9. Haineux ou Chamboulé (part. 3)

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- Arrête avec tes mots de réconforts ! J'en ai marre, marre d'entendre toutes ces choses embellies. Tous ces mensonges enrobés de cotons, d'étoffes brillantes comme si tout était beau et que tout allait bien, dénigre-t-il. C'est faux ! Tout est compliqué par ta faute, ta seule est unique faute ! Il a toujours fallu que tu gâches tout, toujours, d'abord avec Ashur puis avec les parents et maintenant cela, crie-t-il en désignant d'un geste brusque la porte par laquelle les guerriers sont précédemment sortis. Si tu, avais su respecter les règles, si tu savais garder ta langue. Et si tu savais tout simplement rester à ta juste place, en tant que femme. Pourquoi serais-tu privilégiée comparé aux autres centaines de personnes du même sexe que toi ? Pour aucune raison valable à mes yeux comme à ceux du Conseil, crache-t-il.

Mes pieds sont enchaînés au sol et ma vue s'est embrumée. Voyant mes mains prises de violentes secousses, je me surprends à croiser mes bras sous ma poitrine et à serrer les poings. Cela tandis que Matt me jette un regard plus noir que la nuit, à en faire pâlir les plus courageux, puis il monte rageusement dans sa chambre sans demander son reste.

Ma gorge se noue, sectionnant toute respiration. Je mords profondément ma lèvre inférieure, empêchant tous sanglots de quitter l'antre de ma bouche alors que celle-ci tremble. Ce n'est pas la première fois que nous nous disputons, mais c'est certainement la toute première où Matt réagit et me traite de cette façon : comme une moins que rien ; comme une femme.

Chaque parole était un poignard. Chaque allusion au passé était une douleur supplémentaire. Chaque regard était une lame parfaitement épuisée. Je suis consciente qu'une partie m'a blessée puisque cela était véridique, mais je ne comprends point le reste. Je n'imagine pas qu'il puisse penser toutes ces choses, cependant... Je ne peux m'empêcher de penser comme lui. J'y suis pour quelque chose, et cela depuis toujours. C'est de ma faute si Ashur est parti. C'est de ma faute si Matt ne reverra probablement plus jamais son meilleur ami. C'est de ma faute si les parents de Matt sont partis. Qui voudrait d'une petite orpheline à l'esprit différent ? La différence n'est pas quelque chose de bien chez ces gens-là. C'est de ma faute si Le Conseil en a après nous. C'est de ma faute si tous ces malheurs lui sont tombés dessus. Qui voudrait d'une fille comme moi ? Je me demande pourquoi mes parents ne m'avaient pas déjà déposée dans un Foyer à l'époque. Je me souviens de ma mère, elle était si distante, si froide avec moi. Je ne cesse de penser que c'est de ma faute, elle aurait préféré avoir un garçon, comme Matt et non comme moi. Elle l'a toujours préférée. Elle ne m'a jamais aimée. Si mon père n'était pas là elle m'aurait sûrement échangée à la naissance.

Mes jambes commencent elles-aussi à se fragiliser. Je me laisse glisser contre le mur, toujours les bras encerclés autour de ma taille. Une larme roule sur ma joue et je ne fais rien pour la réceptionner. Celle-ci est bien assez vite suivit de multiples sœurs, toutes d'identiques perles d'eau salé.

Je déteste la douleur mentale, tout comme je détestais ma génitrice. Comment une mère peut-elle aussi glaciale et méchante envers son unique enfant ? Je la déteste de n'avoir su m'aimer, de m'avoir haï dès lors que j'ai vu le jour, de n'avoir chercher à me connaître ou même à prendre soin de moi.

J'essuie rageusement la dernière larme qui dévalait mes joues. Je me lève rapidement et lâche mes bras le long du corps. Je déteste pleurer, je déteste être faible. Et cela d'autant plus si ce doit être ma dernière soirée en vie.

Je m'avance vers la cuisinière et me baisse pour vérifier qu'il y a encore assez de bois. J'opine tandis que je me mets à la recherche d'aliments pour le souper. Et bien oui, il faut forcément manger à un moment ou à un autre. En plus de cela, il va bientôt faire nuit et croyez-moi cuisiner dans le noir n'est pas vraiment pratique.

Cela fait ce qu'il me semble une éternité que je suis allongée dans ce lit. Je n'arrive pas à trouver le sommeil. Les journées comme les nuits commencent à se réchauffer, et moi j'en subis les conséquences. J'ai chaud. J'ai froid. Je suis fatiguée. Je suis anxieuse. Et surtout je pense trop. La lune éclaire faiblement la chambre et moi je suis allongée sur le dos.

Mes malheureuses couvertures ont été jetées au sol par ma propre main. Je n'en peux plus. Je suis exténuée. Je suis stressée, stressée de demain et du jugement qui sera donné, stressée de ma nuit que je vois se raccourcir petit à petit. Mon état ne fait que changer, passant de la tristesse à la colère, puis à la résignation. Mes émotions sont en chute libre et c'est le manque de sommeil qui les a poussées du haut de la falaise.

Je me relève soudainement. Il vaut mieux que je fasse quelque chose, je ne sais quoi mais il faut que je bouge. Cela ne sert à rien de s'apitoyer sur son sort. Cela fait déjà un moment que mes yeux se sont habitués à l'obscurité, par conséquent, mes pas peuvent me guider sans encombre jusqu'à la salle d'eau. Je ferme lentement la porte après mon passage. Je m'approche du centre de la pièce où un rayon lunaire a atterri chastement. Je tourne le regard vers le miroir qui se tient à ma gauche. Les larmes ont creusé mes joues tout comme la fatigue a creusé des cernes. Les racines de mes cheveux sont collées à mon front, perlant de sueur. Je pose alors mes mains à plat, de chaque côté du lavabo, et c'est alors que je remarque mes mains endolories dû à mes nombreux excès de colère. Je soupire d'exaspération. Il faut que j'arrive à canaliser mes émotions, mieux que cela.

Je relève la tête vers le miroir et face à l'image que me renvoie mon propre visage, je prends rapidement l'initiative de me rafraîchir tout cela. Je retire tous les vêtements qui se trouvent sur mon corps sale. Je pose un pied après l'autre dans la douche. Puis, j'active alors le robinet se trouvant au-dessus de moi. Je me reçois alors un jet d'eau en plein sur le haut de mon crâne, le liquide a déjà collé tous mes cheveux à mon corps. Je bouge passivement sous l'eau froide qui dégouline le long de mon corps. Cela fait tellement de bien. Cette eau rafraîchit ma peau brûlante avec brusquerie, mais ce n'est pas pour me déplaire.

J'attrape le petit bloc de savon et le passe frénétiquement sur l'intégralité de mon corps nu ainsi que dans mes cheveux. Je laisse la crasse, la tristesse, la peur et les idées noires s'écouler par le fond de la douche, me les arrachant. Je ferme alors la pomme de douche pour stopper son hémorragie. Je sens les dernières gouttes d'eau fraîche couvrirent sur mon corps, de mes pointes de cheveux jusqu'au bout de mes pieds.

Je me sens neuve, je me sens propre, et cela dans tous les sens employables. Je peux enfin respirer, réfléchir correctement, penser. Cela est complétement fou. Comment une douche peut-elle vous libérer de vos émotions oppressantes ? Je suis enfin en mesure d'analyser les choses d'un nouvel angle, de prendre du recul sur des situations. Je suis calmée, tout simplement. Je suis apaisée, prête à trouver le sommeil en toute sérénité, et cela sans risquer d'être hantée par de sinistres rêves cauchemardesques. Je ne me laisse distraire ni par mes doutes, ni par mes incertitudes. Nous verrons bien ce que le destin nous réservera.

Lorsque je m'allonge sur mon matelas, c'est avec un grand besoin et un grand plaisir que j'accueille Morphée, en me plongeant dans ses bras doux et cotonneux.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant