20. Des Larmes Juvéniles (part. 3)

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-        Si.

J'hausse les sourcils. C'est le fils de cette femme que j'avais vue près de leur dirigeante ? A ce que j'ai pu comprendre c'est sa conseillère. Je n'aurais pas imaginé, étant donné qu'ils ne se ressemblent pas tant que cela au premier abord. Quoique en l'observant je remarque qu'ils ont la même bouche et la même forme des yeux. Peut-être aussi le nez... je penche un peu ma tête. Non, pas le nez.

M'arrachant à ma contemplation, il se tourne et pose une question.

-        Où est la salle d'eau, il faut que je me lave les mains ?

-        Ah ! Mais tu peux te laver les mains à la cuisine si tu veux, viens.

Alors qu'elle se dirige vers le lavabo, j'interviens.

-        En haut des escaliers, la deuxième à gauche.

Je le regarde monter. Il a certainement besoin de décompresser.

Alors que j'aide Faeny à mettre la table pour trois, elle m'informe que apparemment Gabany est très occupé aujourd'hui et il est seulement passé prendre quelques bricoles à manger. Je me rends alors compte que cela fait un petit moment que Melvil devrait déjà être en bas. En me calmant, après une excuse à l'intention de la maîtresse de maison je monte. En ouvrant la porte de la salle d'eau je le trouve assis sur le carrelage gris. Ses petits bras entourent ses jambes contre sa poitrine. En m'entendant entrer il se fige. Je referme la porte et m'approche doucement de lui. Je pose une main sur son genou et relève sa tête. C'est alors que ce que j'avais pris plus tôt pour une contrariété était en fait une tristesse. De chaudes larmes coulent sur ses joues. Son visage se crispe alors dans un sanglot qui me fend le cœur.

-        Ne me regarde pas !

Il plonge sa tête entre ses jambes, mais je la lui redresse en demandant pourquoi.

-        Parce-que les grands hommes ne pleurent pas, il répond durement.

Et c'est maintenant que je comprends que le rêve d'un parent peut étouffer, même inconsciemment l'enfant dans une réalité trompée. Il porte une pression trop grande. Trop grande pour un enfant. Un enfant de seulement huit ans. J'aimerai le prendre dans mes bras pour le consoler mais je sais qu'il me repousserait. Alors je me contente de mots que je veux apaisant.

-        Mon père était un grand homme. Vraiment important dans la ville d'où je viens. Mais cela lui arrivait de pleurer, même lorsqu'il était adulte. Il pleurait encore plus quand il avait ton âge. Moi aussi je pleure. Faeny aussi pleure. Tout le monde pleure parfois, et ta maman aussi.

-        Alors tout le monde est faible.

-        Non, c'est faux, j'annonce calmement. Mon père, même à son haut statu me disait toujours la même chose. Pleurer ne fait pas de toi quelqu'un de lâche. 'Pleurer ne fait pas de toi qu'un de miséreux. Pleurer ne fait pas de toi qu'un de peureux. Et pleurer ne fait jamais de toi qu'un de faible. Le courage est de connaître ses faiblesses, de pleurer ses misères et de surmonter malgré cela ses peurs'.

Lorsque je finis de parler, ses yeux sont toujours larmoyants mais ses sanglots se sont calmés. Je n'arrive pas à déchiffrer son regard.

-        Je ne veux pas décevoir maman...

-        Tu ne la décevras pas, elle veut que tu sois fort, mais il n'y a pas de courage sans faiblesse sinon cela s'appelle l'insouciance, je souris tendrement.

Machinalement, j'essuie une larme qui perlait sur sa joue rosée. Il hoche la tête.

Après qu'il se soit laver les mains cette fois-ci, nous descendons pour de bon. Quand Faeny voit son visage encore bouffi par les pleurs, elle ravale sa question et nous sourit en nous désignant nos assiette remplies de divers légumes.

Melvil et moi marchons sur les pavés nous menant à l'école. Toute trace d'affection disparue, le bruit des passants meuble le silence entre nous. Je crois que si je venais à lui toucher la joue comme un peu plus tôt dans la salle d'eau, il m'enverrait balader.

C'est étonnant comme ma fascination pour toutes ces couleurs reste la même au fil des jours.

-        Tu as dit que ton père était un grand homme.

Je ne réponds rien, attendant qu'il continue.

-        Il est mort ?

-        Oui.

J'hausse les épaules, voulant paraître désinvolte. Mais je sais que chaque référence à mon père, me serre un peu plus le cœur. Comme lorsque j'ai repensé à ce qu'il me disait lorsque j'étais triste et que je m'en voulais d'être la créature faible que ma mère me disait d'être.

Je me force à ne pas penser à lui, du moins jusqu'à ce que nous reprenions nos cours. À ce moment-là, je n'aurai pas besoin de me faire semblant de me concentrer ses l'asymétrie des pierres nous mes pieds.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant