31. La fuite (part. 2)

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Je soulève le loquet et laisse sortir Matt avant de fermer derrière moi. Nous avançons à pas de loup dans le couloir. J'entends les deux soldats discuter. Ils sont dans les vestiaires. Je me dépêche de sortir. Alors que je ferme la porte de la Caserne, je les vois arriver dans le couloir. Je n'en connais aucun. Mon regard croise les leurs. Je lâche la poignée en expresse, attrape Matt par la main et me mets à courir. Je me faufile dans l'étroit passage que j'empruntais avec Wyden. Je file tout droit, tourne et saute au-dessus de ce grillage familier. Je m'arrête brusquement. Un homme se tient devant moi. Je reconnais son visage et ses boucles lui tombant sur les yeux.

- Wyden, je n'ai pas le temps là.

Il n'a l'air de m'avoir écouté. Matt s'avance, faussement serein. J'entends un froissement et Wyden lève un papier à hauteur de mes yeux.

- C'est ça que vous êtes venus chercher ?

Je reconnais la présentation de ce document. La page manquante. Je lance rapidement ma main en avant pour l'attraper, mais il la retire à temps.

- Ce n'est pas le moment de jouer à cela, donne-la moi.

Je jette un bref regard en arrière. Personne.

- Me dîtes pas que vous êtes déjà remarqués, prolifère Wyden.

- S'il te plaît, je lui chuchote.

- A une condition.

- Je ne te demande pas de rédiger un contrat ! Allez !

Il ne dit rien et attend. Il nous ignore totalement. Je n'ai pas le temps de négocier avec lui !

- Explique.

- Je veux venir avec vous.

Il ne me fait pas de grand sourire, mais j'ai tout de même l'impression d'entendre un gamin qui demande à ses parents de l'emmener au travail avec eux. Je souffle.

- N'importe quoi, allez, donne.

Je tends la main et il la regarde en fronçant les sourcils. Puis il me regarde, moi.

- Je suis entièrement sérieux. Je sais pas ce que vous comptez faire une fois Dehors, mais je viens avec vous. Je vous serai utile, j'ai déjà fait pas mal de missions. Tu sais comment je me bats Tery et tu ne peux pas nier que je vous aiderais beaucoup.

Je ne réponds rien pour l'instant. Je réfléchis. Il est vrai que ses talents de soldats pourraient bien nous être utile. Je n'avais jamais imaginé qu'une autre personne pourrait nous accompagner et briser le duo que je forme depuis si longtemps avec Matt. Une personne supplémentaire nous assurerait plus de sécurité, mais elle nous rendrait plus visible. Quoique, c'est un soldat très bien formé et je ne l'avais pas entendu arriver. De toute manière, nous n'avons pas le temps de jacasser, ni de réfléchir plus. Je lance un regard à Matt. Il sait que je vais dire oui et il n'est pas trop enthousiaste. D'un regard je lui demande de me soutenir et il prend une grande inspiration en signe de défaite. Il accepte. Je me tourne alors vers Wyden et plonge mes yeux dans les siens semi-cachés par ses cheveux et la pénombre.

- C'est d'accord.

Un sourire éclaire son visage.

- Suivez-moi, annonce-t-il.

Il s'éclipse en trottinant sur bord ouest du stade. Nous avançons à sa suite. C'est alors que je remarque qu'il porte un sac à dos. Il savait que nous partirons ce soir et avait prévu de venir avec nous. Il a dû s'en douter lorsque je lui ai dit que j'arrêtais les entraînements nocturnes avec lui. En même temps je ne pouvais pas ne pas le prévenir, il serait venu sur le stade et nous l'aurions sûrement croisé. Cela aurait été pire. Le fait qu'il vienne avec nous est une bonne idée. Nous serons plus fort.

Nous slalomons dans différentes rues isolées. La lune ne représente alors qu'un fin croissant. Elle ne nous éclaire que très peu et heureusement puisque nous serons moins visibles. Je m'en veux de n'avoir dit aurevoir. Certaines personnes de cette ville m'ont tellement apportée. J'aurai aimé les prendre dans mes bras, ou ne serait-ce que leur laisser un mot. Et moi je pars comme cela, comme une voleuse. Je sens mon cœur se serrer. J'ai l'impression de les abandonner, en partant du jour au lendemain. Même si je sais que je suis pas le centre de leur vie, en aucun cas je le prétendrais. J'avale ma salive et souffle lentement. Avec l'air qui sort de ma bouche, je jette aussi ma culpabilité. Elle restera ici. Dans ces rues. Dans cette ville. Avec cette vie que j'ai mené quelques temps. Je n'ai pas le temps pour elle. Il fallait que je parte comme je suis arrivée. Brusquement et sans prévenir. C'est comme cela. Maintenant il ne faut plus que j'y pense. Il n'y a plus aucun intérêt. Je vais bientôt retrouver la forêt et courir dans ses bois. C'est cela qui m'attend, pas autre chose.

Nous arrivons prêt du mur. Une tour de guet la surmonte. Nous entrons sans le moindre bruit. Puis nous grimpons les marches, moi en premier. J'arrive enfin en haut, derrière Jonas. Je me gratte la gorge.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant