Epilogue Partie Seconde

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Il n'est pas de vertu que la calomnie ne sache atteindre.

William Shakespeare, Hamlet



Westen, 15 mars 2175

Davv, général de Westen

Dès l'aube, une lourde atmosphère pesa sur lui. Alors qu'il continuait sa course difficile entre les arbres, il lui semblait qu'une cruelle main souhaitait le pousser au sol. En effet, l'air était encore chargé d'eau, vestige du déluge qui avait assommé la terre cette nuit. Encore trempé, les cheveux auburn du général ne cessaient de se plaquer contre son front et de lui venir dans les yeux. Il n'essayait plus de les repousser, sachant pertinemment qu'ils se replaceraient en quelques secondes sous l'effet des sursauts causés par chacun de ses pas. Il se réconfortait dans l'agréable sensation de cette terre moelleuse imbibée d'eau sur laquelle ses chaussures sautillaient.

Derrière lui, il sentait la joie de ses hommes. Ils étaient heureux de se savoir si proches de chez eux. Même si le trajet n'avait été que de deux jours, le mauvais temps avait fait rêver ses guerriers à une grande serviette chaude qui pourrait enfin les extirper de leurs tissus inondés. Et lui-même aimait s'imaginer dans sa maison, au chaud, sec et parfaitement propre. Cependant, à l'inverse de ses hommes, il ne souhaitait nullement s'attarder chez lui, pressé de retrouver une nouvelle maison dans une nouvelle ville. Il en avait fait la promesse.

Bientôt, ils arrivèrent devant les hauts murs familiers de la ville. Westen se dressait, accueillante, devant eux. Le général n'eut point besoin de frapper à la lourde porte, elle s'ouvrit d'elle-même en le voyant approcher. Il entra. La porte d'acier se verrouilla dans un crissement désagréable.

En l'espace d'un instant, il se trouva à nouveau prisonnier de ses longs murs circulaires. L'envie de quitter ces lieux lui tordit l'estomac plus qu'auparavant. Il était habitué à ce sentiment d'enfermement, mais jamais il n'avait été si fort. Il avala difficilement le nœud qui s'était formé au creux de sa gorge et inspira profondément. Oui, c'était certain, il devait quitter cet endroit. Il ne voulait plus habiter dans cette ville.

Son corps massif se détendit, déterminé à obtenir ce qu'il désirait. Il savait qu'il l'aurait. Il avait l'intime conviction que plus jamais il n'aurait à vivre encastré entre ses murs imposants. Malgré cela, il ne réussit à dissiper l'anxiété qui voguait dans ses veines.

- Le Conseil vous attend, général, l'informa le garde qui l'avait laissé entrer.

- Bien.

Il salua ce dernier, qui lui rendit son sourire. Puis, Davv avança dans ce long corridor. Sous ses pieds, la lumière vacillante des lampes à huile se reflétait dans les carreaux blancs couvrant le sol. Levant ses yeux émeraude, il se mit à observer ce long couloir austère qu'il connaissait par cœur. La familiarité que le général avait développée à l'égard de ces murs blafards avait su atténuer l'angoisse qu'ils lui procuraient autrefois. Alors, accompagné d'une respiration calme, il se dirigea vers la grande salle.

D'un geste assuré, il poussa les battants de la salle du Conseil suivi de près par ses guerriers. Il se posta, droit, au bout de l'allée, face à l'Aîné. Il salua le Conseil d'une révérence, rapidement imité par son unité.

- J'espère que le voyage a été bon, formula Tirihon, soucieux de l'état de son armée.

- Légèrement embêté par les intempéries, mais fort correct.

- Malgré tout, vous parvenez à arriver en avance, sourit l'Aîné.

Le général acquiesça. Pour une fois, il n'avait pas souhaité s'arrêter pour la nuit, ne voulant pas perdre de temps. Arrêtant ces politesses, Tirihon, chargé de la Défense, demanda un compte rendu de la mission accomplie. Après un rapport clair du général, chaque guerrier y ajouta son expérience personnelle. Lorsque le Conseil exigea qu'il avait eu assez de détails, il les libera.

Alors que tous marchaient enfin vers la sortie, Davv ne bougea pas. Il resta debout, face au Conseil. Quand le général se retrouva seul dans la salle, l'Aîné l'interpella.

- Cela fait près de trente années que j'étudie, que j'obéis et que je me bats pour vous. Je vous ai toujours apporté les informations que vous désiriez, dans les délais que vous m'accordiez. Je ne vous ai jamais trahi ni mis en mauvaise posture. Me trompé-je ?

- Assurément pas. Où souhaitez-vous en venir ? Venez-en au fait.

Davv avait longtemps travaillé pour la Conseil. Il savait parfaitement se tenir, et, lorsqu'il parlait, il possédait une prestance que tous les petits garçons lui enviaient. Il inspira lentement, les bras croisés dans le bas du dos.

- Je pense avoir servi l'armée suffisamment longtemps. Mes hommes ont besoin de renouveau. Un nouveau général permettrait de montrer aux guerriers que les choses évoluent, et qu'eux aussi ont une chance de s'améliorer et d'obtenir un poste plus important.

Tandis que quelques membres du Conseils semblèrent y réfléchir, l'Aîné fronça les sourcils.

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