48. Méandres et tourbillons intérieurs (part. 2)

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- Vous étiez partis depuis longtemps, je commençais à m'inquiéter, rouspète Shesy dans l'esquisse d'un sourire.

- Nous avons eu un petit contretemps, expliqué-je.

C'est alors que je vois Matt un peu en arrière. Mon regard croise le sien et je m'empresse de le détourner, regardant Wyden par réflexe afin de camoufler mon inconfort.

- Petit comment ? s'enquiert Shesy.

- Petit comme un bras droit qui donne le remède à un homme d'une ville du Sud-Ouest afin de le mettre en sécurité, décrit mon co-équipier.

Je fronce les sourcils. Ne l'a-t-il pas cru ou essaie-t-il de cacher cela aux autres ? Il perçoit rapidement mon désarroi.

- Vous l'avez rattrapé j'espère !

Un silence indicatif s'étale et la petite blonde n'a pas de mal à conclure.

- A vrai dire, une précision s'impose... Nous avons parlé avec Artenthus, et il semblerait que nous nous soyons légèrement trompés...

- Comment cela ? Explique, s'étonne Thaym.

- Il n'y a pas de remède, je lance de but en blanc.

Silence dans l'assemblée. Enfin, si l'on ne compte pas les hoquets de surprise et la voix de Matt qui participe enfin.

- Ce n'est pas possible, il a dû vous mentir, vous vous trompez sûrement, je...

- Dis tout de suite que nous sommes débiles et que nous croyons le premier venu.

Sa remarque m'agace encore plus. Nous ne sommes pas bêtes, il n'a pas inventé cela pour nous manipuler. Il pensait que j'allais lui trancher la gorge, il ne se serait pas détendu si rapidement si il y avait bel et bien un remède. Voyant ma colère apparente, l'expression de Matt change et il semble triste.

- Ce n'est pas ce que j'essayais de dire Tery...

J'ignore son semblant d'excuse et me plonge dans mes pensées tandis que Wyden, ne me laissant pas le temps de pester, explique les détails de notre altercation. J'en ai vraiment assez de tout cela. J'aurai tellement aimé avoir une vie simple. En fait non, je retire cette pensée. Je ne me serai jamais contenté d'une vie basque à nourrir un mari que je ne supporterai pas et à élever des enfants bien trop bruyants. Même si je ne comprends plus rien et que j'ai du mal à assembler les pièces du puzzle, c'est cette tension qui me maintient encore en vie. Il m'en manque seulement encore quelques-unes et j'ai l'horrible que ce sont des pièces cruciales, le genre qui révèlent un deuxième dessin extrêmement complexe au dos du puzzle. Mais j'ai peur qu'une fois trouvées, ces pièces m'indiquent qu'il en reste encore une multitude d'inconnues. Peu importe. Il faut bien commencer quelque part. Je dois découvrir pourquoi le Conseil a menti et ce qu'il cherchait réellement. Et puis, si le Conseil nous traque-t-il réellement Matt et moi, ou est-ce seulement Matt à cause de son échec, heureusement, lors de son Examen ? Et puis, s'ils nous attrapent, que feront-ils de nous, nous tueront-ils ? Je me demande bien ce que nous pourrions faire pour arrêter cette course poursuite incessante. Toutefois, une chose est sûre, la seule personne qui a toutes ces réponses et qui me les livrera peut-être n'est pas loin. Il suffira de pousser un peu la chose.

Tous sont en plein débat, ne sachant pas vraiment quoi faire. Tout laisser tomber, continuer, chercher à découvrir la vérité ou bien quoi ? Peut-être ont-ils oublié que toute cette expédition n'avait qu'un but égoïste : sauver note peau à Matt et moi. Voilà à quoi mène l'égoïsme, me murmure une petite voix que je fais taire. Je n'ai obligé personne à venir. Eux aussi détestent le Conseil et voulaient avoir le plaisir de leur voler quelque chose de précieux. Et, je remarque qu'ils se mettent tous en quatre pour réfléchir à une solution alors que les deux vrais concernés n'écoutent que d'une oreille toute leur discussion. Et je me dis que ce sont certainement ce que l'on pourrait appeler de vrais amis. Mais alors, pourquoi ne les considéré-je pas comme tel ? Jonas était le seul avec lequel je me sentais vraiment bien, comme on peut être proche d'un ami. Bien évidemment, je ne compte ni Matt ni Wyden en pensant cela. Ils ont tous les deux... un statut particulier.

Je souffle. Je pense qu'il faut surtout que j'arrête de me poser des questions. Si certaines me viennent, je ferai mieux de les poser aux autres.

- J'ai peut-être une idée.

Les regards se tournent vers moi.

- Développe la guerrière, demande Thaym.

- Mais vous devez me faire confiance. Et, ne vous en faîtes pas, ce « me faire confiance » consiste juste à rester à l'écart de la section sans prendre le moindre risque.

- Me dis pas que tu as envie de retourner de frotter au bras droit, toute seule et en pleine nuit, s'offusque Wyden.

- Pas totalement.

- C'est le général que tu veux voir, je me trompe ?

Je ravale une réplique sanglante, et acquiesce calmement. C'est bien plus simple pour moi de le détester, cela m'empêche de trop y réfléchir. Et d'avoir mal, me soufflé-je à moi-même. Et je n'ai pas le temps de réfléchir à Matt en ce moment. Plus tard, plus tard.

- C'est inconscient, s'engage Thaym.

- Laissez-la faire ce qu'elle veut. Elle est assez grande pour déterminer ce qui est faisable et impossible, conclue la jeune femme.

Je la remercie d'un sourire, qu'elle me rend.

- Si vous ne me voyez pas revenir alors que la section a repris le pas de course à l'aube, faîtes sans moi. Ne cherchez pas à savoir ce qu'il m'est arrivé ni où je suis, c'est d'accord ?

Matt ne répond pas, attendant son tour. Thaym acquiesce, la mâchoire serrée.

- Entendu, décrète Shesy.

- Parfait, je soupire comme libérée d'un poids.

- Tu ne peux pas me demander ça.

Mes épaules, alors relâchées, se tendent à nouveau.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant