Nous sommes assis autour d'une petite table en bois brun clair, qui se situe à l'opposé de la Bibliothèque et près de la cuisine. Notre cuisine n'est pas vraiment une pièce fermée puisque deux embrasures sont creusées dans ses murs. Une petite, de la taille d'une porte basique, du côté des escaliers. Et l'autre, beaucoup plus grande, mène directement à notre emplacement actuel, puis à la porte d'entrée.
Nous discutons tranquillement tout en mangeant le repas que j'avais préparé ce matin. Ma fourchette se plante doucement dans un morceau de courgette, puis elle l'amène à ma bouche dans un mouvement mécanique.
J'ai toujours eu du mal à comprendre tous ces mouvements mécanisés que nous avons, comme respirer, cligner des yeux, poser un pied devant l'autre durant une marche. Je me demande si c'est notre corps qui n'en fait qu'à sa tête, ou si ce sont des gestes qui se sont ancrés dans notre mémoire et notre quotidien au fil du temps. Mais alors, à la naissance, pourquoi un enfant arrive-t-il à respirer normalement, machinalement alors qu'il n'a encore aucune expérience en la matière ? Encore un mystère de la nature.
- Tu veux toujours que je t'apprenne de nouveaux mouvements ?
Matt me sort de ma rêverie, je cligne quelques fois des yeux.
- Mais bien sûr, grand frère ! dis-je ironiquement.
Il rigole à ma remarque. Il empile nos assiettes et s'apprête à partir les mettre dans l'évier. J'attrape nos couverts ainsi que nos verres vides et suis Matt jusqu'à la cuisine tandis qu'il me parle.
- A ce que je vois, cette partie t'a marqué, ricane-t-il.
- Un peu, je dois l'avouer que je ne m'y attendais pas, simplement.
J'hausse légèrement les épaules tandis qu'un sourire vient grandement étirer mes lèvres. Nous posons les affaires dans l'évier. Certes, nous avons l'eau courante, mais nous avons un débit très faible et qui nous coûte une petite fortune. Et, bien sûr, ce n'est pas de l'eau potable. Mais, cela fait longtemps que les différentes générations ont été habituées à boire de l'eau non-potable. Puisque, d'après les dires, les outils pour purifier l'eau ont très vite disparu après l'épidémie qui ravagée le monde, dont cela fait maintenant un siècle.
- J'ai fait cela pour te protéger Ty. Je n'aime pas que les autres femmes te traite avec mépris pour seule raison que tu vie avec un homme qui n'est ni ton mari, ni de ta famille. Je déteste l'idée que l'on puisse te voir d'une manière aussi ignoble, alors que ce n'est nullement le cas. Et je détesterai que tu doives me quitter pour vivre avec un autre qui t'aura mis la bague au doigt, et cela pour quoi ? Pour rentrer dans le moule, et te façonner à l'image des autres : des femmes soumises.
Il s'approche de moi et me prend la main.
- Non, tu n'es pas faite pour rentrer dans un moule. Tu as un tempérament beaucoup trop vif et libre pour cela, et jamais rien ne pourra te changer un jour.
Il place ma paume sur sa joue en fermant les yeux. Une vague de chaleureux bonheur vient émerger de mon ventre. Matt me rend heureuse, chaque parole qu'il prononce est comme un réconfort, une douce promesse toujours tenue. Il est si doué avec les mots et les émotions alors que moi je n'y connais rien. J'aimerai tellement lui partager la même émotion, les mêmes mots choisis avec autant de finesse. Mais je n'y arrive pas, je n'arrive jamais à trouver les bons mots, je ne suis pas bonne en expression orale. Cependant, je sais qu'il est conscient de cela et qu'il n'attend pas de moi que je lui fasse un long discourt aussi développé que ceux qu'il sait faire. Il trouver les bonnes paroles, les bons lexiques, chaque mot est choisi avec perfection et rien n'est laissé au hasard. Et tout cela est inné chez lui.
La seule chose sensée que j'arrive à sortir n'est autre qu'un "merci". Mais ce n'est pas un simple merci, non, il exprime bien plus que cela. C'est un merci joyeux. Un merci triste. Un merci réconforté. Un merci enchanté. C'est un "merci pour tout l'amour que tu me donnes", mais aussi un "merci de ton soutient envers une personne qui s'attire souvent des ennuis". C'est un "merci de ta présence depuis toujours" et un "merci de ta fidélité et de ta solidarité". C'est aussi un "merci de ta protection, même si parfois elle est un peu excessive". Mais, c'est surtout et avant tout un "Merci d'exister Matt, réellement, merci d'être là et en vie".
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Guerrière
Science Fiction2183, Westen : 2 751 habitants Cela fait maintenant un siècle qu'un virus a contaminé la majeur partie de l'espèce humaine, les mutant en créatures ignobles. Westen, ville entourée d'immenses murs la protégeant, est dirigée par un système sexiste et...