29. Cette Nuit (part. 2)

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Comprenant qu'il ne me laissera pas partir avec une simple phrase, je rentre à nouveau dans ma chambre. Je ne tiens pas en plus à réveiller Faeny, là ce serait le pompon. Je ferme la porte. Matt se tiens devant moi.

- Où est-ce que tu allais comme cela ?

J'essaie de le raccompagner jusqu'au lit, mais il ne bouge pas d'un centimètre.

- Recouche-toi, tu dois être en forme pour demain, je t'expliquerai cela demain d'accord ?

Il ne dit et me lance un regard qui signifie que c'est maintenant.

- Je vais souvent m'entraîner la nuit, et là je dois y aller.

- Alors je viens avec toi.

- Non, ce n'est pas la peine et puis il faut que tu commences doucement.

- Arrête, je suis en pleine forme d'un point de vue physique. Je n'aurai même pas dû rester aussi longtemps à l'hôpital, je n'en avais pas besoin.

- Toujours est-il que tu vas te rendormir et moi je sors m'entraîner.

- Pourquoi maintenant ? Pourquoi ce soir ?

- Je fais cela tous les soirs. Et puis au moins je m'habitue aux combats nocturnes.

Il ne dit rien. Il attend que je continue, je le sais.

- Nous n'avons plus beaucoup de temps, tu le sais mieux que moi.

- Si tu es épuisée, une fois sortie de ces murs, toutes ces heures d'entraînements ne te serviront à rien.

- Je sais très bien, mais je ne suis pas fatiguée.

Son ton mécontent d'un père qui surprend sa fille à faire le mur s'adoucit petit à petit. Je n'ai pas besoin de m'épiloguer sur le sujet, il sait et il comprend. Il sait que nous serons à nouveau dehors dans peu de temps. Et qui sait ce qu'il peut nous arriver ?

Je veux être aussi prête que ce que je peux et je vois dans ses yeux qu'il l'a deviné. Il est presque d'accord.

- Qui ?

- Le co-équipier que j'ai eu cette semaine. Il m'aide beaucoup.

Un silence plane dans la chambre. A tel point que je pourrai croire qu'il s'est endormi debout en à peine quelques secondes.

- N'oublie pas que tu n'as besoin de personne pour réussir. Tu as déjà toutes les cartes en main.

Il ne le dira pas, mais c'est un « oui ». Je souris tandis qu'il s'avance vers le lit pour s'y allonger. Les draps se froissent. Je m'apprête à quitter la chambre lorsqu'il rajoute quelque chose.

- Tu en profiteras pour travailler ta discrétion.

Je ferme la porte avec le sourire. Je descends les marches le plus silencieusement possible. J'observe la pendule qui trône dans le salon. Elle me crie sans bruit que je vais devoir courir.

Je ralentis l'allure lorsque j'aperçois Wyden sur le stade en train de s'échauffer. Je fais attention à ma fameuse discrétion, mais le banc de sable, que je n'avais pas vu, me trahit. Il me salue.

- Prête pour notre dernier entraînement en tant que co-équipier ?

- Ce n'est pas notre dernier, il y a encore ceux-là, la nuit.

- Je pensais que tu voulais les arrêter en même temps pour pouvoir me remplacer par ton ami.

Je nie. Je n'ai pas l'intention de décharger mon emploi du temps. Et puis m'entraîner avec eux deux ne peut que m'être bénéfique. Cela puisqu'ils ont tous les deux une manière différente de faire.

Une fois en place, il attaque le premier. Durant ce combat, je ne fais pas long feu. En à peine quelques trois minutes je me suis prise plusieurs coups. Et là je me retrouve immobilisé au sol suite à un violent coup derrière mes genoux appuyé d'un direct dans mon buste. J'accepte sa main pour le lever. Je passe rapidement mes mains sur mes jambes où sont restés accrochés des graviers. Pendant ce temps, sans que je comprenne pourquoi, il s'éloigne vers la Caserne pour revenir une minute plus tard.

- Tu te concentres trop sur seulement ce que tu peux voir. Mais il n'y a pas que la vue. Sers-toi de tous tes sens. Ton ressenti, ton impression. Mets ce bandeau sur tes yeux. Fais attention aux bruits, aux déplacements d'air, à tes sensations et ton intuition la plus profonde. L'intuition n'est jamais là par hasard ? Elle se fait sentir lorsque ton subconscient perçoit des éléments que tu ne décrypte pas correctement. Le but étant de pouvoir les déchiffrer consciemment.

- Je ne pense avoir besoin d'un bandeau, je n'y vois déjà pas grand-chose...

- Arrête de râler un peu et mets-moi celui-là.

Je reste faussement interdite quelques secondes en me rendant compte qu'il a réutilisé ma phrase en changeant seulement le verbe. Je souffle et plaque le bandeau sur mes yeux. Je commence à le nouer, mais il ne fait que se prendre dans mes cheveux. A vrai dire je les ai attachés vite fait mais pas forcement bien fait. Sans rien que je ne lui demande, Wyden passe derrière moi. Je m'en rends compte lorsqu'il retire mes mains pour prendre le bandeau. Il fait un nœud en quelques mouvements de doigts et me demande si c'est bon. J'acquiesce d'un hochement de tête même si je ne sais pas si il me regarde.

Ne rien voir est bien plus stressant que ce que j'avais imaginé.

GuerrièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant