger, pour dire tout bas l'injustice dans lequel je grandissais. Il était le seul à comprendre. Le seul.
Draco pouvait sentir qu'il détenait l'entière attention de son auditoire. L'homme qui le constituait buvait avidement ses paroles. Il s'était même approché d'un pas, dépassant le seuil de la pièce pour s'y inviter, pour heurter l'espace que l'autre s'était approprié. Ce dernier poursuivit, après un bref silence ponctué d'un sourire, de l'ébauche d'un sourire peiné :
—Je crois que si je n'avais jamais mis les pieds ici, je n'aurais jamais compris l'étendue de mon erreur. Je serais resté comme mon père toute ma vie, sans voir plus loin que ses beaux discours. Merci de me l'avoir fait comprendre, Pot- Harry !
—Tu l'aurais peut-être compris seul, releva le susnommé, pour la forme. Blaise s'en serait chargé à ma place.
—Si tu n'avais pas été sur mon chemin, Blaise ne serait plus là pour m'empêcher de foncer dans le mur, rétorqua Draco, un sourire dans la voix.
Harry finit par mettre un terme à la distance raisonnable qui les séparait. Il rejoignit son interlocuteur devant la fenêtre, jetant un rapide coup d'œil entre les rideaux tirés. La rue était déserte et le couvre-feu, certainement passé. Il soupira lourdement. Les réverbères diffusaient une lumière trouble que l'encre de la nuit menaçait de dévorer ces derniers faisceaux. Il observait ce spectacle immobile de longues secondes durant, comme pour y puiser l'inspiration des prochaines paroles.
Le regard de Draco caressa la courbe du visage de son cadet. Son profil parfait était accompagné des éternelles lunettes noires. L'air sérieux que ce détail aurait pu lui octroyer offrait le contraste avec la détermination de ses orbes et ses mèches désordonnées. Lui aussi était beau, d'une beauté différente de la sienne, un de ces mystères du monde qui se présentait aux Hommes. Un bijou rare que la Terre aurait conservé entre ses entrailles jusqu'à ce jour.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...