19. Une Nouvelle Maison (part. 2)

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Je m'approche de lui, l'espoir coulant vivement dans mes veines. Il serait souhaitable que ce ne soit pas le cas, je sais, cela me ferait un choc moins important si la réponse était négative. Mais je n'arrive pas à refréner cet élan.

- Avez-vous examiné ma proposition ?

- J'ai passé ma journée entière à cela, figures-toi, il se pince le nez. Je me demande comment Westen a pu concocter ce genre de baume, il ne nous en a jamais parlé.

- Il est évident que Le Conseil ne vous en dise nullement, si vous êtes ennemis au point d'être dans cette pseudo guerre.

Mon ton ironique le fait souffler.

- Une pommade préparée avec autant de soins que celle-ci ne se prépare point en quelques années. Il faut des plantes spécifiques qu'il faut cultiver, sécher, préparer. Je ne sais pas la composition exacte, mais je tiens à la connaître d'ici peu. Or, nous étions alliés jusqu'en 2175 et à cette époque-là il est très probable qu'il avait déjà commencé le projet qu'est ceci.

Il sortit de sa poche la petite boîte en bois que je connais si bien. Il la dépose sur la table métallique qu'il approche de mon ami. Gabany retire le bandage tâché de multiples auréoles sanglantes et dépose une compresse sur la plaie. Je me force à regarder cette fois-ci. La blessure est striée de fils tenant sa chair à peu près en place. Cependant, j'ai la mauvaise impression que cela risque de craquer à tout moment. Il désinfecte la plaie avec le même alcool et me fixe.

- Tu es sûre que ce baume ne risque pas d'empirer son état ?

- Non.

Je mets toute ma volonté de persuasion dans ce mot, autant pour lui que pour moi. Je ne suis plus sûr de rien. Et si il s'était infecté durant notre voyage ? Et si il avait pris un coup de chaud et qu'il n'était plus bon ? Et si... Je me force à ne plus faire d'hypothèse. Comme disait ma mère – citer une de ses phrases me répugne, avec des 'si' on referait le monde. Même si je ne l'avouerai peut-être jamais, elle avait bien raison sur certaines choses.

Après une hésitation, le médecin soulève le couvercle et, armé de ses gants, il plonge ses doigts dans la pâte verdâtre et peu rassurante. Il vint en étaler une fine couche sur l'entaille rougeoyante. Les sourcils froncés il s'acharnait à lui faire épouser les formes grotesques de sa chair découpée. Alors qu'il vient d'étaler une fine couche et qu'il s'apprête à fermer ma précieuse boîte, je l'interromps.

- Mettez une plus grosse épaisseur.

L'autorité qui perce dans ma voix, trop involontaire, le fait hésiter. Il semble réfléchir. Gabany augmente la quantité de pâte sur le ventre de mon ami.

- Il faut quand même que j'en garde pour l'étudier, ajoute-il comme pour se justifier de ne pas y mettre tout le pot.

Une fois un bandage propre enroulé sous l'estomac, je suis enfin soulagée. Peut-être qu'il s'en sortira en fin de compte. Lorsque j'étais allée voir Gabany, la veille, il m'avait dit qu'ils n'avaient jamais eu de soins cicatrisant comme celui-ci. Alors, j'avais été heureuse d'y avoir enfin pensé.

- Theresy, tu ne peux pas continuer à dormir sur cette chaise chaque nuit.

- Bien-sûr que si, voyez par vous-même.

Il me regarde pendant quelques secondes silencieuses, réfléchissant, et ouvre à nouveau la bouche.

- Que dirait Matt ?

Je tente de répondre mais les mots restent bloqués dans ma gorge et je ne fais que bafouiller. C'est fou comme une phrase peut vous faire perdre vos moyens.

- Tu sais très bien ce qu'il dirait alors arrête d'être têtue et laisse-moi te faire une proposition honnête, comme je ne dis rien il continue. Je te propose de venir occuper l'ancienne chambre de ma fille, jusqu'à ce que tu trouves une meilleure situation disons, et en échange tu viendras m'aider, ici, après tes cours.

Il observe ne serait-ce que les moindres réactions qui peuvent me traverser.

- Je n'ai pas de connaissances en médecine, je soupire répétant cette phrase pour la énième fois.

- Tu n'a pas besoin de savoir ce qu'est un neurone ou comment marche le pancréas pour me faire passer une pince ou un scalpel. En plus, tu pourras apprendre certains trucs utiles, fais-moi confiance.

Je ne sais quoi répondre. Le plus gênant n'est pas de rester chez un inconnu puisque tout lui est inconnu dans cette ville, mais de devoir laisser Matt seul, ici. Devinant mes pensées dans mon regard certainement trop appuyer sur son corps étendu, immobile, il s'empresse d'ajouter :

- Sans vouloir te vexer, que tu sois là ou pas si il doit y passer ça restera le cas. Et des infirmiers passent sans arrêt dans ces couloirs.

Ce qu'il me dit ne me rassure absolument pas. Mais je dois reconnaître que la fatigue se fait de plus en plus pesante.

- J'accepte votre proposition.

Il hoche la tête à la manière que lui a enseigné son métier, neutre et ferme.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant