11. La Séparation (part. 3)

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Je me ressaisis et pose mes mains sur la grille. Malgré la force du courant, j'arrive à l'extirper de cette coulée d'eau. Je remonte vers ma précédente position en avançant sur les galets qui bordent la rivière. Les pierres sont bouillantes et me brûlent la plante des pieds. Arrivée à mon point initial, je plonge mes jambes dans l'eau, me rafraîchissant une dernière fois.

Une fois rhabillée, je me mets à marcher le long de la berge. Je ne sais pas si c'est la fatigue ou ma vue qui me joue des tours, mais j'ai l'impression que la forêt ne cesse de reculer. Elle ne me semblait pourtant pas si loin de la ville. Je secoue la tête.

-Concentres-toi, bon sang, je murmure.

Je souffle lentement et me remets à avancer avec plus d'entrain. Ce n'est pas si compliquer au fond. Il suffit de se trouver des motivations et de se persuader que l'on peut y arriver sans s'écrouler au sol. J'ai toujours voulu partir à l'aventure avec Matt, et cela avec tous les points négatifs que cela comporte. Alors, je me dois de continuer et de découvrir toutes les facettes de cette nouvelle vie, puisque je ne pourrais certainement pas revivre celle d'avant.

Je suis à l'orée du bois. Je me suis arrêtée devant ces hauts arbres. Dans le parc de Westen il n'y en avait pas autant. Ces feuillages laissent difficilement rentrer les rayons du soleil. Je me déplace à l'ombre d'un séquoïa en remontant le cours d'eau. Sous tous ces immenses arbres touffus pousse de multiples plantes de toutes formes.

Plus l'entrée de la forêt se fait loin, plus les herbes sont vertes. Il faut dire que les épais feuillages des tilleuls gardent admirablement la fraîcheur de la nuit. Je me demande combien d'espèces d'arbres m'entourent, il y en a tellement qui diffèrent. Petits comme grands, larges comme fins, ils ont cependant tous une même caractéristique : de belles feuilles vertes. Cela est certainement dû à toute l'eau qui circule à quelques mètres. Si tous les alentours se trouvent comme cela, alors où avons-nous trouvé toutes ces choses indispensables à la construction de notre ville ?

Je ne sais pas où aller, il n'y a aucun rocher en vue ou du moins aucun pouvant m'abriter pour la nuit. Et si je dormais à même le sol aux pieds d'un arbre ? Cela peut être une possibilité.

Mon ventre grogne. Durant un moment je m'étais habituée à la sensation de faim qui vous comprime le ventre. Je n'ai rien sur moi et je ne sais pas ce que je pourrais trouver ici. Je ne connais pas grand-chose, mais cela m'étonnerait de voir un plant de tomate au milieu d'une forêt. C'est sur cette remarque que je me mets à m'éloigner pour trouver quelque chose de comestible.

Je regarde autour de moi. Des herbes et des buissons vierges m'entourent, je grimace. Disons que je ne suis pas affamée au point de manger un arbuste, le bois ce n'est pas à ma sauce. Je me balade encore un peu et tombe sur d'autres plantes tout aussi verdoyantes. En remarquant que je ne vois plus la rivière, je commence à revenir sur mes pas.

Soudain, j'entends du bruit au loin. Je me fige, ce n'est pas moi qui ai fait cela. Je me retourne vers la provenance du son. Je ne vois rien, mais à plusieurs dizaines de mètres j'aperçois un buisson frémir. Je me doute bien qu'il n'a pas bougé tout seul et que ce n'est pas non plus lui qui grogne. Pour une fois, j'écoute les conseils que Matt m'avait donné. "Quand tu n'es pas armée, ta meilleure attaque est la fuite." Parfois, il vaut mieux préférer la fuite à son ultime combat. C'est pourquoi mes foulées prennent de plus en plus d'ampleur. J'ai beaucoup de chance car le bruit de mes pas est camouflé par la mousse qui loge sous mes pieds.

En quelques temps, je me retrouve assez écartée pour ne pas être en danger. Et cela, grâce à mes nombreux entraînements. Je calme doucement ma respiration quelque peu emballée tout en continuant de ralentir progressivement. Je débouche alors sur un espace spécialement lumineux. Plusieurs rayons de soleil éclairent une partie de la végétation poussant au ras du sol. Je m'avance dans cette zone-ci et lève la tête pour observer le ciel. La même teinte familière que dans mes souvenirs se peint devant moi. Cependant, lorsque je me rends compte de la manière dont a été créé ce puit lumineux, mon comportement change. Je baisse la tête. De multiples branches ont été sectionnées.

Je marche, la tête baissée, repensant à toutes choses. Perdue dans mes pensées, mes pas me conduisent inconsciemment à la rivière.

Je m'approche doucement de celle-ci et m'assois sur la rive. Je laisse le temps s'écouler à son rythme, comme la rivière, comme d'innombrables choses.

A présent, seul de bruit des flots incessant de la rivière envahit l'espace. Je me retourne et observe une énième fois les environs. Quelque chose de rouge attire mon attention. Je m'approche et découvre un buisson similaire à tous ceux que j'ai pu voir jusque-là, cependant, celui-ci est recouvert de baies. Elles ne sont pas plus grosses qu'un caillou.

J'en cueille une poignée et les observe. Je n'ai jamais vu de chose identique jusque-ici. Est-ce comestible ? Je pense que oui. En tout cas, mon ventre ne veut rien savoir et ne demande qu'à être remplit. Je presse une baie entre mon pouce et mon index et l'apporte à ma bouche. Le jus est acide et la texture bizarre. Il y a beaucoup de graines à l'intérieur comparé à la chair. Sans réfléchir plus longtemps, je mange le reste des baies présentes dans ma paume.

Mes mains sont plongées dans l'eau, laissant partir les résidus rougeâtres présents quelques secondes au part-avant. Ma bouche est pâteuse et un goût désagréable s'y trouve. A l'aide de mes mains, je prends alors de l'eau dans ma bouche à plusieurs reprises, pour ensuite la cracher. Je grimace. Demain, j'essayerai de trouver quelque chose de mieux. Je bois rapidement et me remets debout. La nuit a déjà commencé à tomber. 

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