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Strasbourg, 2 février 1942.

La guerre faisait rage. Encore.

Depuis désormais trois ans, les morts faisaient presque partis du paysage, d'un quotidien macabre auquel personne n'oserait s'habituer.

Le 7 décembre 1941, les Etats-Unis entraient en guerre après l'attaque des Japonais contre l'île de Pearl Harbor dans la Pacifique. Le conflit était alors devenu mondial sous les yeux de la planète qui vivait ses plus sombres instants.

Dès lors, les combats n'avaient cessé. Les Américains mouraient par milliers bien loin de chez eux et même leur puissance de feu colossale ne put mettre en déroute les soldats asiatiques fanatisés autour de leur empereur, Hirohito, véritable dieu vivant. La deuxième puissance navale s'attaquait à un adversaire de taille et ses kamikazes qui avaient déjà conquis la moitié du Pacifique en seulement cinq mois mirent bien longtemps en déroute la flotte américaine. Cette même flotte qui avait appris à ses dépends l'art de mourir à la japonaise.

Quelques jours plus tôt, la Solution finale avait été décidée à Wansee. Les dirigeants nazis venaient de boucler de destin de milliers de juifs, les condamnant à une mort systématique dans des temples créés au nom de ce génocide. Les camps d'extermination situés pour la plupart en Pologne se préparaient à accueillir ces déportés venus de toute l'Europe. En France, des rafles terribles se préparaient dans l'ombre sous le régime de collaboration de Pétain. La terreur s'apprêtait à devenir loi, encore davantage qu'en ce début d'année 1942.

L'Allemagne avait renoncé à préserver l'URSS et avait fini par attaquer le vaste territoire dirigé par Staline. Les soviétiques, incapables d'endiguer cette marée humaine et la puissance armée du Reich, se repliaient vers l'intérieur des terres sous ordre du premier secrétaire lui-même. Cette année s'illustrait comme une victoire sans bavure pour Hitler et l'Axe. Et comme une humiliation au goût de sang pour le reste du monde, écrasé sous la domination allemande, japonaise, et italienne.

Harry avait vécu ces événements comme n'importe quel citoyen, avec tout l'horreur imaginable. Depuis Belfort, les conséquences n'étaient pas directes ni même immédiates. Aucun bombardement n'avait détruit la ville, mais le climat se tendait, jour après jour. Dans les rues, des clameurs s'élevaient, celles de la Résistance. Celle de Severus, maître dans l'ombre, maître incontesté, celle de tous ceux qui sauraient tolérer la violence qui inondait les âmes.

Les actes de contestation se multipliaient chaque jour, et Harry tirait une certaine fierté de ce constat. Il faisait partie intégrante de ces courageux garçons, prêts à mourir sous les coups ennemis pour retrouver leur liberté perdu. Dans ce combat, le médecin abandonnait tout. Il soignait les blessés sans hésiter un instant à mettre sa vie en danger. Hermione l'aurait sans doute enfermé à double tours dans une pièce si elle savait ne serait-ce qu'un quart des risques pris. Derrière cet engagement sans failles se cachait un besoin viscéral de se forger un but, une raison d'exister. Ce combat, c'était sa manière de se reconstruire et d'oublier le souvenir de Draco. Le doux visage d'un être perdu à jamais.

Harry avait passé ces un an et demi aux côtés de Ron. Le rouquin lui avait appris les rouages du métier et l'avait amené à emprunter des chemins d'une extrême dangerosité. Peut-être l'avait-il mené à des décisions discutables, mais qu'importe ! Severus veillait sur ces deux jeunes, intervenant que rarement et avec la froideur d'un mentor. Jamais il ne se montra affectueux envers le fils de son amour d'autrefois. L'enfant de Lily ignorera toujours la sympathie que le directeur lui témoignait en secret. Il se contentait alors de ne pas laisser ces imprudents se jeter dans l'abîme.

Cueillir les étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant