Chapitre BONUS

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En attendant la correction de ce tome ou la publication du tome suivant, voici un extrait de ce dernier...



Tery était assise dans l'herbe, le regard dirigé vers là où le soleil était censé se lever quand quelques dizaines de minutes. L'aurore englobait la prairie d'un aura presque féérique et hors du temps. Elle se sentait hors du temps. Une fois de plus, elle avait rêvé de son père et s'était réveillée en sursaut le front et le dos plein de sueurs. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas passé plusieurs nuits paisibles d'affilés. D'habitude, la présence de Matt l'aidait au moins à ne pas se réveiller en criant au beau milieu de la nuit, mais depuis la veille cela n'avait plus d'effet sur elle.

Elle entendit les herbes hautes frissonner contre son bras malgré l'absence de vent. Du coin de l'œil elle vit Wyden s'asseoir à ses côtés. Elle se questionna rapidement si sa présence était lié à son tour de garde ou si tout le monde était réveillé. Mais il était seul et il ne semblait pas pressé de retourner au campement de fortune qu'ils avaient installé à la tombée de la nuit lorsque l'averse s'était enfin calmée. Leurs vêtements étaient encore trempés, ce serait un exploit si aucun d'eux ne tombait malade. De la terre s'était accroché en séchant aux mèches ébène de Wyden. Dans un souffle à peine audible, il lui demanda pourquoi elle ne dormait plus. Elle haussa les épaules ne sachant que répondre.

- Moi non plus je n'arrive pas à dormir ici. (Il marqua une pause.) Mais tu connais déjà mes raisons.

Il croisa ses mains sur ses genoux. Il semblait si fragile à cet instant. Les premières lueurs de l'aube nimbait son visage d'une pâleur peu commune.

- Je ne suis pas certaine de cela.

Il tourna son visage angélique vers elle simplement pour la regarder. Il devait sûrement encore lui en vouloir pour la veille, pour ses cachoteries. Mais cela ne comptait que peu à ses yeux actuellement. Elle avait fait ce qu'elle devait faire, et leur faire courir plus de risques n'était pas envisageable.

- Depuis la mort de mon père, je fais des cauchemars presque chaque nuit. En voilà une de plus.

Son épaule frôla la sienne, autant pour l'encourager à continuer que pour lui transmettre un « je comprends » de réconfort. Puisque oui, de ce qu'elle savait de son passé, il comprenait.

- Il a pris ma main et m'a dit de le retrouver à la maison dans peu de temps. (Tery pris une grande inspiration afin de calmer le tremblement de ses mains.) Mais, il n'est jamais rentré. Je l'ai attendu toute la nuit sur les marches du perron malgré les protestations de Evae.

Il ne posa pas de question sur qui était Evae. Il se contenta de prendre ses mains dans ses grandes paumes et de les serrer de ses longs doigts calleux. Il avait remarqué le tremblements qu'elle n'avait pas su contrôler, et pour une fois elle ne s'en blâma pas.

- Lorsque le lendemain des guerriers sont venus nous annoncer la mort de mon père, j'ai continué à l'attendre et espérer son retour. Je ne voulais pas y croire. Même lorsque les parents de Matt s'en sont allés, puis quand des guerriers sont venus décrocher ma mère, je n'ai pas bougé. C'est Matt qui est venu me nourrir à la petite cuillère pendant une poignée de jours alors que lui aussi souffrait de ce changement brutal de vie. Il n'a réussi à me faire rentrer de nouveau dans la maison que lorsque je commençais à avoir de la fièvre et à tousser plus de fois qu'il ne pouvait le compter.

Etonnament, elle n'était pas essoufflée d'avoir débité autant de mots. Pourtant il lui semblait que ses poumons et sa gorge lui brûlaient atrocement. Après s'être mordue l'intérieur de la lèvre jusqu'au sang, elle se laissa glisser contre l'épaule de son co-équipier. Il n'y avait rien à répondre à cela, pourtant elle voyait bien que Wyden ne cherchait pas ses mots. Lui-même habitué à la mort, il comprenait silencieusement. Il porta les doigts froids de Tery à ses lèvres.

- Tu risques de tomber malade, tu pourrais enfiler la robe que j'ai vu dans ton sac en attendant que tes vêtements sèches.

- Celle que j'ai déchiré pour te bander le torse tu veux dire ?

Un sourire fit ressortir une fossette sur le coin gauche de sa bouche.

- Même si ça ne serait pas pour me déplaire, cela risquerait de ne pas couvrir beaucoup ton corps.

- Heureusement alors que j'ai encore ma tenue de soldat à portée de main.

Tery esquissa un mouvement, prête à aller récupérer son sac, mais le regard de Wyden l'en dissuada. La bouche entrouverte, son sourire s'était envolé pour lui laisser une expression indéchiffrable.

- Personne ne pourra jamais combler l'absence de ton père, et même si tu vendais Matt pour savoir ce qu'il lui est arrivé, tu ne le raménerais pas. Tu ne te sentirais peut-être même pas plus en paix, même si là tu penses le contraire. Continuer ta vie sans lui et sans fouiller son passé c'est aussi le laisser s'en aller en paix. Et si chaque nuit, tout cela ressort et s'amplifie, c'est parce que tu peux aussi le voir lorsque le soleil décline.

Son regard suivit le sien dirigé vers le ciel. Les dernières étoiles étaient en train de s'éteindre une à une.

- Ma mère me disait que chaque étoile dans une ciel est une personne qui veille encore sur l'un d'entre nous ici-bas.

Le visage tourné vers le ciel, Wyden continuait à murmurer ces mots comme si il lui livrait un secret. Ses yeux gris brillaient d'un éclat particulier qui serra le cœur de Tery. Un cœur qui s'était mis à battre plus vite.

- Même si elles ne sont pas toujours visibles, les étoiles volent toujours au-dessus de nous, compléta-elle en souvenir aux mots de son père.

Seulement alors, Wyden tourna sa tête dans sa direction et acquiesça. Une odeur de ........ l'embaumait de lui. Il émanait de lui à la fois une grande fragilité portée par une force de caractère incroyable dont il ne semblait pas s'apercevoir. Sa bouche pulpeuse était la seule touche de couleur dans le tableau de son visage tout en noir et gris. Soudain, une brulante envie de l'embrasser remua le ventre de Tery et lui coupa la respiration. Elle ne savait cependant pas si elle avait le droit de coller ses lèvres aux siennes dans un moment pareil. Ayant du mal à se contrôler, elle se mordit une nouvelle fois l'intérieur de la lèvre.

- Est-ce que je peux t'embrasser, articula-t-elle rapidement sous l'impact de l'émotion.

- Seulement si tu arrêtes de te mordre la lèvre comme ça, répondit-il très sérieusement en fronçant les sourcils, parce que tu abimes cette jolie bouche.

Il avança une main pour écarter une mèche rebelle du visage à présent écarlate et gelé de Tery.

- Et aussi parce que ça me donne des idées inappropriées, murmura-t-il.

Un gloussement s'échappa des lèvres de Tery, ce qui le fit sourire. Et ce sourire la fit chavirer et elle colla précipitamment ses lèvres contre les siennes, toutes aussi frigorifiées. 

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant