39. Un Traumatisme Amoureux (part. 2)

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- J'aimais une fille. Elle était magnifique, si tu savais, rayonnante et si... (Il expire.) heureuse. Je n'ai jamais connu un amour comme celui-là auparavant. Je ne doute pas que tu connaisses les relations... tendues entre Westen et Lowick. Et bien, imagine qu'à cette époque ça l'était encore plus et c'est pour cette raison que nous faisions attention.

Il fait une pause, semblant ne plus savoir comment respirer. S'il n'était pas si dégoûté des sentiments, je lui aurai sans doute pris la main.

- C'était la première fois que Tray me confiait une mission. Dehors. Je devais aller espionner les allers et venues des guerriers et en retenir quelques-uns. Cependant, je sais pas comment, Victhorion l'a appris et pour me 'dissuader' de la mener à bien, il me la prise.

Il serre les dents, à en faire blanchir sa mâchoire. La tristesse fait place à la colère.

- Il l'a défigurée et torturée jusqu'à ce qu'elle meurt pour me faire payer mon implication dans leurs petites affaires. Tout cela puisqu'il savait à quel point je l'aim- ....

Et sa voix finit par se casser, tout autant que mon cœur. Il ne me voit plus, ses yeux sont autre-part. Il baisse les yeux et les relève en murmurant un « désolé » en chassant toute trace de brouillard devant ses pupilles. Il n'a pas besoin que je le prenne dans mes bras pour lui dire que tout ira bien, il ne me demande aucun réconfort.

- L'amour était ton point faible. Et tu as construi ce mensonge pour que, en sachant cela, aucune fille ne tombe amoureuse de toi et que personne ne soupçonne ton éventuel « talon d'Achille » si tu venais à tomber amoureux d'une fille.

- Et que l'histoire puisse pas se répéter, il hoche la tête.

Tout cela fait sens dans mon esprit quand je pense à combien Gabany ne voulait pas qu'il s'immisce dans une des missions Dehors, et à son attitude si solitaire et son absence de démonstration affective.

- J'ai toujours pensé que aimer quelqu'un était une faiblesse dans le monde dans lequel nous vivons.

- Ce n'est pas moi qui vais te dire le contraire, mais plus le temps passe plus je change d'avis à ce propos. Puisque ça te donne la force de te battre quand la haine ne fait qu'empirer les choses.

- Mais le risque est trop grand.

- Je sais pas, peut-être pas...

Nous sommes coupés par Shesy qui arrive en courant vers nous, l'air agacé.

- Qu'est-ce que vous foutez là ? On doit bouger et vite si on ne veut pas les perdre !

Nous nous levons en moins de temps qu'il ne le faut pour le penser et après un regard apaisé, nous courons prendre nos sacs. Je me sens plus légère d'avoir été franche avec Jonas. J'ai l'impression qu'une barrière invisible s'est effacée entre nous, laissant place à l'honnêteté.

Durant ces dernières heures, je manque de tomber une bonne vingtaine de fois. Mes pensées n'arrivent pas à s'arrêter sur l'analyse de ce paysage de plus en plus dénudé d'arbres. Le sol est recouvert d'herbes vert foncé s'entassant sur chaque millimètre de terre. Les arbustes feuillus nous jouent de mauvais tour nous cachant les uns des autres. Je me demande où ils m'emmèneront. Pourquoi suis-je partie à l'origine ? Quelque fois, je peine à me le rappeler. J'ai été exilée à cause de mes armes car le Conseil n'acceptait pas, et n'acceptera probablement jamais, que je puisse être autre chose qu'une femme au foyer. J'ai eu raison de ne pas accepter de rester assise, seule, toute ma vie à attendre que l'on veuille bien me donner un mari et des enfants que je n'aurai pas choisi. Et je ne suis pas la seule à penser cela puisque Matt ne m'a pas laissée tomber. Malgré son Examen il ne m'a pas abandonnée. Maintenant que j'y pense, il ne m'a jamais dit exactement ce que lui avait demandé le Conseil. Il n'a jamais voulu m'en parler. Je me demande bien ce que cela a bien pu être pour qu'il reste muet. En tout cas, cela a été assez inhumain pour qu'il préfère fuir et être traqué pour le restant de ses jours. J'imagine que le Conseil ne peut pas le laisser filer en guise d'exemple pour les autres et aussi puisqu'il doit savoir des choses qui ne doivent pas d'ébruiter. Si Victhorion apprenait que nous sommes aussi proches de lui... Je me souviens du moyen de pression que le Conseil a employé, et emploie toujours, sur Matt. La torture. Ou plutôt, ma torture. Mais cette fois-ci, aucun frisson ne me parcourt l'échine. Je n'ai pas peur. Il ne m'aura pas. Et même s'il découvre notre présence, je sais bien mieux me battre que ce qu'il pense. Je ne donnerais pas au Conseil l'occasion de mettre sa menace à exécution.

Je réalise alors que aucun de nous six ne sait si une unité guerrière nous traque déjà. La logique voudrait que oui mais Westen s'est déjà retiré une trentaine de guerriers dirigés par le général pour la mission Ew York. Il doit sûrement faire des recherches pour en apprendre davantage sur nos semaines d'absences. Un Examen n'est probablement pas la priorité. Après tout cela n'est sûrement peut-être pas si rare. Et puis c'est sans oublier ce conflit caché avec Lowick. Westen ne peut pas être obnubilée par deux jeunes adultes, l'un exilé l'autre enfuit, alors qu'un nouveau coup peut frapper.

Concentrée dans ma réflexion,je manque de trébucher.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant