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Belfort, 4 octobre 1940.

Un quartier tranquille de Belfort profitait des rayons de soleil et de la chaleur agréable de ce début d'automne. La ville semblait se porter à merveille, la misère se cachait derrière cette façade. Dans les privations et les regards tristes des habitants. Dans tout ce que les apparences ne sauraient trahir.

Un homme, dont le corps semblait avoir grandi trop vite, allumait une cigarette à l'ombre d'un hangar. Un hangar désert qui accueillait de curieuses rencontres depuis le début de la guerre. Le rouquin expira une longue bouffée de nicotine, laissant le poison s'insinuer dans ses poumons avec soulagement. Cela l'aidait à se détendre en ces temps où l'angoisse ne quittait jamais personne. Cela l'aidait aussi à attendre.

Ron Weasley n'osait y croire. Il ne parvenait à porter foi en la venue d'Harry en ces lieux. Les sources étaient pourtant sûres, mais son absence d'imagination l'empêchait d'espérer pleinement. Il guettait, du coin de l'œil, la silhouette familière de son meilleur ami.

Sa patience fut finalement récompensée. Un quart d'heure plus tard, Harry tourna à l'angle du carrefour pour s'engager dans la petite ruelle. Il faillit ne pas reconnaître la posture nonchalante du rouquin. Il s'immobilisa, les yeux écarquillés par la joie brutale de ces retrouvailles inespérées et précipitées.

—Ron !

Harry se jeta dans les bras du plus âgé dans une puissante étreinte. Il avait cette odeur un peu négligée, mais musquée, plus forte qu'autrefois.

—Tu m'as manqué, mon vieux, souffla le jeune homme, un sourire sincère

—Toi aussi, ça fait combien de temps maintenant ?

—Un bail ! Ça doit faire plus de six mois.

Harry s'écarta légèrement. Ron était resté le même tout en accusant de lourds changements. Ses cheveux roux étaient presque rasés, ses joues avaient perdu les rondeurs de son enfance, et ses tâches de rougeur ne pouvaient rien pour lutter contre cela. Il conservait cependant cette aura lumineuse, un peu simplette, qu'il dégageait. Même la gravité inédite de ses traits n'y changerait rien. Ses vêtements étaient usés jusqu'à corde, reflétant une vie que tout confort avait depuis longtemps désertée.

—Tu as changé, souleva le juif, davantage par désir de meubler la conversation que par réel besoin.

—Ouais, c'est différent ici.

Harry haussa les épaules. La situation dessinait une vraie différence entre Strasbourg et Belfort, mais il ne considérait pas les villes opposées en elles-mêmes. Son ami conservait cette nonchalance presque agaçante, ce naturel que rien ne saurait ébranler, une désinvolte incontrôlée.

—Je me sens utile ici au moins. Je sers à quelque chose.

Hermione n'aurait pas manqué de lui signaler le danger qu'il courrait. Connaissant Ron, il en avait à peine conscience et s'élançait au-devant de la menace, tête baissée et sans écouter le moindre conseil. C'était à se demander comment il pouvait être encore en vie.

—Je voulais te retrouver justement. J'aimerais... me rendre utile, moi aussi.

—Hermione m'a dit que tu vendais des journaux clandestins à Strasbourg, souleva le rouquin, les yeux plissés, suspect. Elle ne m'avait pas prévenu que tu venais non plus. Il s'est passé quelque chose que j'aie loupé ?

—Les lettres mettent sûrement du temps à vous parvenir, reprit Harry, précipitamment. Et c'est une longue histoire, mon départ n'était pas réellement prévu.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant