Severus avait vu surgir, alors qu'il travaillait encore à une heure pourtant tardive, Ron au détour du couloir, devant la porte entrouverte. Le rouquin, que le directeur ne portait pas particulièrement dans son cœur, soutenait Harry bien mal en point. Encore conscient, le corps du juif pendait lamentablement, son bras passé par-dessus celui de son vieil ami qui le traînait davantage qu'il ne l'aidait à se mouvoir.
—Weasley ! aboya Severus, une fois le choc passé. Qu'avez-vous encore fait ?
—Je n'ai rien fait ! protesta Ron, avec véhémence.
—Je pensais le confier entre deux bonnes mains. Dois-je en déduire que vous êtes incapables de veiller sur quoi que ce soit ?
Le rouquin pinça fortement les lèvres, prêt à riposter, en ayant presque oublié l'état du médecin. Celui-ci se manifesta faiblement, un gémissement sourd s'éleva d'entre ses lèvres. Severus siffla d'agacement, pesant à la fois son agacement et son inavouable inquiétude.
—Il y a une chambre inoccupée sur votre gauche, installez-le là-bas.
—Et vous ?
—Il y a quelqu'un que je dois prévenir.
Et il disparut dans un bruissement de capes. Alors que Ron allongeait tant bien que mal Harry sur le matelas de la chambre vide, le directeur traversa l'établissement sans ralentir pour tirer un certain Draco Malfoy de sa léthargie et l'amener à l'autre extrémité de la bâtisse.
Alors, les deux Allemands pénétrèrent dans la petite pièce comme un seul homme, le plus jeune marquant un temps d'arrêt sur le seuil, la respiration soudain courte. Son regard rencontra, en premier lieu, le visage ensanglanté et couvert d'impressionnantes contusions, puis la silhouette longiligne de Ron. Il sourcilla, hésitant sur le comportement à adopter, avant d'ignorer la présence de cet inconnu pour s'accroupir au chevet du médecin. Il contrôlait les émotions qui perlaient à la surface de ses traits, ses expressions, rares, trahissaient néanmoins une peur grandiose.
Le rouquin s'interrogeait sur l'identité de ce blond visiblement attaché à Harry. Il haït immédiatement son insolente assurance et son mépris tout naturel. Il le détesta encore davantage lorsqu'il l'entendit énoncer, clairement, en langue allemande :
—Il lui faut un médecin.
—Un boche... murmura-t-il, en français.
Draco se redressa, adressant un bref regard pour ce gêneur. Le sens de ses paroles ne lui avait pas échappé et il retint de justesse un propos déplacé.
—Vous hébergez un boche alors que c'est l'un de ces foutus allemands qui a frappé Harry ? fulmina Ron, dans un coin de la pièce, le nez froncé de dégoût.
—Dois-je vous rappeler que je suis Allemand, moi aussi ? C'est pourtant ici qui vous l'avez ramené, alors je vous prie de garder ces remarques pour vous à l'avenir !
Weasley bougonna une réponse peu intelligible. Il marmonna qu'Harry l'avait supplié de ne l'amener nulle part ailleurs et qu'il n'avait fait que suivre sa requête. Ce à quoi Draco répondit par une nouvelle œillade. Sa main palpa la chair meurtrie du visage de son amant avec mille précautions. Un geste presque tendre qui n'échappa à personne.
—Severus, il a besoin d'un médecin.
L'intéressé se tourna vers Ron après un court instant de réflexion, et l'interrogea, d'une voix parfaitement neutre :
—Connaissez-vous un médecin sûr à Belfort qui serait prêt à se lever après le couvre-feu pour un juif ?
Ce fut au tour du jeune français de réfléchir, les bras croisés sur la poitrine. La vie d'Harry n'était peut-être pas en danger, l'affirmer demeurait impossible, mais le suivi d'un médecin s'avérait indispensable. Aucun des trois hommes ne possédait de qualification en la matière, et il s'accordait tous sur leur impuissance commune.
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Cueillir les étoiles
أدب الهواةLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...