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Strasbourg, 31 août 1940.

Le lendemain, Draco s'était réveillé au milieu des draps défaits, seul. Harry avait quitté le lit avant l'aube, malade de ce qu'il avait commis et dépité de devoir fuir d'une telle manière.

Le cœur en peine, il avait laissé derrière lui un mot, une courte missive, à l'égard de son amant :

Je prépare et rassemble mes affaires pour notre départ prochain. Préviens ton parrain, je me charge d'Hermione.

Draco, maîtrisant à grande peine son émotion, s'était payé le luxe d'un instant de réflexion. Il posait un regard troublé sur la nuit passée. Il avait fait l'amour à un homme et, pire encore, il y avait pris un plaisir malsain, dévorant. L'inversion était considérée comme une maladie, comme un crime puni d'emprisonnement. Le jeune aristocrate n'ignorait pas que l'on enfermait les homosexuels dans des camps où ils mourraient dans des conditions pitoyables.

Noyées sous des interrogations douloureuses, Draco en était venu à remettre en question son départ à Belfort en compagnie de son amant d'un soir. Ne devrait-il pas rejoindre ses parents à Munich plutôt que se risquer à rester aux côtés de cet homme ? Jusqu'où Harry Potter le rendrait-il vulnérable ? Quelles autres abominations le pousserait-il à commettre ?

Au terme de longues tergiversations, il avait fini par quitter sa chambre. Il s'était empressé de rendre visite à son vieil ami. Blaise n'avait pas feint la surprise, il avait même fait preuve d'une grande compréhension. Il comprenait les raisons de ce départ précipité. Le jour viendrait où les résistants viendraient toquer à leur porte et il valait mieux que ni Harry ni Draco ne soient dans les parages en cet instant.

À demi-mot, le blond proposa au métis de l'accompagner à Belfort. Blaise avait poliment refusé, rejetant l'idée d'abandonner celle qui avait sauvé sa vie. Hermione prenait des risques immenses à sa manière, entièrement dévouée à la cause humaine. Elle avait même soigné un homme noir, un Allemand de plus. Les deux amis s'étaient séparés d'un sourire, se promettant d'échanger des lettres et de ne pas se laisser sans nouvelles.

Harry, quant à lui, attendait le retour d'Hermione dans le salon. Celle-ci devait achever son tour des patients dans l'heure, et le juif réfléchissait à la meilleure manière de lui annoncer la nouvelle. Existait-il une juste manière de procéder ?

L'urgence de sa mission obscurcissait une autre pensée, obsédante, presque douloureuse. Il ferma les yeux si fort que des points colorés dansèrent dans sa vision. Hermione venait de pénétrer dans la maison, déposant ses affaires dans l'entrée avant de s'engouffrer dans la pièce. Elle sourcilla en voyant son ami en proie à de denses réflexions, avant de l'interpeller :

—Harry ? Ça ne va pas ?

Il se redressa, passa le pouce et l'index sous ses lunettes pour venir pincer l'arête de son nez. La lassitude le saisissait. La lassitude d'une guerre à laquelle il aurait préféré ne jamais avoir à prendre part. La lassitude d'un choix qu'il haïssait et pour la relation qu'il nourrissait à l'égard de Draco, celui qui était devenu son amant au détour d'un acte fort, mais irréfléchi.

—Tu n'es pas descendu hier soir... Tu n'es pas malade au moins ?

—Non ! Non, je ne le suis pas.

Les doigts crispés sur une tasse de café brûlante, Harry cessa d'épiloguer outre mesure. Il se lança dans un long monologue. Il y expliqua les grandes lignes de son départ précipité, insistant sur l'urgence et sur la nécessité de celui-ci. Hermione ne le coupa pas une seule fois, étrangement silencieuse, le front barré par un pli soucieux. Finalement, lorsque ce fut fini, il se tut, guettant un signe d'approbation, ou une forme de protestation. L'Alsacienne laissa un sourire triste se dessiner au creux de ses lèvres, alors qu'elle s'asseyait lentement aux côtés de son ami :

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant