Guerrière

29. Cette Nuit (part. 4)

Je me dépêche de le quitter et me cache derrière un buisson. Une fois qu'il a tourné plus loin, je rejoins Wyden. Il regarde au-delà. Il guette. Quand il m'entend, il tourne la tête vers moi.

-         Nous pouvons parler ici. Les tours de guet ont été construite de sorte à être presque entièrement insonorisée. Comme ça, on est pas dérangé dans notre travail pendant les fêtes civiles.

Sa voix est douce et posée. Elle inspire confiance mais je me méfie tout de même. Je m'assois en face de lui, sur le rebord de la tourelle, à un peu plus d'un mètre de lui. Je le regarde.

-        Parle-moi un peu de Lesly.

Il réfléchit avant d'ouvrir la bouche. Je le sens. Il cherche ses mots.

-        Je ne connais pas toute l'histoire, tu le sais, je ne suis pas né ici, il marque une pause. Lesly est montée au pouvoir non pas grâce à son héritage familiale, mais parce que l'ancien dirigeant l'avait désigné. Et ça sans que personne ne soit au courant, enfin avant que son conseiller ne trouve un testament la nommant comme successeur. Je te laisse imaginer tous les bouleversements que ça a pu entraîner, étant donné que ce dirigeant avait déjà un fils en âge, et destiné, à monter au pouvoir. Mais non, c'est Lesly qui a récupéré ce poste. Lorsque je suis arrivé ici, elle était déjà au pouvoir. Je n'ai connu qu'elle. De ce qui s'est produit avant mon arrivé, je ne connais que les rumeurs. Les gens évitent de parler de ça.

Je ne rajoute rien et enregistre toutes ces nouvelles informations. Un changement de tradition. Plus de pouvoir par descendance, mais par nomination. Cela n'a pas dû plaire à Westen. Non pas que cette manière de faire les dérange, mais qu'un bouleversement se fasse. Puisque pour tous les habitants de Westen, à l'inverse d'ici, la notion de parents et d'amour parental ne fait pas partie des mentalités. Nous avons des géniteurs, certes, mais ils n'ont aucun devoir parental envers nous. Ils peuvent nous garder ou non, comme ils le souhaitent. Non, Le Conseil ne fonctionne pas par héritage parental, mais par formation et sélection. L'élite parmi l'élite peut ou non être sélectionné par un membre du Conseil comme successeur le moment venu. Mais rien n'est totalement défini. Tous membre du Conseil peut changer d'avis comme de chemise si cela lui chante. Ce qui est tout de même requis est une formation composant de nombreuses années de la petite enfance jusqu'au moment où l'élève fera partie du Conseil. Ou alors, si ce n'est pas l'élite, il ne fera rien de sa vie et mourra sans avoir existé.

-        Qu'est-ce que tu penses d'elle ? Est-elle fourbe, menteuse, rusée ou rien de tout cela ?

-        J'imagine que pour qu'elle ait été choisi par l'ancien dirigeant à la place de sa propre descendance, il doit bien avoir des raisons.

Cette réponse floue en dit bien plus qu'il n'y paraît. Et elle me donne encore plus envie de ne pas me fier à Lesly sous seul prétexte qu'elle nous a accueillis. Les gens ne sont pas toujours ce qu'ils paraissent être, mon père me l'a toujours dit.

-        Pourquoi ces questions, pourquoi maintenant Tery ?

Je réfléchis à ce que je vais pouvoir lui répondre. Ne pas faire dans la spontanéité. Pas dans ce monde. Pas tout de suite. Est-ce puisque je veux être mieux renseignée sur qui j'ai en face de moi ? Est-ce puisque je veux élucider cette histoire de guerre ou de conflit entre Westen et Lowick ? Est-ce puisque demain Matt ira la voir et je ne veux pas qu'elle se serve de lui contre Le Conseil, ou pour lui, qui sait ? Est-ce que c'est puisque je veux connaître son avis ? Ou juste tout cela.

-        Je ne sais pas si je peux lui faire confiance. Elle m'a dit des choses qui ne tiennent pas la route. Et je ne veux pas avoir mon avenir entre les mains d'une personne alors que je ne sais pas dans quel camp elle se trouve.

-        Je comprends. C'est vrai qu'elle est douée pour brouiller les pistes. Et puis de toute manière, ton avenir et celui de Matt ne sera bientôt plus dans ses mains parce que vous allez partir.

Je bafouille. Quoi ? Je reste sonnée. Comment peut-il être au courant de cela. Je ne lui en ai jamais parlé. J'ouvre la bouche, puis la referme. Je ... comment ? Je ne cache pas ma surprise durant les premières secondes. Puis je me reprends.

-        Comment tu es courant de cela ?

Il sourit, toujours le regard posé sur moi. Mais à présent je ne trouve pas de beauté dans son sourire. Juste un sourire qui est là pour une raison qui ne me plaît pas.

-        Et bien je n'en savais rien. J'avais des doutes et tu viens de les confirmer.

Soudain, je me sens extrêmement bête. J'aurai dû mentir, j'aurai dû nier, j'aurai dû...

-        Comment cela tu avais des doutes ?

-        Tu te débrouilles plutôt bien en combat, même avant d'être soldat d'ailleurs, bien sûr pas autant que moi c'est évident. Alors pourquoi vouloir s'entraîner autant si c'est pas pour compenser un manque de temps.

Je ne sais pas si je dois être outrée par son ego surdimensionné ou impressionnée par sa déduction, en réalité plutôt simple quand on y pense. Sûrement les deux. Il aurait fallu que je sois plus discrète. Il aurait fallu que je donne de fausses pistes. Mais cela ne sert à rien de ressasser le passé en se torturant à penser à ce que nous aurions pu faire de mieux. Seul le présent est important. C'est lui qui oriente le futur et qui créé à chaque seconde le passé. Là, je pourrai encore nier, j'en suis sûre.

-        Pourquoi tu ne l'as pas dit à Lesly ?

-        Qui te dit que je ne l'ai pas fait.

-        Je me fie à mon instinct.

-        Voilà une chose que tu devrais faire sur le terrain !

C'est vrai. Mais à l'heure actuelle nous sommes ici et non en entraînement.

-        Je ne la laisse pas décider de mon avenir et encore moins de celui des autres, annonce Wyden. Cette information ne m'appartient pas et ce n'est pas à moi de décider qui doit être au courant ou non.

Je suis rassurée. J'avais quand même un doute vis-à-vis de ce qu'il avait pu, ou pas, dire à la dirigeante. Je suis contente de son raisonnement.

-        Tout le monde ne pense pas comme cela.

-        Oui, mais je ne suis pas tout le monde.

C'est vrai.