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Belfort, 6 octobre 1940.

Harry venait de quitter Ron. La silhouette familière de son ami avait disparu à l'angle du boulevard après lui avoir adressé un signe amical de la main. Le crépuscule colorait déjà l'horizon de ses couleurs vives, comme le coup de pinceau rageur d'un peintre visionnaire.

Le jeune juif traversa les rues de Belfort, traversant les ponts, les places, et les rues étroites. Il se fondait dans l'effervescence de cette fin de jour avec plus de facilité qu'il ne l'aurait espéré. Personne ne le dévisageait, et il en oublierait presque l'affreuse traîtrise qui l'avait mené jusqu'ici. Il avait évidemment caché ce détail au rouquin, brodant une vérité moins inconfortable et fabriquée de toute pièce.

La version officielle tenait en quelques mots. En ayant assez de sa passivité vis-à-vis du régime nazi, Harry avait cherché des contacts qui sauraient lui permettre des actions plus concrètes. Ron, méfiant, lui avait d'abord fait remarquer que des hommes opéraient en Alsace, certainement même aux alentours de Strasbourg. Ce à quoi son cadet lui avait répondu qu'il en avait conscience, mais il avait fait la connaissance d'un homme, Severus, qui lui avait offert la possibilité de passer la frontière et de s'implanter à Belfort. C'était, à ce moment, qu'Hermione lui avait avoué que leur ami commun y résidait lui aussi. En bref, ce mensonge reposait sur un concours de circonstances bien proche de la vérité. Ron n'avait posé aucune question.

Harry venait de passer la journée en sa compagnie. Son aîné l'avait présenté à quelques unes de ses connaissances, des résistants de la première heure et entièrement dévoués à la cause. Des hommes d'un courage exemplaire qui vouaient une haine presque séculaire à l'envahisseur. Les termes employés à l'égard de ces derniers étaient d'une violence douloureuse aux yeux du jeune médecin qui, bien qu'il puisse comprendre les raisons de cette colère, en souffrait terriblement. Une fois encore, il lui semblait trahir.

Trahir un homme qui lui était cher, ou bien la cause qu'il défendait... Les deux situations paraissaient tristement familières à celui qui connaissait les deux camps opposés, leurs aspects les plus sombres comme les meilleurs de ce qu'ils pouvaient offrir. Un tiraillement qui poursuivit l'homme tout au long de cette journée.

Ron lui avait exposé les différents moyens de communications, encore bien peu sûrs, témoins d'une organisation qui commençait à peine à apparaître. Harry le soupçonnait d'en tirer une certaine satisfaction et une once de fierté. Peu importe, puisque le rouquin le présentait comme une personne digne de confiance à ces hommes venus de tous horizons.

Ron commença à lui apprendre comme se servir d'une radio. Il lui expliqua qu'ils s'en servaient pour communiquer sur des longues distances, précisant la discrétion qui devait dicter cet acte. Ils utilisaient des messages codés efficaces, et Harry commença à apprendre les plus courants, illustrant par cette initiative le sérieux qui l'accompagnait.

Le rouquin lui présenta aussi les actions qu'ils effectuaient. Des moins dangereuses, aux missions suicides. Les sabotages des lignes de chemin de fer n'étaient pas encore très répandus, mais l'espionnage était légion. Il fallait avoir l'oreille qui traînait partout, guetter les informations, et surtout, ne jamais paraître suspects aux yeux de la police allemande, aussi vigilante que paranoïaque.

Ainsi, lorsqu'Harry regagna le lieu où il logeait, la conversation qu'il devait entretenir avec son amant lui était entièrement sortie de la tête. En réalité, l'alcool avait effacé bien des souvenirs des événements de la veille, et il était incapable de remettre les actions ridicules qui avaient été les siennes. Comme la veille, Draco était posté devant l'imposante bâtisse. Il se cachait néanmoins sur le côté, dans l'angle, afin de ne pas être aperçu des élèves qui pullulaient encore. Le médecin approcha à pas lents, se sommant d'une nécessaire discrétion. Le blond, sans le lâcher un instant du regard, exhala une dernière taffe avant d'abandonner le mégot encore fumant sur les graviers. Il s'adressa à son interlocuteur, d'une voix ferme :

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant