Strasbourg, 14 décembre 1943.
Harry était sorti à l'heure où le soleil se couchait, évitant à tout prix les patrouilles et les éventuels contrôles. Il jouait avec le feu, il l'avait toujours fait et il ne mettait le nez dehors ainsi que très rarement. La demeure où il vivait toujours avec Blaise et Hermione, en reclus, appartenait à Draco et, jusqu'ici et sans doute pour cette même raison, ils n'avaient eu à subir aucun contrôle. Une chance inouïe qu'Harry ne parvenait pas à apprécier à sa juste valeur.
Dehors, les températures étaient descendues jusqu'à paralyser Strasbourg sous une épaisse couche de neige. Dans tous les esprits, c'était un hiver de trop passé sous la botte nazie et on s'apprêtait déjà à fêter à nouveau Noël difficile, un Noël amer.
Harry essayait de ne pas trop y songer. Noël n'avait plus grand sens et si les parents tachaient d'assurer le contraire à leurs enfants dans l'espoir de préserver les dernières miettes de leur innocence, la magie s'était depuis longtemps envolée. Plus de magie, plus de rêve, plus de conte de fée. Harry aurait rêvé d'un monde où un coup de baguette magique aurait suffi à éclipser l'horreur qui s'était déposée sur le monde. Parfois, il imaginait une telle folie possible... mais existait-il un monde où une baguette et quelques sorts suffisaient à chasser le mal ? Certainement pas !
Harry glissa son nez dans l'épaisse écharpe qu'il avait cousue dans les longues heures d'ennui des derniers mois. Si certains espéraient que le zèle nazi se calmerait un jour, leur acharnement à traquer les juifs et tous ceux qui seraient soupçonnés de leur résister en disait long. Il n'existait pas d'autres fins possibles que celle où ces monstres à visages humains cesseraient d'exercer leur joug sur l'Europe. Harry rassemblait deux des pires tares aux yeux des nazis. Juif et résistant. Sa survie à Strasbourg tenait du miracle et quelque part, il savait que cette situation ne pourrait durer éternellement. Sa chance tournerait et il avait vu trop de juifs arrêtés pour imaginer qu'il y échapperait toujours. Ces gens-là ne revenaient pas et, désormais, Harry savait dans quel enfer ils étaient enfouis.
La nuit tombait vite et il était à peine dix-huit heures. La gorge d'Harry se serra devant ce monde paralysé, ces maisons sinistrées et les vains espoirs qui soufflaient encore dans les rues. Durant ces derniers mois, il avait tâché de s'informer au tant que possible sur la situation hors de ce vivier hermétique et coupé du monde. Des conférences avaient rassemblé les grands de ce monde, comme la conférence de Téhéran dont on n'osait plus espérer de miracles. L'impression qui demeurait ici était l'abandon. Les britanniques n'avaient de cesse de bombarder Strasbourg et le territoire alsacien et les avancées de la Résistance paraissaient bien lointaine. Harry savait que s'il misait de solides espoirs en la personne charismatique de De Gaulle, se reposer entièrement sur ses actes et ceux des puissants qui ordonnaient depuis l'Angleterre les condamnerait tous. Ce monde avait besoin de chacun d'eux.
Les Allemands occupaient dès fin septembre les deux tiers de l'Italie afin de renverser le gouvernement italien de son allié, Mussolini. La conférence de Moscou avait réuni les Alliés le 18 octobre et si Harry ignorait exactement quelle décision avait été prise, un choix exceptionnel digne de la situation allemande se murmurait ici et là. L'Allemagne reculait, c'était un fait et les journaux clandestins, en particulier celui que Luna tenait toujours avec sa bravoure un peu sotte, un peu lunaire, en faisaient le récit. Les soviétiques étaient rentrés dans Kiev le 6 novembre, la ville ukrainienne la plus importante du pays vidée par les Allemands avant l'arrivée massive de l'ennemi. L'humiliation était insurmontable et on disait le Führer dépassé par les fronts qu'il lui fallait tenir. Les soviétiques ne reculaient pas et malgré la propagande qui permettait aux dirigeants fanatisés de galvaniser les troupes, la machine nazie s'essoufflait. Les Allemands aussi étaient las de cette guerre.
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Cueillir les étoiles
FanfictionLe 1 septembre 1939, le second conflit mondial éclate. Deux idéologies s'opposent et s'affrontent avec pour unique objectif l'anéantissement ennemi. Quelques mois seulement après le début des combats, la France accuse une cuisante défaite. L'Alsace...