38. Calme Perplexe après la Tempête (part. 4)

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Quelle torture c'est de savoir qu'il y a une rivière à quelques enjambées mais de ne pas pouvoir y aller. Cela fait maintenant le troisième jour que je n'ai pas pu boire une goutte d'eau et c'est tout mon corps qui est pâti. Je n'ai plus d'énergie. Je suis à cran. Ma tête me fait atrocement mal et ma gorge est comparable au désert du Sahara. Mes yeux sont tout aussi secs que mes lèvres.

J'entends l'eau, je peux sentir l'humidité s'échapper de cette douce fraîcheur. Mais malheureusement pour nous, c'est bien la section qui occupe l'espace en se baignant, buvant, s'amusant. Matt et Wyden sont catégoriques sur la question, nous ne pouvons pas nous approcher de celle-ci alors qu'ils la bordent encore. J'ai déjà tenté de négocier pour descendre le long de la rivière jusqu'à trouver un lieu assez éloigné pour ne pas risquer d'être découvert. Mais la réponse ne m'étonne pas et si je réfléchis quelques secondes j'arrive à la même conclusion qu'eux : si nous nous y aventurons nous risquons d'être massacrés. Ils sont hydratés, pas nous. Mieux vaut attendre encore quelques minutes, même si celles-ci se transforment en une heure entière. Seulement je ne suis pas sûre de pouvoir encore réfléchir.

J'attends. Encore et encore. Assise près d'un arbuste. Ma gorge est en feu. Ils devraient être partis normalement, non ? Je regarde autour de moi. Mais je n'ai pas la force de tenir une conversation entière. Lorsque je vois arriver Wyden en courant, un grand sourire aux lèvres, je suis au paradis. Ça y est : les guerriers s'écartent et longent la rivière. Alors, à la suite de Thaym, je cours vers l'eau. J'ai pourtant l'impression que je ne l'atteindrai jamais, qu'elle est trop loin.

Je me jette au sol, sur la rive. Sans réfléchir, je plonge mes mains dans l'eau tendrement glacée. Mes paumes en coupe, je viens asperger ma figure, frottant, récurant durant l'espace de quelques secondes la crasse. Puis je bois, je bois, je bois.

La chaleur ambiante s'apaise lorsque l'astre solaire décline au loin. Il m'arrive de me demander ce que cela peu bien faire de le regarder en face, déjà dans l'espace, sans être protégée par l'atmosphère terrestre. Malgré le froid de l'Univers, est-ce que celui-ci nous brûlerait-il ? Ses derniers rayons disparaissent tandis que mes mains caressent le cuir devenu rêche de mon pantalon. De nombreuses égratignures le parsème. Mais n'est-ce pas ce que je voulais à une époque, « avoir des blessures de guerre » ? Je sais que les jours me séparant d'Ew York sont bien peu nombreux, et, malgré tout, cela me stress un peu je dois dire. Je ne sais pas exactement ce qui va se passer. Nous devons suivre le bras droit de Victhorion afin de découvrir l'emplacement du remède, certes, mais après ça ? Ce serait naïf de penser que nous allons seulement arriver là-bas, comme des petites fleurs, récupérer ce que nous convoitons et repartir tranquillement en direction de Westen sans accrochage. A une époque j'aurai pu penser cela sans soucis. Mais plus maintenant. Il faudra réfléchir à quelque chose de bien mieux construit.

Dans ma réflexion, mes doigts glissent, se promènent, courent où bon leur semble. Ils s'enfoncent alors dans la terre granuleuse et sèche malgré la rivière non loin. Le soleil l'a séparé de son eau grâce à ses durs rayons estivaux qui ne sont pas ralentis par le peu d'arbustes qui nous entourent.

Soudain, mes doigts rencontrent une surface lisse et chaude. Un frisson de désarroi me parcourt. Je retire brutalement ma main sous le coup de la surprise et tourne mon regard vers le sol.

- Je ne vais pas te manger tu sais.

Cette phrase souriante m'incite à lever le regard de sa main.

- Me regarde pas comme ça !

Ses lèvres aux courbes gracieuses laissent échapper un rire. Et je ne peux m'empêcher de sourire.

- Je te regarde normalement, m'exclamé-je en secouant la tête.

- Mais bien sûr et moi je suis un général de guerre !

Je secoue la tête en laissant échapper un rire. Cela est bien un humour de soldat ! Mais un pincement au cœur me fait frissonner : mon père était général de guerre. Quand je pense qu'il a été remplacé je-ne-sais-pourquoi par cette ordure de Victhorion.

- Pourquoi, mon regard te dérange peut-être ? je souris.

Il pose un doigt sur son menton recouvert d'une barbe de trois jours en fronçant les sourcils. Ses pupilles me mangent.

- Non c'est vrai, j'aime plutôt ça en fait.

Je voudrais lever les yeux au ciel en lançant une remarque cinglante, mais je n'en fais rien. J'hausse un sourcil, un sourire en coin.

- Ah bon ?

Son sourire s'agrandit et ma tête se penche sensuellement vers mon épaule droite. En l'espace de quelques secondes son visage prend un air de dégoût.

- Non, maintenant que t'as cette coupe t'es encore plus moche, s'exclame-t-il sarcastiquement.

Je prends un air choqué. Tandis je me mords la lèvre et que je lui donne un doux coup de poing dans la joue, son éternel sourire apparaît de nouveau.

- Sale type !

Il attrape ma main avant que je ne la replace le long de mon corps, puis d'un mouvement il me tire vers lui. Je me retrouve collée à lui, son bras droit autour de moi alors qu'il tient encore mon poignet entre ses doigts.

- Merci, sourit-il, c'est le plus beau compliment qu'on m'ait jamais fait.

Sa proximité me perturbe et sur le coup de cette infime colère, je me mords la lèvre en fronçant les sourcils. Mais face à ses yeux rieurs, je ne peux retenir mon sourire. Je sens son souffle chaud sur mon visage. Mon cœur de guimauve fait le grand-huit. Je ne saurai dire si je ventile ou si, au contraire, l'on m'a coupé la respiration. Mon regard est comme aspiré par ses yeux d'un gris orageux strié de blanc de parsemé de paillettes d'or. Vus de près, ils regorgent d'une beauté féerique peu comparable. Ils ne sont pas d'un gris terne et uni comme j'ai pu le penser. Je pourrai rester là, des heures, à contempler ces iris dans lesquelles je décèle cinq petites tâches beau marine.

Sa main a glissé sur mon épaule, m'arrachant à ce tableau qui ne pourrait être égalé par les plus grands peintres de l'Ancien Temps. Je me rends alors compte que sin visage n'est plus qu'à une dizaine de centimètre de moi. Mais qu'est-ce que je fais ? Je m'étais promis de ne pas m'attacher à lui ou à qui que ce soit. S'il lui arrivait quelque chose je ne m'en remettrai pas. Je me fais déjà assez de soucis à cause de Matt, je ne veux pas avoir encore plus peur. Je ne veux pas de ces sentiments. Je ne suis pas une petite fille faible.

Wyden sent mon trouble et me questionne du regard. J'ai mal. Mais je lui souris et je m'écarte doucement. Une rivière d'incompréhension coule dans ses iris si belles, puis celle-ci s'assèche pour laisser place à une émotion que je ne saurai décrit avec des mots. Mais je peux vous assurer que c'est un spectacle à fois magique et douloureux, et celui-ci est saupoudré d'acceptation. Je sais que quoi que je pourrais dire, cela serait d'une nullité absolue, mais ma bouche me démange.

- Tu me distrais beaucoup trop, je souris - tourmentée et à fleur de peau.



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