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 Strasbourg, 24 juillet 1943.

Draco s'efforçait de river son attention sur les documents qu'il lui fallait remplir. Des rapports, essentiellement, des tas de paperasses que son père lui demandait régulièrement. Tel était son rôle, surveiller la germanisation de l'Alsace. Une tâche qu'il avait presque oubliée tant ses priorités étaient autres, mais que son paternel tâchait de lui rappeler, inlassablement et avec toujours plus d'empressement.

Le travail représentait une chance de s'évader de ses tracas quotidiens et, en pareil moment, il en avait besoin plus que jamais. Il noircissait des pages et des pages avec un zèle dont il était peu coutumier. Ses collègues saluaient ce dévouement avec un respect davantage tiré d'un nom qu'il arborait fièrement que de son travail à proprement parler.

Draco broyait du noir. La situation n'évoluait pas ou du moins, pas suffisamment à ses yeux. Il avait tenté de quérir des informations auprès de Nott, mais celui-ci s'était révélé intraitable. Hermione lui avait alors intimé le mot d'ordre : jouer les victimes et masquer au mieux leur désir de revanche. Nott était un homme plein de ressources, mais surtout bien trop sûr de lui pour ne commettre aucune erreur. Le médecin l'assurait, ils devaient attendre un manque de jugement pour agir, mais combien de temps cela prendrait ?

L'anniversaire d'Harry approchait à grands pas et Draco refusait d'être séparé ainsi de son amant en pareille occasion. Il s'impatientait et Hermione craignait que le caractère du blond ne mette à mal leurs chances. La seule chose que l'Allemand pouvait faire était d'essayer d'en apprendre davantage au sujet de son ennemi. Ce dernier pouvait se vanter d'une excellente réputation auprès de ses collègues. Il s'investissait plus que nécessaire dans son poste et se plaignait rarement. Draco ne supportait pas que Nott connaisse des pans entiers de son existence là où il ignorait tout de la sienne. Cela le frustrait et le couvrait de honte.

— Monsieur Malfoy !

L'intéressé se redressa. Un homme se tenait dans l'embrasure de la porte, un collègue auquel il n'avait jamais adressé la parole et qu'il l'indifférait au plus au point. Celui-ci parut impressionné, comme si pénétrer dans l'antre de quelqu'un d'aussi influent relevait du sacrilège.

— Qu'y a-t-il ?

— Le téléphone pour vous.

Draco bondit sur ses pieds et abandonna la plume à même le document qui concentrait toute son attention quelques instants plus tôt. Qui cela pouvait-il bien être ? Severus ? L'Allemand l'espérait sincèrement, voyant en lui leur seul espoir de salut. Il suivit celui qui avait brisé le calme plat des derniers instants jusqu'à la pièce isolée dans laquelle trônait le téléphone. Ici, chacun pouvait avoir accès au précieux ustensile et communiquer en toute intimité. Respectant cette règle d'or, l'homme s'éclipsa avant même que Draco ait eu le bon goût de lui en faire la remarque acide. L'aristocrate cueillit le combiné et le porta à son oreille, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, une attente démesurée au creux des lèvres.

Draco ?

Un soupir de soulagement mêlé d'un semblant de déception franchit le seuil de ses lèvres. Il murmura :

— Mère.

Draco entendit ce qui s'apparenta à un sanglot étouffé et sa gorge se serra. Il était un fils indigne d'une génitrice aussi attentionnée qu'elle, un fils égoïste qui ne songeait pas à donner des nouvelles à celle qui l'avait mis au monde.

Je m'inquiétais, Draco. Je n'ai pas eu de nouvelles depuis que tu es parti.

Je vous ai appelé une fois, tenta-t-il de nier, vainement.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant