Guerrière

38. Calme Perplexe après la Tempête (part. 3)

Ce dernier mot nous provoque à tous les deux un sinistre frissonnement. Je ne voulais pas le prononcer, mais ma langue n'en a

fait qu'à sa tête. Avant que Thaym ne puisse répliquer, je me mets à courir. Après quelques secondes il revient à la réalité et me rattrape.

Lorsque nous rejoignons nos quatre autres compagnons, ils sont déjà assis par terre en train de discuter. Shesy est la première à se retourner et à nous voir arriver. Je suis soulagée de ne pas subir d'interrogatoire suite à ce long retard. Leurs regards se posant sur nous sont seulement contents de nous apercevoir entiers et avec eux.

- Maintenant qu'on est au complet, on va pouvoir dormir tranquillement.

- Je prends la garde, allez hop hop hop tous au dodo, plaisante Matt.

Tandis que tous s'installent au sol, écartant quelques pierres, évitant les racines, Matt me fait signe. Il s'assoit et je me mets près de lui en jetant un regard alentour. Je croise celui de Thaym et je crois rêver en percevant la colère que j'y lis. Je n'y fais pas attention et m'allonge, la tête posée sur les genoux de mon meilleur ami. Celui-ci s'amuse à entortiller ses doigts dans ma chevelure, perdu dans ses pensées.

Alors je que commence à rejoindre mes camarades dans leurs lourds sommeils, Matt articule quelque chose. Mais mes paupières sont pleines de plomb et je ne sais pas si je veux les soulever pour lui répondre.

- Qui t'as fait ça ? Tessy ?

Un grognement m'échappe et je baille en m'étirant. Je lève les yeux vers lui, demandant silencieusement qu'il répète sa phrase, ce qu'il fait.

- Un guerrier, je prononce en me tournant sur le côté, face à lui.

Mes paupières chutent d'elles-mêmes.

- Qui ? Pourquoi ? Comment ?

Ma bouche parle toute seule, pâteuse, sans que je réfléchisse.

- Il voulait la récompense que Victhor lui avait promis. Et ses amis voulaient s'amuser avec moi. Mais pas moi, donc je l'ai tué.

- Je n'ai jamais douté de tes capacités, mais là j'aurai aimé que tu me le laisses, pour que je lui fasse la peau.

Matt m'a pris la main, gardant sa seconde dans mes cheveux. Son contacte fraternel me rassure et un sourire se coud à mes lèvres. Pendant qu'il s'énerve et que de multiples mots s'écoulent de sa bouche, mes oreilles se recouvrent d'un voile. Et je me laisse plonger.

Mon esprit s'éveille peu à peu, dévoilant une odeur mentholée. Des iris me sourient. Leur velouté chocolat est parsemé de paillettes d'or. Je m'étire doucement, à moitié au sol et à moitié sur Matt. Dans un élan d'énergie, je me redresse. Déjà tout le monde s'active. En voyant la nourriture que Wyden a rapporté, mon ventre s'exprime. Mais soudain, la sensation de sécheresse dans ma gorge sonne comme une alerte dans ma tête.

- On arrive enfin à la hauteur d'une rivière, plus que quelques kilomètres, me sourit Wyden en me voyant remuer ma bouche.

- Ce n'est pas trop tôt ! je réponds, soulagée.

Je viens alors m'asseoir entre Jonas et lui. Je pioche un bout de viande cuite mais pourtant déjà froide.

- Tu l'as faite cuire quand ? Elle n'est même plus chaude, remarque Jonas complétant ma pensée.

A mon avis il l'a braisée cette nuit pour éviter que des guerriers portent un regard curieux sur la fumée s'envolant dans le ciel.

- Avant que le soleil se lève, complète-il. J'ai pas une grande envie de voir une section nous tuer, tout ça parce qu'ils ont pris un grand nuage de fumée comme invitation.

J'opine en mordant dans la nourriture, exactement ce que je pensais. Mes cheveux ne cessent de me tomber devant les yeux depuis qu'ils sont plus courts. Je dégage une main pour les replacer une énième fois derrière mon oreille. Cela m'agace de bon matin.

- Tu devrais les attacher, me conseille Shesy avec un sourire désolé.

- Ils ne sont pas assez long pour que je puisse me faire une queue de cheval.

- Tery sans sa queue de cheval c'est plus Tery.

J'esquisse un sourire à la phrase de Jonas. Il paraît si sérieux ! Tandis que Shesy tente malgré la voix des autres de m'expliquer une autre coiffure, Wyden acquiesce et plante sa tignasse brune devant moi.

- Tu es sûre que tu t'es faite ça pendant un combat ? Dis-nous la vérité, je sais que t'es allée chez le coiffeur cette nuit, depuis le temps que tu trouvais tes cheveux trop longs ! plaisante-il.

- Mais exactement ! Comment le sais-tu ? je rentre dans son jeu.

- Le talent.

Un geste théâtral accompagne sa parole, le mettant en avant. Un rire parvient à quitter ma bouche, sans que je ne cherche à le retenir. Ses yeux rieurs me déchiffrent et dévient malgré eux vers mes pointes raccourcies.

- Par contre, je sais pas quel coiffeur s'est occupé de toi, mais je n'irai plus si j'étais toi.

Ses doigts parcourent mes longueurs, s'entremêlant avec de nombreuses irrégularités.

- Il ne sait pas couper correctement.

- T'en fais pas, je pourrai t'arranger ça avec quelques coups de couteaux, tu seras mignonnes toute plein.

- T'u es gentille, mais pour l'instant je vais juste me les attacher comme tu m'as dit.

Sur ces mots, je décroche l'élastique de mon poignet. Mes pouces tracent une ligne sur mon crâne de mes oreilles au derrière de ma tête, rassemblant de nombreuses mèches. Par la suite, je les ligote ensemble. C'est une drôle de sensation que de sentir la pointe de ses cheveux frissonner sur sa nuque. Cela aura l'avantage de moins me tenir chaud durant ce milieu d'été. Alors que Matt me fait remarquer que les cheveux poussent vite, Thaym arrive en courant.

- Ils partent !