Strasbourg, 17 juillet 1943.
La tête de Blaise dodelinait de droite à gauche et de haut en bas. Malgré l'épuisement physique qui le clouait sur la chaise, dont il ne pouvait de toute façon pas s'extirper, il ne parvenait pas à trouver le sommeil. Morphée s'était montré capricieux durant de longues heures. Il s'était peut-être assoupi quelques minutes, mais se réveillait immédiatement, la nuque douloureuse et une angoisse folle au corps.
Finalement, Blaise avait abandonné l'idée même du repos. Il se contentait de fixer le mur sale qui se dressait face à lui. Cela lui rappelait l'hygiène déplorable des camps où il avait été gardien et il ne pouvait s'empêcher de faire l'inévitable rapprochement. Il tâchait, dans les instants où ses paupières lourdes ne se fermaient pas d'elles-mêmes, de ne pas laisser ses pensées s'axer vers le dénouement de cette mascarade sordide. Il savait qu'aucune issue ne serait envisageable et priait pour que Draco n'ait rien tenté d'inconsidéré.
Il humecta ses lèvres sèches. Il n'avait rien bu depuis des heures, l'homme de la veille, le dernier à lui rendre une visite éclair, un homme étrange, lui avait accordé un verre de mauvaise grâce. La faim lui tiraillait l'estomac et il pouvait aisément deviner les hématomes ombrant son épiderme. Une constellation douloureuse.
Il avait perdu toute notion du temps, incapable de situer l'heure à laquelle il formulait ces quelques pensées. Etait-il une heure du matin, trois heures ou bien midi ? Il n'en avait pas la moindre idée, mais personne ne s'était aventuré ici depuis un très long moment, voilà qui ne faisait pas l'ombre d'un doute. Peut-être qu'on laissait les indésirables moisir ici, dans cette geôle lugubre, à peine éclairée, dans des conditions de détention déplorables. Lui qui s'était toujours forcé à conserver espoir, même dans la pire situation, même lorsque tout semblait perdu, voyait s'évanouir toute chance de s'en sortir. Cette geôle serait sa tombe.
Il songeait pourtant à l'évasion. Peut-être une chance se présenterait-elle au moment le plus inattendu ? Un passage infime qui mènerait à la liberté ? Une erreur de jugement d'un des cerbères qui gardaient l'entrée, un instant d'inattention qu'il saisirait avidement, sans attendre. Bercé par ce qu'il savait être de viles illusions, il s'abandonna au gré du temps, chaque minute plus insurmontable que la précédente.
Puis, le son régulier des pas parvint à ses oreilles. Deux hommes. Blaise le sut même avant de distinguer leurs silhouettes. Attentif, les sens à l'affut, il guettait chaque indice. Peut-être que l'épuisement prenait la forme de la folie, mais cela lui épargnait bien des tourments. Il faillit laisser paraître sa surprise, couplée à son indignation, lorsqu'il reconnut la silhouette de Draco. Un homme, d'allure commune et à l'air benêt lui ouvrit la voie.
— Comme vous l'avez demandé, personne n'est venu pendant la nuit.
— Bien.
Le regard de Draco, que l'obscurité rendait presque noir, ne transpirait aucune émotion et cette neutralité aida son meilleur ami à l'imiter.
— Que comptez-vous faire de ce hors-la-loi ?
— Ce n'est pas à moi que reviens la décision, articula le blond, avec ce qui pouvait s'apparenter à du regret.
— Pourquoi lui rendre visite, alors ?
Le petit homme regretta sa curiosité à l'instant où il eut le malheur d'en formuler une interrogation. Le visage du jeune aristocrate se ferma complètement pour ne laisser s'échapper qu'une rage crue.
— Pour en remettre une couche.
La voix de Blaise, éraillée par la soif, s'éleva dans un silence parfait et il se félicita pour cette audace. L'autre pâlit considérablement, son regard oscillant entre Draco et le prisonnier. Il n'avait fallu qu'un regard à ce dernier pour comprendre que cet énergumène ne lui serait d'aucune utilité et qu'il était des plus inoffensifs. Un lâche qui se pliait aux ordres sans trop se salir les mains, pas une brute, non, simplement un lâche.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...