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Strasbourg, 22 août 1940.

Il était un peu plus de midi et Hermione avait déjà ausculté près d'une dizaine de patients lorsqu'elle pénétra dans la petite bâtisse. Le pas assuré, elle referma soigneusement la porte derrière elle. Avec les temps qui courraient, la prudence était une question de survie, ni plus ni moins.

Son père ignorait tout de l'existence de Blaise. Il sourcillait à peine lorsqu'elle revenait à des heures tardives, prétextant une urgence pour seule excuse. Le vieil homme soupçonnait davantage une aventure que le sauvetage d'un homme qui aurait pu être leur ennemi. Il s'interrogeait également sur l'absence répétée d'Harry. Son amie le couvrait autant qu'elle le pouvait, à grands réconforts d'inventions ridicules. Si le juif ne remettait pas les pieds au domicile, elle ne pourrait bientôt plus rien inventer de plausible.

Hermione, les bras chargés de vivres, traversa l'entrée pour atteindre la cuisine et déposer son butin sur la table. Une miche de pain subtilisée à son père et des légumes et fruits de saison. De quoi survivre quelques jours, une semaine tout au plus. Elle soupira, passant une main lasse sur son visage. Ses cheveux collaient son dos humide de sueur et elle se demanda combien de temps tout ceci durerait-il ? Combien de temps avant que ce que l'on nommerait la Résistance vienne à leur porte, hurlant trahison et réclamant vengeance ? Combien de temps encore avant que cette guerre ne prenne fin ?

Elle quitta la petite pièce après avoir recouvert le pain d'un épais linge. Blaise était installé dans le salon, sur un fauteuil, le regard dans les vagues et l'expression soucieuse. L'Alsacienne s'immobilisa, dévisageant sans vergogne le métis. Moins de deux semaines plus tôt, sa vie manquait de lui filer entre les doigts alors qu'elle s'évertuait à le sauver. Depuis, le jeune homme avait repris du poil de la bête et refusait de rester alité plus de quelques heures. Une vraie tête de mule.

—Blaise ?

—'Mione ?

Il n'avait jamais employé ce diminutif et l'intéressée fronça les sourcils. L'autre ne bronchait pas, comme s'il n'y avait rien d'anormal à cette appellation. Il semblait ailleurs, l'esprit encombré par tout autre chose.

—Quelque chose ne va pas ? Tu as l'air...

—Je n'ai pas l'air dans mon assiette ? renchérit Blaise, l'air étrange.

—Non, tu n'as pas l'air très bien.

Il haussa les épaules, s'enfonçant plus confortablement dans le siège alors que l'Alsacienne ne le quittait pas du regard. Après un court moment, il accepta enfin de l'observer bien en face pour énoncer :

—J'ai parlé avec Draco hier soir. Il était... particulièrement de mauvaise humeur, mais surtout, il m'a tout expliqué. Vous risquiez déjà gros à me sauver mais là... là c'est différent.

—Je sais aussi ce qu'il s'est passé, soupira Hermione. Je ne peux en vouloir à Harry, je pense que j'aurais agi de la même manière.

—Tu es une femme intelligente, tu sais que ça aura forcément des conséquences.

Dépitée, elle s'affala sur un des sièges à son tour. Évidemment qu'elle le savait, comment pouvait-il en être autrement ? Le danger qui les guettait, elle ne l'ignorait pas. Mais aucune solution ne se présentait à elle. Quitter cet endroit qui n'était désormais plus un secret ? Oui, mais pour fuir où ? D'apparence simple, la question s'avérait beaucoup plus complexe qu'à première vue.

—Je le sais. Mais je ne vois pas ce que l'on pourrait faire. Tu ne peux pas retourner en Allemagne et Malfoy non plus, du moins pas dans l'immédiat. Nous sommes tous coincés ici.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant