Il y a des poignards dans les sourires.
William Shakespeare, Macbeth (1605)
En quelques minutes, dans une clarté floue, nous retrouvons nos compagnons. Alors que nous arrivons à leur hauteur, je remarque avec soulagement que Wyden n'est plus écroulé au sol. Il est assis contre un petit arbre suffisamment solide pour supporter son poids. Ses yeux n'ont pas récupéré leur malice, mais ils ont recouvré un éclat qui me réchauffe le cœur.
Ils sont tous ici, mais c'est vers mon ancien formateur que je me dirige. Je me mets à genoux devant lui, l'inspectant sous tous ses aspects. Un semblant de rire s'échappe alors de ses lèvres.
- Je vais très bien Tery, sourit-il, pas de quoi s'inquiéter.
Alors que je ne l'écoute pas, je fronce les sourcils en observant son bandage de fortune.
- Honnêtement, m'assure-t-il en baissant la tête pour attraper mon regard.
Un sourire prend possession de ses lèvres. Je me tourne alors vers Thaym, quémandant quelques informations du regard.
- Dès qu'ils sont revenus, débute-il en désignant Jonas et Shesy du menton, je me suis faufilé parmi les réserves de la section. On peut faire de belles découvertes dans leurs sacs crois-moi, glousse-t-il.
- Il m'a ramené un baume cicatrisant à peine entamé, complète le blessé.
Je suis quelque peu réconfortée de savoir que nous avons un pot de ce baume si familier pour moi.
- C'est impression comme cette pâte verdâtre fait des merveilles s'étonne Shesy.
- Une des seules merveilles que Le Conseil a réussi à réaliser, acquiescé-je dans un sourire moqueur.
Je souffle, relâchant une partie de mon anxiété. Alors que je vais me redresser, la main moite de Wyden vient caresser la mienne dans une douceur fébrile. Ses doigts fins et cabossés par sa vie de soldat s'entrelacent naturellement aux miennes. Un sentiment de réconfort me détend tandis qu'une vague de gêne fait violemment rougir mes joues.
- Tu vois, je vais bien, sourit l'intéressé.
- Dans l'état dans lequel tu étais il y a encore quelques heures, tu comprends que je puisse en douter, je rétorque sans pouvoir refréner un sourire.
Ses yeux grisonnants contrastent tellement avec le regard terne, vide et d'une neutralité affolante qu'il avait cette nuit que mon cœur se serre. Dans une profonde inspiration, je serre doucement sa main dans un geste réconfortant, puis je la lâche pour me lever. Malgré son dégoût apparent pour ce côté sentimental, Jonas me lance un clin d'œil complice que je ne peux éviter et qui me fait rougir de plus bel.
Tentant de chasser ces rougeurs, je pose mes mains sur mes hanches. Je n'ai pas besoin de dire un mot qu'ils savent déjà quel sujet nous devons aborder sans plus tarder.
- Rien, annonce la jeune femme aux cheveux d'un blanc angélique contrastant avec son tempérament.
Je suis déçue, mais je m'y attendais. Cela aurait été étrange qu'ils trouvent une fiole étant donné que le groupe d'éclaireur que nous suivions en avait déjà trouvé une. Ou du moins, quelque chose de semblable.
Shesy nous compte rapidement leur filature, coupée de temps à autre par Jonas qui rajoute des détails, importants, selon lui. Je ne l'avais jamais vraiment imaginé, mais ils forment tous les deux un duo intéressant. J'aurai pu penser que Jonas se laisserait un peu faire par le caractère trempé de Shesy, mais au contraire cela a dû l'obliger à s'imposer un peu. Et quand je les vois raconter tous cela, je souris en les observant se chamailler la parole en se lançant de petits pics.
Quand vient notre tour de décrire notre nuit, Matt s'amuse en faisant monter le suspens en contant la découverte de cette pièce miraculeusement alimentée en électricité et de ce placard scellé par un code ancien. Grâce à cela, il réussit à capter l'attention de chacun d'un claquement de doigt. Jusqu'à ce que je coupe son côté romancier pour arriver au dénouement. Rien ne sert de traîner à ce point alors que le temps nous est compté. Matt pivote vers moi, outré.
- T'as cassé toute l'énigme de mon histoire ! s'offusque-t-il.
- Oups... je souffle faussement désolée.
Tandis qu'il me fait la tête en remarquant mon regard malicieux, je reprends.
- Sauf que ce n'est pas ton histoire, c'est ce qui vient de se passer dans la vraie vie. Et nous devons les empêcher de repartir avec le remède.
Devant sa tête digne d'un petit enfant puni, Jonas éclate de rire en le charriant. Thaym acquiesce en me donnant raison.
- En plus, s'ils ont rien d'autre à faire ici, ils vont s'en aller aujourd'hui. Le soleil s'est levé, alors la route est sûre, affirme Shesy.
J'hoche la tête.
- Alors qu'est-ce qu'on fait encore ici à papoter ? Eux aussi ont remarqué qu'il y a beaucoup de créatures ici, ils vont pas traîner dans ces marais croyez-moi, déclare Wyden encore assis par terre.
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Guerrière
Science Fiction2183, Westen : 2 751 habitants Cela fait maintenant un siècle qu'un virus a contaminé la majeur partie de l'espèce humaine, les mutant en créatures ignobles. Westen, ville entourée d'immenses murs la protégeant, est dirigée par un système sexiste et...