33. Il sont là (part. 2)

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- C'est pas en remuant comme ça que tu vas dormir.

Il a raison, mais juste pour qu'il sache que je fais ce que je veux, je change de position. Il me regarde faire et je sais qu'il sourit. Je change de position. Tandis que je l'ignore, il s'assied à côté de moi. Je lui tourne alors le dos. Je l'entends respirer dans mon dos. Je ferme les yeux en essayant de me détendre et de ralentir les battements de mon cœur. Mais le sommeil ne daigne toujours pas pointer le bout de son nez. Je mets cela sur le dos du remède, mais en réalité la présence de ce grand brun à quelques centimètres de moi me perturbe tout autant. Mes doigts caressent mes Etoiles, je m'en rends compte seulement lorsque je commence à ressentir une crampe dans mon bras.

Après de vains essais, je m'allonge sur le dos dans un soupire d'agacement. Je me crispe légèrement suite à mon initiative puisque maintenant mon épaule touche son bassin. Je soupire et me détends en pestant contre moi-même. Ce n'est rien du tout. Il me lance un regard.

- T'arrives pas à dormir ?

Mes yeux imaginent que les branches se rétractent et que, enfin, je puisse voir les étoiles.

- La seule chose qui m'attriste dans cette forêt, c'est que l'on ne peut voir les constellations.

- Tu connais leurs noms ?

- Non, mais je me plais à les imaginer, je souris.

Cela fait si longtemps que je ne me suis pas allongée dans notre jardin, à Westen, pour les admirer. Je me rappelle les nuits entières que je passais à les contempler. Je me souviens à peine de leurs formes, leurs alignements, leurs courbes.

- Tu devrais vraiment t'endormir, je suis sérieux. Qu'est-ce qu'il t'empêche de trouver le sommeil ?

- Trop de choses. Cette expédition, le remède...

« et toi » je me retiens d'ajouter. Je ne le regarde pas, mais je sais que ses iris gris sont posés sur moi. Je les sens. Dans un mouvement détendu, il me prend la main et le ramène sur sa jambe, la serrant entre ses doigts plus grands que les miens.

- Y aucune raison que ça te stresse, vraiment, tu verras que tout ça sera terminé bien plus vite qu'on le croit.

Il n'ajoute pas que tout se terminera bien, puisqu'il sait, comme chacun d'entre nous, que rien ne se termine toujours parfaitement bien. Il y a toujours des hauts et des bas. Des bonnes et des mauvaises nouvelles. Et chaque choix que nous faisons les influence.

La chaleur de sa main se répand dans mon bras, puis détend tout mon corps. Je sais que je peux compter sur lui aussi. Je ne suis pas seule dans tout cela. D'autres problèmes concernant Matt et son Examen commencent à faire leur chemin dans mon esprit, mais je ne veux pas d'eux. Je les bloque. Je m'imagine les astres, paisibles qui baignent de monde dans une clarté effacée. Mais cela ne suffit pas à arrêter ces pensées. Lorsque j'ouvre les yeux, seuls les feuillages arrêtent ma vision. Alors je me concentre sur Wyden et sa main. Je ne peux pas voir les étoiles, mais j'ai toujours les miennes. Mes six Etoiles. Mes Etoiles Diseuses. Joyeuse, Courageuse, Force, Amour, Chasseuse, Guerrière : tels sont les noms de tes Étoiles. Tes Étoiles Diseuses. Quand tu seras triste, Joyeuse sera là ; quand tu éprouveras de la peur, Courageuse la remplacera ; quand l'ennemi te croira faible, Force l'en dissuadera ; quand ton cœur aura froid, Amour le réchauffera ; quand une créature t'échappera, Chasseuse la traquera ; Et quand tu ne sauras plus qui tu es, Guerrière te le rappellera. Je me répète cela en passant mes doigts sur ma peau boursouflée, sur mon épaule gauche. Joyeuse, Courageuse, Force, Amour, Chasseuse, Guerrière.

Joyeuse, Courageuse, Force, Amour, Chasseuse, Guerrière.

Joyeuse, Courageuse, Force, Amour, Chasseuse, Guerrière.

Joyeuse, Courageuse, Force, Amour...

Peu à peu, elles m'emportent avec elles. Et je sombre enfin dans un court sommeil dénudé de rêves.



Je suis accroupie, surveillant l'activité des guerriers de derrière un rocher. Ils s'activent à retirer les deux tentes dressées. Elles sont déjà vides. J'aperçois Victhorion en pleine discussion avec un autre homme dont ses cheveux penchent vers le poivre et sel. Je le scrute. Il ne regarde pas l'homme qui se tient à ses côtés alors même qu'il semble lui parler. Il se tient droit et regarde sa section remuer devant lui. Son visage froid et sans expression ne m'avait étrangement pas manqué. Ses yeux d'un bleu polaire sont à l'aguet. Et là quelque chose me saute aux yeux. Tous les guerriers sont en tenues caractéristique de Westen. C'est totalement évident, nous sommes d'accord. Et c'est pour cela que c'est important. Nous, ne le sommes pas, mis appart Matt. Jonas me coupe dans ma réflexion en me signalant que nous devons nous éclipser. J'hoche la tête. Nous retournons sur nos pas en faisant attention à ne pas être vus.

Une fois de retour à notre point de rendez-vous, nous rejoignons les deux autres hommes. Nous faisons un débrief rapide.

- Un autre homme important, plus âgé que Victhorion était à ses côtés, je dis à Matt.

Comprenant ma question, il hausse un sourire pour plus de précision sur ce que j'appelle être un « homme important ».

- Assez important pour avoir une tente.

Peu de guerriers ont des tentes durant les missions, je l'ai appris de mon père. L'idée d'avoir une tente durant une mission ne viendrait jamais à l'esprit d'un sergent comme Matt. Celui est d'ailleurs entrain de trier les possibilités.

- Cela doit être son bras droit, Artenthus, déduit-il.

- Vous avez tous des prénoms chelous dans votre ville ? Victhorion, Artenthus, Mattelos, Tirihon... Il y a que toi, Tery, où ton prénom sonne plus de Lowick, remarque Wyden.

- Comment connais-tu Tirihon ?

Matt le regarde avec suspicion. Wyden le regarde dans les yeux et affirme que les membres du Conseil sont connus par les villes voisines. Il dit cela avec une dérision, comme si cela couler de source. Mais moi, je ne savais même pas s'il y avait des villes autour de la nôtre. Alors, même si ce n'est pas moi qui ai posé cette question, je n'imaginais pas que tous les habitants de Lowick connaissent les noms des membres du Conseil. Moi-même j'ai mis un peu de temps à les assimiler. Puisque lors des réunions civiles, pour le peu de fois où cela arrive, l'Aîné est bien souvent le seul à parler. Donc quand on est enfant, on ne pense pas à retenir que le membre chargé du devoir Défendre s'appelle Tirihon et qu'il trône sur telle ou telle chaise sculptée.

Enfin voilà, le résultat reste le même de toute manière.

- Si nous devons à nouveau être amené à tuer des guerriers, n'abîmez par leurs uniformes. Il nous en faut au moins deux, pour vous, j'annonce en désignant Jonas et Wyden.

- T'as raison, ça sera beaucoup plus discret, décrète Jonas. Ils doivent tous se connaître, mais de loin, on reconnaît un uniforme, pas quelqu'un.

J'hoche la tête et ouvre mon sac. J'en sors ma tenue de guerrière. Cela me rend un peu nostalgique. J'ai l'impression que cela fait une éternité que je ne l'ai pas mise. Comprenant mon intention, Matt tourne les deux soldats dos à moi. Puis, il se place derrière eux pour surveiller qu'ils ne tournent pas la tête, une main sur l'épaule de chacun.

- Attention au premier de vous deux qui se retourne.

Je pense qu'ils ont compris le message là. Je rigole en me disant que Jonas subit cela alors même qu'il n'est pas attiré par les femmes. Je me tourne tout de même, voyant en même temps si quelqu'un arrive même si ça serait une situation extrêmement gênante. Je retire ma veste ainsi que tout l'uniforme qui faisait de moi un soldat des forces de Lowick. Puis, j'enfile le pantalon de cuir et le débardeur kaki. Puis, en dernier, ma veste. Je sors ma queue de cheval de mon haut et la laisse descendre dans mon dos.

- Nous y allons ?

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant