46. Un coeur au bord de l'explosion (part. 2)

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Je détaille chaque contour saillant de son visage doré. Puis, je me baigne dans son regard nuageux teinté d'ambre de ça et là. Ses yeux m'offrent toute la tendresse qu'ils ne sauraient contenir. Ils sont emplis d'une tristesse dont il souhaiterait me soustraire. Son entière attention est concentrée sur l'étude de mon visage et des moindres émotions qui pourraient me traverser. Il est attentif. Il guette, peureux, le spasme douloureux qui déchirera mon visage en fleuve larmoyant. Mais mes yeux ne s'embuent pas de larmes. Quoique humides et certainement bouffis, ils glissent sur sa peau tâchée par le soleil. Le contour brute et délicat de sa mâchoire. Le bord de son visage, à semi caché par quelques mèches rebelles qui n'ont pas été coupées depuis longtemps. Son front, quelque peu égratigné et plié dans une expression tendrement inquiète. La courbe gracile de son nez venant s'échouer sur ses joues rosies d'une douceur qui me donne envie d'y poser mes lèvres. Alors, je ne me plonge pas dans ses yeux bien trop émotifs et emplis d'amour pour que ma raison ne tienne le choc, et je soulève mes doigts, les approchant dangereusement de son visage sublime. J'hésite, comme m'apprêtant à toucher un fruit interdit, puis, sans que j'y réfléchisse, la pulpe de mes doigts se pose délicatement. Ma main, d'abord timide, effleure sa joue gauche, et, imprégnée d'un besoin irrépressible, se met à la caresser. Elle n'est pas aussi douce que ce qu'elle n'y paraît, mais n'en ait que mieux ainsi. Je ne l'aurais pas aimée autrement. La barbe qu'il s'est rasé il y a quelques jours grâce à un couteau se voit de nouveau. Son rasage improvisé a laissé une petite entaille encore légèrement rose que je survole du bout de mon doigt.

Je sens Wyden s'agiter, ou plutôt, son regard. Je lui jette un furtif regard. Il semble sur le point d'exploser. Se contrôlant. Comme étant retenu dans une bulle qu'il ne tarderait pas à percer. Un simple pas de côté la ferait éclater. Mais je sens son bras autour de moi, et sa main sur le haut de mon épaule, et je me délecte simplement de ce toucher chaleureux. Ma main s'est arrêtée et englobe sa joue, soupesant et accompagnant la tête de Wyden et toutes les pensées qui s'y entremêlent. Mon pouce seul tournoie sur cette peau scintillante au parfum attirant. Elle rencontre alors la commissure de ses lèvres. D'un toucher se voulant innocent, tire légèrement sur cette lèvre pleine et rebondie. Un murmure presque, un soupire, se glisse entre ces demies lunes rosées.« Tery ». Mais je n'y prête pas attention, trop occupée à admirer un visage dans ses moindres détails. Trop occupée à occulter le bruit de mon cœur brisé battant la chamade, comme entraîné dans un ultime combat. Je ne le regarde pas. Alors, dans un cri de détresse, un souffle glisse entre les filets de sa bouche. C'est un « je t'aime » s'envolant d'un coffre verrouillé, profitant d'une faille éphémère pour s'engouffrer dans le vrai monde où les mots sont destinés à être compris. Un cri du coeur. Un « je t'aime » peignant l'esquisse d'un cœur bouillonnant d'émotions et de sentiments, prêt à éclater. Des mots que je peine à croire et qui endorme la partie chargée de la réflexion de mon cerveau. Je ne raisonne plus. Enfin, je lève mon menton. Ses yeux sont noirs, ses pupilles dilatées me laissant entrevoir une part de son âme, partagées entre l'anxiété liée à ces mots inattendus et une envie profonde, langoureuse presque bestiale. Emotions terrées depuis bien trop longtemps dans ce cœur tendre et délicat. Son regard me transporte et je tourbillonne. Je dévie le regard, descendant quelque peu. Ses lèvres. A nouveau, mon corps entier est pris de tournis, suspendu à mes lèvres. Et aux siennes. Son souffle chaud et humide me caresse. Je sens ses doigts glisser sur ma nuque. Sa main partagée entre l'envie irrépressible de me rapprocher, et la raison de me laisser là où je souhaite être. Là où je souhaite être ? Plus près. Encore plus près.

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