8. Accusés et Fouillés (part. 3)

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Je reconnais aisément l'uniforme guerrier, pantalon de cuir couleur ébène, débardeur kaki, le tout surplombé d'une veste en cuir.

Il n'y a ni motif, ni fantaisie, pourtant le choix de chaque matériau a été choisis avec soins et précision. Le tissu extrêmement fin et léger évite de ressentir la chaleur trop présente durant certaines missions, et même celle qui nous tombe dessus au quotidien. Le cuir recouvrant presque la totalité du corps pendant une bataille essentielle est bien présent. Il est souple, ce qui facilite tout mouvement et qui encourage la souplesse et la précision. Son textile robuste nous sert de bouclier contre tout frottement, coup, chute ou encore diminue de manière considérable les blessures considérées bégnines. Chaque chose a sa juste place.

Les guerriers se trouvant en face de nous nous ordonnent de rester immobile. Deux ont dégainés leurs armes, tandis que le troisième s'approche en nous regardant à tour de rôle. Matt se redresse brutalement, ce qui attise rapidement l'attention et qui attire aussi toutes armes dans sa direction.

- Du calme, je ne fais que me relever, dit-il alors pour se justifier.

Nous sommes tous deux interpellés par cette visite assez... surprenante. Cependant, Matt n'en montre rien et a du mal à dissimuler le sourire qui se cache au coin de ses lèvres. Une fois debout, il dépasse le guerrier qui s'était avancé d'une tête, c'est sûrement la raison de son contentement. L'inconnu écarquille les yeux quelques millisecondes avant de reprendre son attitude autoritaire.

- Montrez-moi vos mains.

Nous exécutons. Il observe rapidement nos paumes tournées vers le ciel.

- Que se passe-t-il enfin ? Quelle est cette comédie, toutes ces précautions ? commence Matt assez fermement.

Je ne lui connais pas cette fermeté et cela me surprend.

- Tu n'es pas en droit de poser de telles questions.

- Bien sûr que si. Je suis ton supérieur Jalvis, s'exclame-t-il en rigolant doucement.

Mais le guerrier n'a pas l'air de rigoler, lui, et commence à perdre patience.

- Suffit ! crie-t-il alors en sortant son arme et en la pointant sur le cou de Matt.

Celui-ci déglutit difficilement, ce qui l'entaille légèrement. C'est alors que je prends la parole. "Que voulez-vous ?" sont les seuls mots qui arrivent à franchir la limite de mes lèvres tremblantes. Jalvis me regarde avec un regard remplit de dégoût.

- Comment oses-tu encore parler, sale femme ? il crache avec une rage nouvelle.

Je baisse les yeux. J'oublie souvent dans quel monde nous vivons. La vie est injuste.

- Et toi comment oses-tu lui parler comme ceci, sale chien ? crache à son tour Matt, enragé.

Jalvis enfonce alors sa lame courte un peu plus profonde dans sa chair, assez pour qu'un filet de sang s'en échappe. Il n'aurait pas dû dire ce genre de chose, surtout à un représentant de l'autorité. Cependant, j'aime sa force mentale et son entêtement.

- C'est bon, vous avez finis votre petit cirque. Nous pouvons commencer ce pourquoi nous nous trouvons ici ?

C'est bien sûr une question rhétorique. Une question à laquelle il ne faut jamais répondre.

- Bien. Vous là, il me pointe du doigt, que faites- vous dans un endroit réservé à l'entraînement des guerriers ? Vous n'en avez pas le droit.

- Je, balbutie-je, j'étais descendue...

- Elle était descendue pour me remettre en état, commence Matt.

Jalvis approfondit alors sa blessure en lui répétant qu'il n'avait nul droit de parler. C'est alors que d'autres hommes arrivent dans le sous-sol. Un d'entre eux s'avance dans notre direction, tous s'écartant pour le laisser passer. Il doit avoir une dizaine d'années de plus que nous, cependant, il porte une épaulette rougeoyante sur son épaule gauche. Je sais pertinemment ce que cela veut dire, mon père avait exactement la même, c'est un général. Tous se sont reculés, tous, sauf Jalvis.

- Jalvis !

Sa voix se répercute, elle est assez grave mais pas agressive. Seulement, son ton sévère dissuade instantanément le guerrier de tenter autre chose sans son accord. Alors, celui-ci rejoint les autres en soufflant. Le général nous accorde à Matt et moi un signe de tête en guise de politesse. Cela m'étonne, il est rare qu'un traitement égal soit réservé à une femme. Il regarde placidement le sang de Matt s'arrêter de couler sur son cou et lui demande si cela ira, évidement ce dernier répond positivement d'un geste respectueux.

- Lorsque l'on m'a avoué les raisons de cette simple mission je m'en suis étonné, surtout quand j'ai appris que vous étiez impliqué sergent Mattelos.

Matt baisse la tête, puis la relève.

- Si je ne puis me permettre, de quelles raisons s'agit-il ?

Il souffle légèrement et croise les mains dans son dos.

- Voyez-vous, Le Conseil pense que vous n'êtes pas en règles, jeune dame, et que vous, Mattelos, vous n'y êtes pas pour rien.

- De quelle infraction Le Conseil nous juge-il responsable ?

Il semble réfléchir et penser à la tournure de sa phrase. C'est le genre typique d'homme a toujours tout contrôler, à réfléchir sans cesse à toutes les possibilités de chaque situation à laquelle il assiste. Il maîtrise les gens comme il se maîtrise lui-même.

- Que faisiez-vous dans cette pièce, tous deux ?

- Comme j'allais le dire au guerrier de mon unité, dont je dois être temporairement suspendu je l'imagine, Theresy était en train de recoudre mon vêtement lorsque vous êtes intervenus.

- Et pourquoi alors ne pas l'avoir fait à l'étage, dans un endroit convenablement éclairé que celui-ci ?

Il montre alors à l'aide de ses mains les quelques fenêtres disposées à la limite du plafond.

- Puisque voyez-vous, durant mon entraînement, je suis mal tombé. Alertée par ce grand bruit et inquiète à l'idée que je ne me sois blessé, Theresy a accouru au plus vite dans cette salle. Après avoir constaté que j'étais partiellement amoché et que mon vêtement avait connu le même sort, elle est rapidement revenue avec tout le nécessaire.

Le général reste sceptique, le remarquant, Matt renchérit.

- Voyez par vous-même, dit-il en montrant mes affaires de coutures et la trousse que j'ai jadis descendue. L'homme se tourne vers moi, rapidement, mon cœur s'accélère.

- Est-ce vrai ?

J'écarquille alors les yeux, non par refus mais par étonnement. Un homme me demande-t-il réellement mon avis ? Cela est si rare. Je reprends vite mes esprits, je ne veux pas contribuer aux raisons pour lesquelles la calomnie jette son dévolu sur la "naïveté" des femmes. Je ne veux pas que les hommes continuent de penser que nous ne sommes ni dignes de confiance ni dignes, tout court. Je confirme les dires de mon ami. En effet cela est vrai, enfin, à un détail près : j'étais présente lors de sa chute.

- Cela a l'air de tenir la route.

La pression commence à refluer dans mon corps, je me détends peu à peu.

- Cependant...

Mes muscles se tendent instantanément, je n'aurais pas dû me réjouir si vite.

- ...Je dois tout de même vérifier.

Son air sévère et stricte reprend alors le dessus sur tous ses traits de visage. Il lève la main et ordonne à ses hommes de fouiller la maison. Lorsque les guerriers remontent les escaliers, j'aperçois un visage vaguement familier. Celui-ci tourne la tête vers moi, c'est ainsi que ses yeux d'un bleu purement clair croisent impassiblement les miens. Puis, il disparaît avec les autres.

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GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant