Je pose un pied devant l'autre sur des galets différents. Suivre la rivière. Suivre la rivière pour ne pas se perdre. Mais lorsque l'on n'a pas de destination précise à quoi cela sert de se repérer ? Si je ne sais pas où je vais - où je dois aller - alors comment puis-je me perdre ? Non, je ne suis pas la rivière pour ne pas me perdre. Pourquoi le fais-je ? Je ne sais pas vraiment. Jusqu'où avancerai-je ? Je ne le sais point. A quoi cela me sert-il ? A retrouver mon chemin. Je ne suis pas la rivière par obligation, sous le conseil d'une connaissance. Je la suis pour pouvoir retrouver mon chemin. Que représente la rivière pour moi ? C'est la liberté. C'est l'expression même. Que me rappelle-t-elle ? Elle m'aidera à me souvenir d'où je viens. Enfin... si je suis toujours en vie.
Je traverse le pré. Je n'ai nul besoin de me retourner pour savoir que plusieurs gardes, perchés sur leurs murs, ont le regard posé sur moi. En même temps, il ne doit pas y avoir beaucoup d'animation. Quoi que... Est-ce que plusieurs créatures rôdent souvent aux alentours ? Je le verrai bien assez tôt. Je ne sais pas vraiment si je me languis de ce moment en fin de compte. Certes, j'aime passionnément le sport et tous les entraînements que nous avions fait, Matt et moi. Mais je me demande si j'aimerai aussi le vrai combat, contre de vraies créatures et non contre mon meilleur ami. Est-ce similaire ? Est-ce différent ? Mais pieds shootent nerveusement dans de petits cailloux. Cela me laisse de légères marques sur les oreilles. Hier, je me serais préoccupée de mes scandales, faisant attention. Mais maintenant, quand je vois dans l'état où elles sont, je me dis que cela n'en vaut plus la peine. D'ailleurs, est-ce que je peux encore appeler cela des scandales ? Ou dois-je plutôt dire des lambeaux de cuir ? Disons que l'accrobranche, la forêt et les hautes herbes ne leurs réussissent pas.
J'arrive au commencement de cette forêt, me paraissant presque familier. Je pénètre ces feuillages. Tout comme hier, le beau temps ne parvient pas à transpercer complétement les épaisses couches de flore. Je marche tranquillement, j'aurai presque pu me balader. J'arrive alors à ce fameux séquoia qui m'a servie d'abris. Ce fameux endroit où plusieurs buissons de baies rougeoyantes attirent mon attention. On dirait que mon cerveau a retenu la leçon puisqu'il a l'air de vouloir me faire éprouver des sentiments négatifs à cette vue. Dégoût. Peur. Horreur. Rejet.
Je ne m'arrête pas et poursuis mon chemin. Soudain, une odeur vient me chatouiller les narines. Non pas une odeur de légumes mijotés mais une odeur putride. Une odeur répugnante de je-ne-sais-quoi. Mon nez se pisse amèrement. Je dois certainement passer à côté d'un cadavre en décomposition ou autre. J'entends alors des grognements bestiaux, les mêmes que la veille. Cela est sûr, je passe à côté d'une victime des créatures. Je ferai mieux de ne pas traîner dans les parages. Non je ne me dégonfle pas, mais comprenez, je n'en ai encore jamais vu et j'ai besoin de me préparer au combat. Je ne suis pas assez expérimenté pour partir dans le tas. Surtout que je ne pense pas que le général Victhorion enverrait ses unités dans le "tas" sans aucune tactique. Non je ne pense pas, cela est certain.
Je commence à trottiner dans l'herbe, m'écartant de quelques pas de la rive. Je ne voudrais pas tomber malencontreusement à cause de ces pierres. Je ne cours pas, cela serait du gaspillage. Nous sommes encore le matin, assez tôt pour ne pas avoir à supporter la chaleur du mois de novembre même dans un champ. Si je cours, je vais avoir rapidement faim, soif, chaud et sommeil. En soi, la soif ne pose aucun problème. Mais en ce qui concerne la faim, cela se complique.
Il n'y a pas de vent. Aucun bruit n'accompagne les remous de la rivière. Aucun brouhaha de fond ne m'indique la présence de personnes. Je suis seule et j'ai semé les grognements. L'eau est baignée dans les rayons du soleil, contrastant avec les parterres de fleurs que je croise. Le simple parfum des herbes fraîches envahit l'air. Je me sens bien. Seule, mais bien. Je ne suis ni manipulée, ni soumise à certaines règles. J'ai le choix. Si je veux courir en pleine forêt sans but, je le fais. Si je veux m'allonger ici-même, je le fais. Si je souhaite plonger dans la rivière et m'y laisser porter jusqu'à mon ancienne ville, je le fais. Personne n'est là pour me forcer à quoi que ce soit.
J'avance dans cette nature, cherchant le moment où je voudrais m'asseoir. Même si mon esprit et mon corps sont libre, se sentent légers, une partie de moi a été enlevée et est restée à Westen. Une partie que je ne retrouverai jamais. Une citoyenne qui agonisera toute ma vie, arrachée à son environnement natal et vital.
J'observe les environs. Certes pour prendre conscience d'un danger éventuel, mais surtout pour le paysage. Comment peut-t y avoir autant de plantes mais sans jamais en trouver une parfaitement similaire ? Tout se ressemble mais rien n'est identique. Tant de diversité, cela peut faire peur. J'arrive alors sur un espace parsemé d'herbes vertes et de petites fleurs. Je trouve cela très jolie. Un rocher borde ce petit espace sans arbre.
- Enfin un rocher ! Moi qui en cherchais un hier soir... je m'exclame.
Je décide de me poser ici. Il faut que je me change et, en passant, que je me lave. J'installe mon sac sur le bord de la roche et m'avance sur la rive. Je me penche pour plonger mes mains dans l'eau avant de commencer à me déshabiller. Assez rapidement, je plisse le nez de dégoût. La même odeur d'il y a quelques temps me parvient.
- Mais qu'est-ce que... je ne peux finir ma phrase qu'un craquement se fait entendre dans mon dos.
A peine me suis-je retournée qu'une vision d'horreur me prend. Je reste quelques secondes sans réagir.
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Guerrière
Science Fiction2183, Westen : 2 751 habitants Cela fait maintenant un siècle qu'un virus a contaminé la majeur partie de l'espèce humaine, les mutant en créatures ignobles. Westen, ville entourée d'immenses murs la protégeant, est dirigée par un système sexiste et...