Les hommes, à de certains moments, sont maîtres de leur sort ; et si notre condition est basse, la faute n'en est pas à nos étoiles ; elle en est à nous-mêmes.
William Shakespeare
L'obscurité m'apaise. Je la préfère. Elle laisse place à l'imagination, soit à toutes les possibilités de l'esprit. La pénombre enlace mon corps tandis que je rêve d'un matelas douillé sous mon corps. Une pierre sortant du sol me gêne, sous l'épaule, mais je ne bouge pas. Ce n'est qu'un détail. Le silence règne autour de moi, étrangement. Est-ce que je suis déjà morte ? Je sens mon ventre se soulever au rythme de mes respirations. Non, je suis bel et bien vivante. Pourquoi alors je n'entends rien que le faible bruit d'une brise ? Aucun assaut n'est monté contre moi, alors je n'esquisse aucun mouvement.
J'expire lentement et ferme un instant les yeux. Je m'efforce de calmer les battements de mon cœur. Un bruissement attire mon attention. Seraient-elles revenues ? Il y a du mouvement. Lentement, ma main se rapproche de mon holster. Il est vide. J'avais fait tomber mes armes. A tâtons, mes doigts cherchent une pierre pour me défendre.
Quelque chose accourt vers moi. Dans un hoquet de surprise, je tente de l'apercevoir. Malgré moi, mes yeux s'embuent de larmes. La nuit m'obstrue la vue. Brusquement, des mains se posent sur moi. Étouffant un cri, je roule sur le côté, voulant m'enfuir. Loin. Très loin. Mais une main vient se plaquer sur ma bouche et une autre me maintient en place.
- Tais-toi !
Je me concentre, déchiffrant le visage de cette personne. Mes yeux rencontrent les siens. Je fonds en larmes. Je n'arrive pas à m'arrêter. J'ai oublié la douleur de mes plaies sanguinolentes. Des millions de larmes inondent mes joues, puis mon cou. J'ai l'impression qu'elles ne se tariront jamais. L'homme au-dessus de moi me prend dans ses bras. Me retrouvant assise, je l'enserre de toutes mes forces restantes. Je pensais ne plus jamais le revoir.
- Chut... murmure-t-il au creux de mon oreille. Tout va bien, je suis là Tery. Tout va bien...
Il me berce doucement contre lui tandis que je sanglote son prénom sur son épaule. Matt. Il m'a tellement manqué. Je ne saurai l'expliquer, mais je me sens plus que bien avec lui. Ses bras m'ont si souvent réconfortée. Mais là, cela est différent. Entre Matt et moi il n'y avait encore jamais eu de déchirure comme celle que nous venons de raccommoder. J'ai l'impression de rêver. Je me sens si légère. J'ai retrouvé le seul membre vivant de ma famille. Le seul qu'il me reste. La seule personne que je chéris autant. Le seul qui m'empêche de m'écrouler, au sens figuré tout comme au sens propre. Peu à peu un espoir se concrétise dans mon esprit et ma joie renaît. Je ne prends réellement conscience seulement maintenant qu'en me l'arrachant, l'on m'avait arraché une partie de mon cœur, une partie de mon âme. Avec lui, je suis entière. Je respire enfin.
Je suis debout, appuyée sur un arbre. Le peu d'affaires qu'il me reste est correctement rangé dans mon sac, pendant dans mon dos. Matt arrive à ma hauteur, ses mains dégoulinantes d'eau, mais encore sanglantes.
- Il faut que l'on s'éloigne. L'odeur de ces créatures vont en attirer d'autres, déclare Matt en jetant un dernier regard en arrière vers ces deux charognes.
J'acquiesce en silence et le suis quelque peu derrière lui.
- Pourquoi tu es ici ?
- Tu n'es pas contente de me voir ? répond-t-il, en se retournant quelques instants vers moi.
- Bien sûr que si, tu le sais très bien. Mais je veux dire, comment tu es arrivé jusqu'à moi ? je demande en le rattrapant.Il regarde devant lui, réfléchissant certainement à quoi à répondre, au sens de ma question.
- J'ai suivi la rivière.
Il prononce cette courte phrase comme si elle expliquait beaucoup plus de choses qu'il n'y paraît. Comme si c'était une réponse évidente.
- Et pourquoi tu étais si sûr de m'y retrouver ? Je ne t'en ai jamais parlé, je...
Je coupe ma phrase et je comprends.
- Mais Brion t'a dit de la suivre, explique-t-il un sourire au coin des lèvres.
Je n'ai rien vu venir. Matt devait me retrouver et Brion le savait pertinemment. Il aurait pu me le dire tout de même ! Je commence à m'énerver lorsque je me souviens qu'il avait déjà pris assez de risques pour moi. Que quelqu'un le voit près des murs, en face d'une exilée est une chose, mais qu'on l'entende dire qu'un sergent mis en examen tiendrait compagnie à une exilée en est une autre. Et je le remercie en silence. Sans lui, Matt ne m'aurait jamais trouvé.
- Merci. De m'avoir sauvé la vie.
- Je n'allais tout de même pas te laisser mourir alors que je suis venue pour toi.Je suis heureuse d'entendre cela. Nous continuons de marcher côte à côte. A chaque pas, chaque à-coup, mes plaies se compriment une nouvelle fois, élançant une douleur. Je ne dis rien et me contente de respirer profondément. Malgré cela, mon allure ralentit doucement. Matt s'en rend compte. Il porte son sac sur une épaule et le mien sur la seconde.
- On pourra bientôt s'arrêter.
Le reste du trajet se fait en silence. Je ne sais pas à quoi il pense, mais il est loin d'ici. Peut-être pense-t-il à Westen. Ou alors à notre destination. Ou quelque chose d'autre. Après tout je ne peux pas tout savoir, encore moins les pensées qui peuvent traversées un esprit autre que le mien.
Mes pieds buttent sans arrêt sur des galets. Je ne fais même pas l'effort de lever les talons. Cela ponctue cette marche nocturne. Matt s'arrête. Tête baissée dans le noir, je ne le remarque pas et lui fonce dedans. Je me recule et murmure des excuses.
- Tu pourrais faire attention !
- Désolée, je n'ai pas fait exprès, ça va...Il part vers un arbre et dépose les affaires aux pieds de celui-ci. Je ne regarde pas et me tourne vers la rivière. Un froissement de tissu me parvient accompagné de l'éternel bruit hydraulique de cette eau. Matt s'approche du courant et plonge ses mains dedans. Il me demande de m'asseoir près de lui. Il prend mon bras gauche, le plonge dans l'eau puis frotte un savon dessus. Je retiens un gémissement de franchir mes lèvres. Je me tourne, enlève mon débardeur, lui laissent libre-accès à mon dos. Il renouvelle l'opération sur ma plaie se situant sur mon omoplate droite.
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Guerrière
Science Fiction2183, Westen : 2 751 habitants Cela fait maintenant un siècle qu'un virus a contaminé la majeur partie de l'espèce humaine, les mutant en créatures ignobles. Westen, ville entourée d'immenses murs la protégeant, est dirigée par un système sexiste et...