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Aux alentours de Strasbourg, 20 août 1940.

Harry sentit l'entièreté de son être se consumer. La surprise fut de courte durée, tout comme ce baiser volé au goût à la fois amer et délicieux. Draco sembla tout aussi troublé que lui, bien qu'il parvienne à masquer plus efficacement les émotions contradictoires qui le submergeaient.

Ils s'écartèrent d'un commun accord et l'Allemand faillit s'excuser pour ce qu'il venait de se produire. Il se ravisa, ses yeux papillonnèrent un court instant comme pour chasser ce souvenir décidément trop agréable pour son bien. Si quelqu'un avait surpris le baiser qu'ils venaient d'échanger, ils auraient tous les deux fini dans un camp, d'une manière ou d'une autre. Il repoussa cette pensée loin de lui avant de reprendre, la voix plus rauque qu'à l'ordinaire :

—Nous devrions reprendre la route.

Harry acquiesça, s'attelant à la pénible de tâche de gravir le fossé qui les séparait de la route. Draco peinait à conserver un semblant d'équilibre, il fut forcé de s'appuyer sur l'épaule de son médecin de fortune. Ce seul contact n'avait plus la même signification que quelques minutes auparavant. Ils franchirent ensemble cet obstacle, tous deux bien trop conscients du frottement de leurs corps.

Ils marchèrent longuement, leur vitesse considérablement réduite. Strasbourg approchait, pas à pas. Les lumières de l'agglomération miroitaient au loin, à l'horizon. Ni l'un ni l'autre ne quittait cet objectif du regard, craignant d'abandonner une part primordiale de leur volonté. Plusieurs fois, Draco crut qu'il arrivait aux limites de son corps, sentant qu'il ne pourrait pas en supporter davantage. Alors, Harry le rassurait, l'encourageait maladroitement :

—Encore un effort, on y est presque.

—Tu peux les garder tes conseils, Potter, murmura-t-il, sans réelle conviction.

Ils pénétrèrent dans Strasbourg, au cœur de la ville. Harry redoubla de vigilance, les sens aux aguets. Pour avoir enfreint de multiples fois le couvre-feu, il connaissait bien les risques qu'ils encouraient. Malgré l'épuisement qui les gagnait, il n'était pas question de baisser la garder ne serait-ce qu'un instant. Les paupières de Draco étaient lourdes et seule la douleur le maintenait conscient, l'empêchant de sombrer définitivement dans un sommeil dont il ne se réveillerait pas.

—Ne vous endormez pas, Malfoy, je vous en prie.

—Mmh, se contenta de répondre l'autre, dans une vague et molle protestation.

Seuls ses muscles se contentaient de fonctionner comme par un mécanisme mal huilé. La souffrance que chaque pas occasionnait était indescriptible, l'agonie se prolongeait et ne semblait pas connaître de dénouement. Draco aurait donné n'importe quoi pour que ce calvaire prenne fin, pour que la douleur cesse et pour qu'on lui octroie un instant de répit. Ou l'éternité, qu'importe.

—O-On va y arriver... On sera bientôt... On y sera bientôt ! murmura Harry, certainement plus pour lui-même que pour son vis-à-vis qu'il tirait derrière lui au prix d'un effort inouï.

Draco fut le premier à capter un son quasi imperceptible de pas. Il s'immobilisa, avant de murmurer :

—Y'a quelqu'un.

—Merde !

Harry ne tarda pas à réagir, ne prenant même pas la peine de vérifier les dires de l'Allemand. L'alerte était donnée, peu importe qu'elle soit véritable ou le fruit d'une imagination débordante, ils ne pouvaient se permettre de prendre risques.

Il tira Draco derrière l'angle d'une maison, soufflant de soulagement alors que cette dernière débouchait sur une ruelle étroite. Malheureusement, les pieds mal assurés du jeune aristocrate lui firent défaut, ses forces l'abandonnèrent brusquement alors qu'il chutait. Le médecin parvint à amortir sa chute, empêchant la tête du malheureux d'heurter le sol. Harry pinça les lèvres, conscient du bruit qu'il venait de produire et espérant vainement que personne d'autre ne les ait entendus.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant